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PUBLICATION DE LA RIVE GAUCHE
LES
PROPOS DE LABIENUS
PAR
A. ROGEARD
HUITIEME EDITION
EDITION APPROUVEE PAR L’AUTEUR
BRUXELLES
CHEZ TOUS LES LIBRAIRES ,
1865
Tons droits reserves
��PROPOS DE LABIENUS
Ceci se passait l’an VII apres J.-C., la trente-huitieme annee
du regne d’Auguste, sept ans avant sa mort; on etait en plein
principat, le peuple roi avait un maitre. Lentement sorti de
cette vapeur de sang qui avait empourpre son aurore, l’astre
des Jules montait et versait une douce lumidre sur le forum
silencieux. C’etait un beau moment! La curie etait muette et
les lois se taisaient; plus de cornices curiates ou centuriates,
plus de rogations, plus de provocations, plus de secessions,
plus de plebiscites, plus d?elections, plus de desordre, plus
d’armee de la republique, nulla publica arma, partout la paix
romaine, conquise sur les Romains; un seul tribun, Auguste;
une seule armee, l’armee d’Auguste; une seule volonte, la
sienne; un seul consul, lui; un seul censeur, lui encore; un
seul preteur, lui, toujours lui. L’eloquence proscrite allait
mourir dans l’ombre des ecoles; la litterature expirait sous la
protection de Mecene; Tite-Live cessait d’ecrire; Labeon, de
parler; la lecture de Ciceron etait defendue; la societe etait
sauvee. Pour de la gloire, on en avait sans doute, comme il
convient a un empire qui se respecte; on avait ferraille un peu
partout; on avait battu les gens, au nord, au sud, a droite, a
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gauche, suffisamment; on avail des noms a mettre au coin des
rues et sur les arcs de triomphe; on avait des peuples vaincus a
enchainer en bas-reliefs; on avait les Dalmates, on avait les
Cantabres, et les Aquitains, et les Pannoniens; on avait les Illyriens, les Rhetiens, les Vindeliciens, les Salasses et les Daces ;
et les Ubiens, et les Sicambres, et les Parthes, reve de Cesar,
sans compter les Romains des guerres civiles, dont Auguste eut
l’audace de triompher contre la coutume, mais a cheval seulement, par modestie. Il y eut meme une de ces guerres ou l’empereur commanda et fut blesse en personne; ce qui est le
comble de la gloire pour une grande nation.
Cependant les sesterces pleuvaient sur la plebe; le prince
multipliait les distributions; on eut dit que cela ne lui coutait
rien; il distribuait, distribuait, distribuait; il etait si bon, qu’il
donnait meme aux petits enfants au dessous de onze ans, contrairement a la loi. Il est beau de violer la loi, quand on est
meilleur qu’elle.
Pour les spectacles, c’etait le bon temps qui commengait. On
n’avait que l’embarras du choix : jeux du theatre, jeux de gla~
dialeurs, jeux du forum, jeux de l’amphitheatre, jeux du cirque,
jeux des cornices, jeux nautiques et jeux troyens, sans compter
les courses, les chasses et les luttes d'athletes, et sans prejudice
des exhibitions de rhinoceros, de tigres et de serpents de cinquante coudees. Jamais le peuple romain ne s’etait tant amuse.
Ajoutez que le prince passait frequemment la revue des che
valiers et qu’il aimait a renouveler souvent la ceremonie du
defile; spectacle majestueux, sinon varie, et qu’il serait injuste
d’omettre dans 1’enumeration des plaisirs qu’il prodiguait aux
maitres du monde. Quant a lui, ses plaisirs etaient simples, et,
si ce n’est qu’il donna peut-e.lre trop souvent la place legitime
de Scribonie ou de Livie, soit & Drusilla, soit a Tertulla, soil a
Terentilla, soit a Rufilla,soit& Salvia Titiscenia, soit a d’autres,
et qu’il eut le mauvais gout, en pleine famine, de banqueter
�trop joyeusement, deguise en dieu, avec onze comperes, deifies
comme lui, et qu’il aima un peu trop passionnement les beaux
meubles et les beaux vases de Corinthe, au point quelquefois de
tuer le maitre pour avoir le vase, et qu’il fut joueur comme les
des, et qu’il fut toujours un peu enclin au vice de son oncle, et
que, dans sa vieillesse, son gout etant devenu plus delicat, il ne
voulait plus admeltre a 1’honneur de son intimite que des
vierges, et que lesoin de lui amener lesdites vierges etait confie
par lui a sa femme Livie, qui, du reste, s’acquitlait avec un grand
zele de ce petit emploi; si ce n’est cela et quelques menus suf
frages, qui ne valent pas meme la peine d’etre mentionnes,
Suelone assure que, en tout le reste, sa vie fut tres reglee et a
I’abri de tout reproche. Done e’etait une heureuse epoque que
cette ere julienne, e’etait un grand siecle que le siecle d’Auguste,
et ce n’est pas sans raison que Virgile, un peu exproprie
d’abord, indemnise ensuite, s’ecrie que e’est le regne de Saturne
qui revient.
II y avait bien, ca et la, quelque ombre au tableau; il y avait
eu une dizaine de complots, autant de seditions, et' cela gate un
regne; e’etaient les republicains qui revenaient. On en avait tue
le plus qu’on avait pu, a Pharsale, a Thapsus, a Munda, a Phi
lippes, a Actium, a Alexandrie, en Sicile; car la liberte romaine
avait la vie dure; il n’avait pas fallu moins de sept tueries en
masse, sept egorgements, pour la mettre hors de combat; les
legions semblaient sortir de terre suivant le voeu de Pompee; on
avait done tue consciencieusement ces republicains toujours renaissanls; mais combien? Trois cent mille, peut-etre, tout au
plus; e’etait bien, ce n’etait pas assez; il y en avait encore. De
la quelques petiles contrarietes dans la vie du grand homme. Au
senat, il lui fallait porter une cuirasse et une epee sous sa robe,
ce qui est genant, surtout dans les pays chauds; et se faire entourer de dix robustes gaillards, qu’il appelait ses amis, et qui
n’en etaient pas moins pour lui une compagnie facheuse.
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Il y avait aussi ces trois cohortes qui trainaient derriere lui
leur ferraille, dans cette meme ville ou, soixante ans auparavant,
il n’etait pas permis d’enlrer avec un petit couteau; celapouvait
faire naitre quelques doutes sur la popularite du Pere de la
palrie. Il y avait ensuite Agrippa qui demolissait trop; mais il
fallait bien faire un tombeau de marbre pour ce grand peuple
qui voulait mourir. Il y avait encore le prefet de Lyon, Licinius,
qui pressurait trop sa province; il ne savaitpas tondre la bete
sans la faire crier; c’etait un administrateur ignorant et grossier,
qui se contentait de prendre l’argent ou il etait, c’est a dire dans
les poches, procedant sans facon, manquant de genie dans l’execution ; c’est lui qui imagina d’ajouter deux mois au calendrier,
pour faire payer, deux fois de plus, par an, 1’impdt mensuel a
sa bonne ville. Du reste, il faut reconnaitre qu’il partageait
equitablement avec son maitre le produit de son administration.
Les bonnes gens de Lyon, ne sachant comment s’arracher
celte sangsue de la peau, eurent la simplicite de demander a
Cesar le rappel de leur prefet, qui fut maintenu.
Il y avait encore certaine expedition lointaine dont on n’avait
pas lieu d’etre absolument tier; le malheureux Varus avait ete
betement se faire ecraser avec trois legions, Ia-bas, la-bas, par
dela le Rhin, au fond'de la foret Ilercynienne. Cela fit mauvais
effet. La guerre est comme toutes les bonnes choses, il ne faut
pas en abuser. Elie a le merite d’etre un spectacle absorbant,
la plus puissante des diversions, je le veux bien, mais c’esl une
ressource qu’il faut menager; il ne faut pas jouer trop facilement ce jeu insolent et terrible, qui peut tourner contre celui
qui le joue; et quand on est un sauveur, il ne convient pas d’envoyer trop leg^rement a la boucherie les gens qu’on a sauves;
voila ce qu’on pouvait dire; mais qui done y pensait? a peine
vingt mille m6res, etqu’est-ce que cela, dans un grand empire?
On sait bien que la gloire ne donne pas ses faveurs, et Rome
etait assez riche de sang et d’argent pour les payer. Auguste en
�fut quitte pour se cogner tout. doucement la tete centre les
portes, et pour faire une prosopopee qui, du reste, est devenue
classique.
Il y avait enfin Lollius qui avait perdu une aigle ; on pouvait
s’en passer; et, quant aux finances, une ere nouvelle venait de
s’ouvrir, la grande administration etait inventee, le monde allait
etre administre. Le monstre-empire a cent millions de mains et
un ventre, l’unite est fondee! Je travaillerai avec vos mains et
vous digererez avec mon estomac, voila qui est clair, et Menenius avait raison, et je n’ai que faire de Lavis du paysan du
Danube.
Si ce systeme entrainait quelques abus, s’il y avait de le'mps
en temps quelque famine, ce n’etait la qu’un nuage dans le
rayonnemqnt de la joie universelle, une note discordante qui se
perdait dans le concert de la reconnaissance publique, et tous ces
petits malheurs, qui d’aventure, ridaient la surface de l’empire,
n’etaient a vrai dire que d’heureux contrastes, et'de piquantes
diversions menagees a un peuple heureux par sa bonne fortune,
pour le reposer de son bonheur et lui donner le temps de respirer; e’etait comme l’assaisonnement du regal, juste assez pour
rompre la monotonie du succ&s, temperer l’allegresse et preve
nt la satiete. On etouffait de prosperite; il y a des bienfaits qui
accablent et des bonheurs qui font mourir.
Qui done, en cet age d’or, qui done pouvait se plaindre? Tacite dit que, sept ans plus tard, a la mort d’Auguste, il ne res
tart que peu de citoyens qui eussent vu la republique; il en
restait encore moins de ceux qui l’avaient servie: ils avaient ete
emportes par les guerres civiles, ou par les proscriptions, ou par
les executions sommaires, oupar 1’assassinat, ou par la prison,
ou par l’exil, ou par la misere, ou par le desespoir; le temps
avait fait le reste; il restait quelques esprits chagrins, quelques
vieillards moroses, et quant a ceux qui etaient venus au monde
depuis Aclium, ils etaient lous nes avec une image de l’empe-
�reur dans l’oeil, et s’ils n’en voyaient pas plus clair, on avait
lieu d’esperer du moins qu’ils seraient disposes A trouver belle
la nouvelle face des choses, et meme la plus belle de toutes,n’en
ayant jamais vu d’autre. Done la tourbe de Remus etait contente, et tout etait au mieux, dans le meilleur des empires.
En ce temps-la vivait Labienus. Connaissez-vous Labienus?
C’etait un homme etrange et d’humeur singuliere. Figurez-vous
qu’il s’obstinait a rester citoyen dans une ville ou il n’y avait
plus que des sujets. Comprend-on cela? Civis Romanns sum,
disait-il; impossible de le faire sortir de la. Il voulait, comme
Ciceron, mourir libre dans sa patrie libre; imagine-t-on pareille
extravagance? citoyen et libre, I’insense! Sans doute il disait
cela, comme plus tard Polyeucte disait : Je suis chretien ! sans
trop savoir ce qu’il disait. Le vrai, c’est que sa pauvre tete etait
malade; il etait atteint d’une dangereuse affection du cerveau;
du moins c’etait l’avis du medecin d’Auguste,de celebre Artorius,
qui appelait ce genre de folie une monomanie raisonneuse, et
qui avait ordonne de trailer le malade par la prison. Labienus
n’avait pas suivi 1’ordonnance; aussi n’etait-il pas gueri
comme vous allez voir, quand je vous l’aurai fait mieux connaitre.
Titius Labienus portait un nom honore deja deux fois par de
bons citoyens. Le premier Labienus, lieutenant de Cesar, l’avait
quitte, lors du passage du Rubicon, pourne pas etre complice de
son attentat; le second avait mieux aime servir les Parthes que
les triumvirs; notre heros etait le troisieme. Une ligne de Seneque le rheteur suffit deja pour nous faire entrevoir cette
grande figure, car nous y trouvons cette fiere parole de Labie
nus : Je sais que cequej’ecris nepeut etre lu quapres ma mort.
Orateur et historien de premier ordre, parvenu a la gloirc a
travers mille obstacles, on disait de lui qu’il avait arrache plutot qu’ofefemt 1’admiration, Il ecrivait alors une histoire dont il
lisait parfois, portes closes, quelques pages a des amis surs.
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C’est & propos de cette histoire que la condamnation des livres
au feu fut appliquee pour la premiere fois, sur la motion d’un
senateur qui fut lui-meme frappe, quelque temps apres, de la
peine qu’il avait inventee; et Labienus eut ainsi, le premier a
Rome, l’honneur, devenu commun plus tard, d’un senatusconsulte incendiaire. C’est ce que M. Egger appelle judicieusement « les difficultes nouvelles que le regime imperial fit naitre
pour l’histoire (1). » Le pauvre historien brule, ne pouvant
survivre a son oeuvre, alia s’enfermer dans le tombeau de ses
ancetres, pour n’en plus sortir. Il croyait son oeuvre aneantie;
elle ne l’etait pas. Cassius la savait par cceur, et Cassius, pro
tege par l’exil, etait, comme il disait lui-meme, une edition
vivante du livre de son ami, une edition qu'on ne brulerait pas.
Sans doute la mort de Labienus fut aussi folle que sa vie; un
livre brule, la belle affaire! est-ce qu’on se tue pour cela? Lc
senat ne voulait pas la mort du coupable, il ne voulait que lui
donner un avertissement; il fallait en profiter; mais cet 'hommc
prenait tout & rebours, et entendait toujours de travers, quand
il entendait. Il etait bien digne de figurer dans ce long defile de
suicides stoiciens qui venait de commencer, et parmi tous ces
heroiques niais, tous ces opposants systematiques et absolus,
enrages et absurdes, qui faisaient de leur mort meme un der
nier acte d’opposition, et s’imaginaient, en s’ouvrant les veines,
faire un bon tour a 1’empereur. Aucuns meme se tuaient uniquement pour faire enrager le prince, qui en riait avec ses
affranchis, et n’en etait que plus persuade de 1’excellence de sa
politique, en voyant que sa besognese faisait toute seule. Labie
nus etait de ceux-la ; vous voyez bien que e’etait un imbecile;
tel est l’homme dont nous voulons vous redire les propos, el
vous verrez que dans scs propos, comme dans sa vie et dans sa
mort, il fut toujours le meme, c’est a dire un incorrigible. C’etail
(1) Examens critiques, p. 92.
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un homme du vieux parti, puisque la liberte etait passee; un
reactionnaire, puisque la republique etait une chose du temps
jadis; un ci-devant de l’ancien regime, puisque le gouvernement des lois etait le regime d’autrefois; en un mot, c’etait une
ganache.
Il etait de ces mechants qui doivent trembler sous un gouvernement fort, pour que les bons se rassurent, et que la societe,
ebranlee j usque dans ses fondements, puisse se rasseoir sur ses
bases. Ce n’est pas tout, Labienus etait ingrat : en plein cesarisme, en pleine gloire, au milieu de cette surabondance de felicite publique et de cette fete immense du genre humain, il meconnaissait les bienfaits que repandait a pleines mains le second
fondateur de Rome, le pacificateur du monde; il avait a la fois
les passions aveugles et les passions ennemies qui font les
hommes dangereux et les citoyens funestes. Mais vous ne le connaissez pas encore. Sa passion manquant d’air et d’espace, dans
I’etouffement du principal, ne pouvant ni parler, ni ecrire, ni
agir, ni se mouvoir, il passait des heures entieres sur le pont
Sublicius, a voir couler le Tibre, immobile et muet, mais le
regard furieux, le geste menacant, la poitrine gon flee de l’esprit
des anciens jours, comme une statue de Mars vengeur, comme
un tribun petrifie. II est doux de dormir, disait Michel-Ange,
ou d’etre de pierre, tant. que durent la misere et la honte. La
bienus ne dormait pas, mais il etait de pierre, plus dur que le
roc du Capitole (immobile saxwri). La tyrannie n’avait pas prise
sur lui, et l’empire n’y pouvait mordre; c’etait un Romain de
la vieille roche, que rien ne pouvait entamer. Seul, debout,
comme Codes, entre une armee et un precipice, il defiait l’une
ct l’autre : il defiait Auguste et souriait a la mort. Dans tout
cela, il y avait du bon, si vOus voulez; mais a cote, quel caraclercdetestableet quel esprit mal fait! Octaveavaiteu beaufrapper une superbe medaille, avcc les trois mains entrelacees des
triumvirs, et cette sublime Iegende : Lesalut du genre humain,
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cela encore lui deplaisait; il pretendait qu’on l’avait sauve malgre lui, et il citait le vers d’Horace :
Quand d’etre ainsi sauvd je n’ai pas le dessein,
Au diable le sauveur, qui n’est qu’un assassin!
Le vieux Labienus etait de ceux qui avaient vu la republique;
ce n’etait pas sa faute; mais il avait la sottise de s’en souvenir,
la etait le mal. Il voyait maintenant un grand regne, et il n’etait
pas content. Il y a des gens qui ne le sont jamais. Il se croyait
toujours au lendemain de Pharsale; quarante ans de gloire lui
crevaient les yeux, sans les ouvri.r; il avait Fair d’un homme
qui fait un mauvais reve, et la realite pour lui n’etait qu’une
infernale vision. Il avait des etonnements naifs; il ne voulait pas
croire que e’etait arrive. Epimenide (qui dormit cent ans),
quand il se reveilla, etait moins etonne. Triste dans la joie
universelie, sombre au milieu de 1’orgie romaine, comme les
deux philosophes du tableau de Couture, il etait la et semblait
viyre ailleurs; e’etait un spectre dans une fete; vous eussiez dit
un mort echappe des tombeaux de Philippes, une ombre curicuse qui vient voir. Quelquefois un ami le plaignait; lui, plaignait son ami. Le plus souvent, tout seul, il grondait dans son
coin; il regardait passer l’empire. Il n’etait guere possible de
faire entendre raison a un pareil homme : il etait d’un autre
age, exile dans l’age nouveau; il avait la nostalgie du passe; il
n’avait rien appris, ni rien oublie; il ne comprenait rien a
, l’epoque presente; il avait tous les prejuges de Brutus, il etait
infecte d’opinions grecques qui n’etaient plus de mise a Rome
depuis longtemps. Il avait Fair vieux comme les Douze Tables;
il pensait encore comme on pensait du temps de Fabricius ou des
Camilles chevelus. Et puis des idees fantasques et d’incroyables
manies; surtout un gout bizarre, inexplicable, etrange : il aimait
la liberte! Evidemment T. Labienus n’avait pas le senscommun.
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Aimer la liberte! Comprenez-vous cela! C’etait une opinion re
trograde, puisque la liberte etait la chose ancienne; les hommes
nouveaux aimaient le regime nouveau. Il n’avait pas le sentiment
des nuances, ni la notion du temps, ni 1’intelligence des tran
sitions.
Le temps avait marche, les idees aussi; lui, restait plante la
comme un terme; il croyait encore a la justice, aux lois, a la
science et a la conscience; evidemment il radotait. 11 parlait du
parti des honnetes gens, comme Ciceron; il parlait de Senat, de
tribuns, de cornices, et ne voyait pas que tout cela etait fondu
comme neige dans le cloaque immense, et qu’il etait presque
seul sur le bord. Il comptait encore les annees par les consuls,
car Auguste avait laisse le nom pour faire croire a la chose, et
lui, esperait ressusciter la chose en conservant le nom. Il preparait des discours au peuple, comme s'il y avait un peuple; il
invoquait les lois, comme s’il y avait des lois; le principat n’etait
pour lui qu’une parenth^se de l’histoire, une page honteuse des
annales romaines, il avait hate de tourner la page ou de la dechi
rer ; il disait toujours que cela allait finir, et il le croyait; les
gens le croyaient fou, et il 1’etait, comme vousvoyez. Au demeurant, bonhomme; entete plutdtque mechant; incapable detuer
un poulet, et de souhaiter le moindre mal a un homme, si co
n’est a Auguste, et encore. Il etait si doux, qu’il etait d’avis de
ne l’envoyer qu’au bagne, tourner la meule, contrairement a
l’opinion plus commune de ceux qui voulaient le mettre en
croix. Il pensait d’ailleurs, avee les stoiciens, que lechatiment
est un bien pour le coupable; il est done vrai de dire qu’il souhaitait a Auguste leseul bonheur qui put lui arriver : l’expiation.
Un jour qu’il se promenait sous le portique d’Agrippa, il rencontra Gallion. Junius Gallion etait un jeune sage, comme La
bienus etait un vieux fou. C’etait un jeune homme serieux et
doux, instruil et elegant, poli, circonspect et prudent, un stoi-
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cien modere; espagnol et romain, citoyen et sujet, homme de
deux epoques et de deux pays, sang mele, opinion croisee, un
peu ceci et un peu cela; tournant parfois, comme Horace, ses
regards attendris sur le tombeau de la liberte, et les reportant,
non moins attendris, sur le berceau de l’empire; donnant une
larme a Caton, un sourire a Cesar; caractere bienveillant,
aimant un peu tout le monde, meme Labienus. Il etait frere de
Seneque, qui n’osa pas vivre, et oncle de Lucain, qui ne sut pas
mourir : on n’avait plus que des moi ties d’heroisme et des troncons de grandeur; peuple en ruines, avant ses temples; qa et la
encore quelques demi-Romains. Gallion faisait des vers pour le
favori de Mecene ; les critiques l’appellent l’ingenieux Gallion.
Enfin, ilavait de l’esprit, car il fut proconsul. C’est de lui qu’on a
nomme gallionistes les indifferents en matiere religieuse; il aurait pu etre un peu patron, du meme genre, en matiere politique.
C’est ce que lui reprochait Labienus. Et je crois que le sombre
promeneur allait passer sans se soucier de le reconnaitre; car
Labienus n’etait pas aimable; il n’etait guere plus affable que
ces fameux senateurs qui, fierement assis au milieu du forum,
regurent un jour si froidement les Gaulois. Aussi Gallion ne se
serait pas hasarde a lui caresser la barbe; mais le jeune homme
etait si content, si emu, avait si grand besoin de trouver quelqu’un a qui dire la grande nouvelle qu’il venait d’apprendre, il
etait si curieux d’en voir l’effet sur Labienus, qu’il l’aborda :
Bonjour, Titus! quid agis, dulcissime, rerum? comment te
portes-tu? — Mai, si l’empire se porte bien.
— C’est bon, on sait bien que tu es loujours de mauvaise
humeur; mais j’ai une nouvelle a t’apprendre. — Il n’y a pas
de nouvelle pour moi, tant qu’Auguste regne encore. — Allons,
je sais que tu es en colere depuis trente ans, et que tu n’as pas
ri une seule fois depuis le triumvirat; mais voici ma nouvelle :
les Memoires d’Auguste viennent de paraitre. — Et depuis
quand les brigands font-ils des livres? — Depuis que les hon-
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netes gens font des empereurs. — Helas! — Ainsi, mon cher
Titus, tu ne liras pas ces Jfe'moi'm? — Je les lirai, Gallion, je
les lirai, en pleurant de honte. — Et tu vas y repondre, les critiquer, faire un anti-Cesar, comme Cesar a fait un anti-Caton ?
— Non, Gallion, je ne veux rien publier sur ce sujet, je ne discute pas avec celui qui a trente legions; dans un pays qui n’est
pas libre, on doit s’interdire de toucher a l’histoire contemporaine, et la critique, en pareille matiere, est impossible. — Tu
ne veux pas eclairer le public? — Je ne veux pas contribuer a
le tromper, car, par le temps qui court, sur de tels sujets, rien
de ce qui parait ne peut etre bon, rien de ce qui est bon ne peut
paraitre. Je continuerai mon hisloire secrete, dont j’enverrai
les feuillets a Severus, en lieu sur; jesauverai la verite, en l’exilant. — Mais on assure que la critique sera libre; la tyrannic
donnera huit jours de conge a la litterature.—Ils ne pourront
donner qu’une fausse liberte, une liberte de decembre, c’est a
dire une liberte de carnaval, libertas decembris, comme dit
Horace; je ne veux pas en user. Je ne veux pas, en ecrivant
contre le livre, me trouver place entre la vengeance d’Octave et
la clemence d’Auguste, sans avoir meme le choix. Je ne veux
pas, comme Cinna, donner au drole 1’occasion de faire le raagnanime, et etre execute par une grace. Quant a louer Ie livre, je
ne le puis que s’il est bon, auquel cas, je craindrais d’etre confondu avec ceux qui le louent pour d’autres motifs. Il m’est
done aussi impossible de louer que de blamer. Et d’ailleurs, le
livre n’est pas bon et ne pouvait pas l’etre. Quand un homme
est assez coupable pour se faire roi, et assez sot pour se faire
dieu, je pense qu’il ne saurait avoir toutes les qualites requises
pour ecrire Fhistoire. Vous etes sur deja qu’il n’a ni bon sens,
ni bonne foi; alors qu’esl-ce qui lui reste? Il ne peut ni savoir
la verite, ni la dire, s’il la savait; alors de quoi sc mele ce
porte-sceptre? Et pourquoi s’avise-t-il d’ecrire? Un roi hislorien
doit commencer par abdiquer. Il ne Fa pas fait; mauvaissigne;
�Et puis, j’en ai lu des passages. II justifie les proscriptions et
fait l’apologie de l’usurpation. Cela devait etre. Et tu veux
Gallion, que jefasse la critique de cette oeuvre d’ignorance etde
mensonge, revetue de l’approbation de deux mille centurions, et
recommandee au lecteur par les veterans. La critique! c’est le
siege, que tu devais dire. Et tu ne vois pas, mon petit Gallion,
que c’est 1st un des meilleurs tours que le fils du banquier ait
joues aux fils de la louve, qui, helas! ne savent plus mordre,
commeleur aieule. Ah! Gallion, nous sommes degeneres, nous
sommes des Romains de decadence, tombes de Cesar dans Au
guste, et de Charybde dans Scylla; de la force dans la ruse, et
de l’oncle dans le neveu! Pouah! Non, je ne veux pas tomber
dans ce guet-apens litteraire, ni donner dans le panneau, ni surtout y faire tomber les autres; non, je n’ecrirai pas sur les
Mimoires d’Augusle. Le silence du peuple est la lecon des rois.
Labienus la donnera a Auguste.
Sois tranquille, d’ailleurs; si tu veux de la critique sur ce
petit morceau de litterature imperiale, si tu veux de fines appre
ciations, on t’en donnera; si tu veux de savantes dissertations,
il en pleuvra; si tu veux d’ingenieuses et piquantes observations,
des apercus pleins de nouveaute, des discussions elegantes et
Courtoises, soutenues d’un ton exquis par des gens du meilleur
monde, tu en auras; si tu veux de la controverse & genoux et
de la rhetorique a plat-ventre, et des epigrammes & surprise,
dont la pointe chatouille au lieu de piquer, et des morsures qui
sont des caresses, et des reproches sangiants qui font plaisir, et
d’adorables gentillesses adroitement glissees sous l’apparence
d’un jugement severe, etde jolis petits mots tout aimables, deli-,
catement enveloppes dans les plis d’une phrase feroce et rebarbative, et des bouquets de fleurs de latinite, et des flots d’elo
quence melliflue, et des arguments offerts sur des coussins de
velours, et des objections presentees sur un plateau d’argent,
comme une lettre par un domestique; rien de tout cela ne
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te manquera, mon cher Gallion; nous allons voir danser le
choeur des muses d’Etat, et c’est Mec&ne qui conduira le ballet.
Les chastes soeurs ont quitte le Pinde pour le mont Palatin, et
Apollon s’est mis dans la police. Done Auguste est assure
d’avoir un public, des lecteurs, des juges, des critiques, des
copistes et des commentateurs; il se trouvera des gens pour
cette besogne. Qui a fait desVirgiles, peut faire des Aristarques;
il lui en faut, il en aura!
Deja toute la litterature est en liesse : Varius pleure de
joie; Flavus trepigne de tendresse; Rabirius prepare ses
tablettes; Haterius fera une lecture, et Tarpa une declama
tion; Pompeius Macer declare que c’est un beau jour pour la
morale, et commande trois exemplaires de luxe, pour les trois
bibliotheques publiques qu’il vient d’organiser; Fenestella va
ajouter un volume a son Histoire litteraire; Metellus, qui fait
si bien les discours du prince, comptera les beautes oratoires de
son livre; et Verrius, le grammairien, les beautes gramma ticales; Marathus, l’historiographe, donnera une analyse dans le
journal de la cour; et Athenodore, le protege d’Octavie, redigera une paraphrase pour les dames, et les notules explicatives
a la portee des princesses. En voila dix, j’en connais mille;
ces gens-la vont defiler devant 1’empereur, en criant a tue-tete,
comme les chevaliers a la parade; lui, cependant, aura une atti
tude pleine de modestie et de majeste; son geste dira : assez!
son sourire dira : encore! et la cohue s’egosillera de plus belle.
Comme il a eu, pour applaudir ses actes, la populace des
sept collines; il aura, pour louer son livre, la populace des au
teurs; les applaudissements sont surs, mais ils ne peuvent venir
que d’un cote; c’est meme la une consequence assez grotesque
de sa situation litteraire unique. L’inforlune ne I’a peut-etre pas
prevue, mais je m’en moque; il reussira par ordre, c’est dur,
mais je n’y peux rien. La toute-puissance a des inconvenients
pour un auteur; tout n’est pas roses dans Ie metier d’ecrivain
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couronne. La place n’est pas tenable, et Virgile y aurait perdu
son latin. Mais il faut subir la loi qu’ori s’est faite, et quand la
honte est versee, il faut la boire. Attention done, mon cher Gal
lion; la fete va s’ouvrir, elle sera bruyante et nombreuse; deja
les musiciens sont & leurs places, accordent leurs instruments
et preludent au concert; regarde done et ecoute, si c’est ton
gout; j’avoue que le spectacle ne laissera pas d’etre assez rejouissant pour ceux qui peuvent rire encore.
Je sais que l’ouvrage comprendra la derniere guerre civile, et
meme la derniere annee de Jules Cesar. En bonne foi, mon cher
Gallion, peux-tu prendre cela au serieux? Auguste publiant un
livre sur la revolution qu’il a faite! Que dire, selon toi, d’un
criminel qui publie l’apologie de son crime ? A mon sens, il commet un second attentat plus difficile, il est vrai, que le premier
(car il est plus facile de commettre un crime que de le justifier); mais ce second attentat, s’il est plus difficile, est aussi
plus coupable et plus funeste, car les victimes sont plus nombreuses, les consequences plus durables. Le premier s’attaque
a la vie des hommes, l’autre a leur conscience; l’un tue le corps,
l’autre 1’esprit; 1’un opprime le present, l’autre l’avenir. C’est le
coup d’Etat dans la morale, la creation du desordre, Tin justice
systematisee, l’organisation du mal, la promulgation du' non
droit, la proscription de la verite, la defaite definitive de la rai
son publique, la deroute generale des idees, une bataille d’Actium intellectuelle. C’est le vrai couronnement d’un edifice de
sceleratesse et d’infamie, c’est aussi le seul possible. Le livre
d’Auguste, c’est sa vie erigee en exemple, c’est son ambition
innocentee, c’est sa volonte formulee en loi, c’est le code des
malfaiteurs, la bible des coquins; et c’est un pared livre que
vous voulez critiquer publiquement, sous le regime de son bon
plaisir! Vous voulez faire a Auguste une opposition litteraire?
Allons done! de la critique contre Octave! quelle derision! il
n’a pas fait de critique contre Ciceron; il 1’a tue! Quoi! le mi-
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serable qui vous assassine, vous fait un sermon sur 1’assassinat,
et, avant de vous achever, il vous demande votre avis sur sa pe
tite composition, mais votre avis, 1£, bien sincere, sur le fond et
sur la forme, votre avis politique et litteraire; car il est artiste
etbon enfant, et il veut savoir votre opinion sur son oeuvre; et
vous, bonnement, vous iriez la lui dire, et, le couteau sur la
gorge, vous allez gentiment confabuler avec le bourreau! Gal
lion, mon ami, vous n’y pensez pas!
Que diriez-vous de Verras faisant un livre sur la propriete?
Est-ce que vous discuteriez avec lui? Les Memoires d’Octave
sont-ils done autre chose ?N’est-ce pas la theorie de l’usurpation,
ecrite par un usurpateur? C’est une ecole de conspiration, ouverte par un conspirateur impuni.
L’auteur n’y peut dire, apres tout, que ce qu’il sait; il sait
piller une ville, egorger un senat, forcer un tresor dans un
temple et voler Jupiter; il sait faire de fausses clefs, de faux
serments et de faux testaments; il sait mentir au Forum et a la
Curie, corrompre les electeurs, ou s’en passer; tuer ses collegues blesses, comme a Modene, proscrire en masse, et autres
jeux de princes; il sait, suivant la methode du premier Cesar,
comment on emprunte aux uns pour preter aux autres, et se
faire des amis des deux cotes; il sait, d’un vigoureux elan, franchir toules les barrieres et tous les Rubicons, puis, d’un bond
supreme, s’enlevant au dessus des lois divines et humaines,
faire le saut perilleux, cabrioler et tomber roi. Il sait tout cela,
mais il ne sait pas un mot d’histoire, ni de politique, ni de mo
rale, si ce n’est de la grande, c’est a dire de la morale des
grands qui s’enseignait dans sa famille. On ne trouve done rien
dans son livre de ce qu’on a besoin de savoir, et on y trouve, a
profusion, ce qu’il est dangereux d’apprendre. Il aime les vieux
mots, les vieilles monnaies et les vieux casques, mais il n’aime
pas les vieilles moeurs. Allez-vous discuter avec lui quelque
point de grammaire, d’archeologie ou de numismatique? Sot
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qui lui ferait cet honneur. Vous voyez bien que ce serait 1& tom
ber dans son piege et jouer son jeu. Les gens de sa sorte se
sentent, quoi qu’ils fassent, au ban de la societe; ils en sont
sortis violemment par un crime, ils veulent y rentrer doucement par la ruse. Ils n’ont plus qu’une ambition, se faufiler
parmi les honneles gens. Pour cela, ilsprennent tous les deguisements: ils vont cherchant partout leur pauvre honneur
perdu; on les voit, mendiants couronnes, queter l’estime &
toutes les portes; c’est la seule aumone qu’on ne puisse pas
leur faire. Auguste en est la; ce buveur de sang n’a plus qu’une
soif, celle des louanges; ce voleur de l’empire du monde ne veut
plus voler qu’une chose : sa rehabilitation. Mais il tente l’impossible. L’effort impuissant et desespere qu’il fait pour sauver
quelques debris de sa reputation naufragee, cet effort supreme
pour raccrocher son honneur a une derniere branche qui va casser, cette derniere lutte de Cesar avec l’opinion qui l’ecrase, a je
ne sais quoi de lugubre et de comique, comme la derniere gri
mace d’un pendu, ou comme le sourire du gladiateur, qui veut
mourir avec grace. Le livre de Cesar, c’est la toilette du condamne, c’est le salut du supplicie & la foule, en marchant au
supplice. C’est la coquetterie du dernier jour. Cesar etait si sale,
que le bourreau n’en eut pas voulu; il se debarbouille un peu,
pour embrasser la mort. Et il demandedes lecteurs! l’insolenl!
des lecteurs pour Cesar! & quoi bon! 11 ose, dans une preface,
adresser des questions aux lecteurs; mais c’est le licteur qui repondra. — En attendant cette reponse, je vais lire les Memoires
d’Auguste. — Et moi, repondit Labienus, je vais relire les
Libelles de Cassius.
FIN.
Bruxelles. — Typographic de D. Brismee, rue des Alexiens, 13.
��
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Victorian Blogging
Description
An account of the resource
A collection of digitised nineteenth-century pamphlets from Conway Hall Library & Archives. This includes the Conway Tracts, Moncure Conway's personal pamphlet library; the Morris Tracts, donated to the library by Miss Morris in 1904; the National Secular Society's pamphlet library and others. The Conway Tracts were bound with additional ephemera, such as lecture programmes and handwritten notes.<br /><br />Please note that these digitised pamphlets have been edited to maximise the accuracy of the OCR, ensuring they are text searchable. If you would like to view un-edited, full-colour versions of any of our pamphlets, please email librarian@conwayhall.org.uk.<br /><br /><span><img src="http://www.heritagefund.org.uk/sites/default/files/media/attachments/TNLHLF_Colour_Logo_English_RGB_0_0.jpg" width="238" height="91" alt="TNLHLF_Colour_Logo_English_RGB_0_0.jpg" /></span>
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Conway Hall Library & Archives
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
2018
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Conway Hall Ethical Society
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Original Format
The type of object, such as painting, sculpture, paper, photo, and additional data
Pamphlet
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Les propos de Labienus
Description
An account of the resource
Edition: 8th
Place of publication: Brussels
Collation: 16 p. : 18 cm.
Notes: From the library of Dr Moncure Conway.
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rogeard, A.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
[s.n.]
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1865
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
G5246
Rights
Information about rights held in and over the resource
<a href="http://creativecommons.org/publicdomain/mark/1.0/"><img src="http://i.creativecommons.org/p/mark/1.0/88x31.png" alt="Public Domain Mark" /></a><span> </span><br /><span>This work (Les propos de Labienus), identified by </span><a href="https://conwayhallcollections.omeka.net/items/show/www.conwayhall.org.uk"><span>Humanist Library and Archives</span></a><span>, is free of known copyright restrictions.</span>
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Type
The nature or genre of the resource
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A language of the resource
French
Subject
The topic of the resource
Roman Empire
Caesar Augustus
Conway Tracts
Labienus
politics
Roman Empire