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I LES CAVEAUX
DE NOTRE-DAME DE BON-SECOURS
PROCÈS-VERBAUX DE 1803 & 1814
RELATIFS A LA CONSERVATION DES RESTES MORTELS
DE STANISLAS
Par Henri LEPAGE
Archiviste du département, résident de la Société d’Archéologie lorraine, etc.
1 suivis
D’UNE PETITE NOTICE SUR L’ÉGLISE
N ANC y,
IMPRIMERIE DE A. LEPAGE, GRANDE-RUE, 14.
18G8
��\
I
Sc. par Vassé et Lecomte.
MAUSOLÉE DE STANISLAS
ROI DE POLOGNE
Duc
1
cl e
Lorraine
et
de
Bar.
�D.
O.
M.
A DIEU
TRÈS-BOA' TRÈS-GRAND.
IIic Jacet Stanislaus I.
cognomine Beneficus. Per
varias sortis humana; vi
ces jactalus, non fraclus,
ingens'orbi spectaculum
ubique vel in exilio Rex,
beandis ubique populis
natus, Ludovici XV Ge
neri complexa exceptas,
Lotharingiam Patris non
Domini rifu rexit, fovit,
exornavit; hunc pauperes
quos aluit, urbes quas instauravit, Religio quam
exemplis inslituit, scriplis
eliam luíalas, insolabiliter luxuere, obi it xxjii
Febr. anno mdcclxvi Ora
lis LXXXVIII.
In modicis opibus splen
dida parcimonia nines,
Omnia publica; rei pro
futura prudente)' excogiluvit, animose suscepit,
magnifica; perfecit.
Ici repose, Stanislas Ier,
surnommé le bienfaisant,
éprouvé, non abattu par di
verses vicissitudes de la des
tinée humaine, sujet étonnant
d’admiration à l’univers, par
tout roi, même en exil, né
pour faire en tout lieu le bon
heur des peuples, accueilli
avec tendresse par Louis XV,
son gendre ; il gouverna,
pourvut, embellit la Lorraine
à la manière d’un père, non
d’un maître. Les pauvres
qu’il nourrit, les cités qu’il
créa, la religion qu’il édifia
par ses exemples et même
qu’il défendit par ses écrits,
l’ont pleuré inconsolables. Il
mourut le 23 février 17GG,
à l’âge de 88 ans.
Avec peu de richesses, ri
che d’une économie où bril
lait la splendeur, il conçut
avec sagesse mille sujets pour
le bien public, les entreprit
avec ardeur, les exécuta avec
magnificence.
�LES CAVEAUX
DE NOTRE-DAME DE I! <> N-S l<0 II H S
PROCÈS-VERBAUX DE
1803 ET 1804-
BELATIFS A LA CONSERVATION DES RESTES MORTELS DE
STANISLAS.
I.
L’église de N.-D. de Bon-Secours occupe un des pre
miers rangs parmi les édifices historiques de Nancy, nonseulement à cause des souvenirs qui s’y rattachent et du
pèlerinage dont elle est l’objet, mais encore à cause des
monuments précieux qu’elle renferme. Personne n’ignore
qu’elle a été construite sur l’emplacement d’une ancienne
chapelle dite aussi de Notre-Dame-de-la-Victoire ou des
Rois, et vulgairemcntdcs Bourguignons1, parce que René II
l’avait fait ériger, en 1484, à l’endroit où, après la ba
taille de Nancy, livrée dans le voisinage, près de 4,000
soldats, tant de son armée que de celle de Charles-IeTcméraire, avaient reçu la sépulture.
1. Notre-Dame de Bon-Secours est le litre officiel donné par le
fondateur René II, et conservé à l’église dans l’acte de son érection
en succursale, le 5 mai 1844.
�— 6 —
Toutes les particularités relatives à ce peiit sanctuaire
national ont été consignées dans un opuscule1 qui au
2
jourd’hui peut-être est oublié. Nous le rappelons seule
ment afin d’avoir occasion d’y ajouter, avant de parler
des caveaux de l’église, une page, qui, si elle était au
thentique, ne serait pas la moins curieuse de son his
toire. C’est « l’épitaphe » qui, suivant un écrivain mo
derne3, se lisait dans la chapelle des Bourguignons :
Seigneurs, venans en lorrain territoire
Qui les Nancey rompistes par victoire,
L’entreprinse qu’avons conceu en cueur,
Donez des biens en ce poure oratoire
Pour nos aymes tirer de Purgatoire,
Levez aux cieux ceulx qu’en terre couchaistes !
Lorsqu’au besoing Dieu pour ayde huchastes
Et le bon sainct plecteur du pays (saint Nicolas).
Mais quoy qu’à droit vous nous avez hays
Ne nous en soit donc d’aulmùne amendry.
Sous de croix double et de croix sainct Andry,
Secourez-nous par commune pitié,
Augures de paix, vide d'inimitié ;
Mais vous attrait de notre nation,
Faisant par icy pérégrination,
Plus qu’aultres gens nos soyez aulmôniers
Et libéraulls de vos biens et deniers.
Que des princes feu Charles et René
Soit aboly le discort d’enfer né !
Qui l’ancienne aliance blessa,
Laissant la terre où Charles la laissa.
1. Celle dénomination s’était conservée à l’espèce de petite cha
pelle près de la tour, où sont maintenant les chaises, de même que
la petite chapelle à l’opposé s’appelait chapelle des Princes.
2. La Chapelle de Bon-Secours ou des Bourguignons, notice
insérée dans l’Annuaire de 18B2, et tirée à part.
3. M. de Bussierre, Histoire de la ligue contre Chailes-le
Téméraire, p/467.
�— 7 —
H.
Après celte courte digression, destinée à nous servir
d’entrée en matière, revenons aux caveaux1 dont nous
avons spécialement à nous occuper. L’ouverture récente
de celui de la nef a fait faire plusieurs découvertes inté
ressantes, et les procès-verbaux de reconnaissances qui
ont eu lieu auparavant du caveau royal contiennent des
détails qu’il est bon de recueillir, afin de détruire des er
reurs qui se sont propagées jusqu’à nous.
On savait que, sous la nef de N.-D. de Bon-Secours,
il existait un caveau voûté, et que ce caveau avait servi,
avant la Révolution, de sépulture à plusieurs religieux
Minimes, dont le couvent avait été fondé en 1609, et à qui
était confiée l’administration de la chapelle. On savait
aussi que l’ouverture de ce caveau était près du confes
sionnal à gauche en entrant dans l’église.
Le 12 octobre 1866, le petit carré de marbre qui couvre
la clef de la pierre d’entrée2, s’étant détaché cl ayant
laissé la clef à découvert, on a levé la pierre et on est
descendu dans le caveau. L’escalier par lequel on y des
cend a seize marches, de 0,21e de hauteur de pas sur
0,50e de giron; la largeur de la cage d’escalier est d'un
mètre 20 cent.
Le caveau est un carré de 12 mèt. 20 cent, de côté,
1. Ce qui a rapporta la description des caveaux est emprunte à
des notes de M. l’abbé Morel, curé de N.-D. de Bon-Secours, et de
M. l’abbé Marchai, chanoine honoraire de Nancy, lesquels ont com
plété les documents que nous publions ci-aprcs par plusieurs notes
et communications très-intéressantes.
2. A côté de celte pierre se trouve agencée également une autre
pierre à clef qui donne accès à la totalité de l’escalier ; c’est par l’ou
verture pratiquée au-dessus de cet escalier que les Minimes introdui
saient les cercueils dans leur caveau.
�divisé en quatre voûtes surbaissées en arc de cloître, avec
un pilier central qui les soutient et les relie. Partant, au
dehors, des pilastres de l’église où sont les statues de
saint François-Xavier et de saint Antoine de Padoue, ce
caveau s’étend jusque près du palier des petits autels, ou
plutôt jusqu’environ 50 centimètres au delà du balustre
de communion. Ainsi, le pilier central des quatre voûtes
du caveau n’est pas au milieu de la nef, c’est-à-dire ne
correspond pas au centre du médaillon de l’Assomption,
mais se trouve un peu plus avancé vers le chœur. Un puits,
placé à peu près au-dessous du monument des Polonais,
de 1814, et profond d’environ 4 mètres, reçoit un petit ca
nal qui traverse le caveau en diagonale et semble corres
pondre avec le canal établi le long du caveau royal, au
tombeau de la reine, pour se jeter dans le ruisseau de
Jarvillc, près du pont.
Dans ce caveau sont trois petites croix en pierre, sor
tant simplement de terre, et portant les inscriptions :
Cy gist messire Antoine de la Chausse, chevalier
décédé le 19e aoust 1742. — Hic jaefft R. P. À. Ceny
ex Provincialis, obiit die 19a 8bni 1754. — Hic jacèl
R[evereri\dus admodùm Pater Joannes Carolus Bru
ges Provincialis, obiit die 15 m. aprilis 1779.
On lit sur les piliers de la voûte, écrites avec du char
bon, en lettres cursives assez mal faites, les sept épitaphes
qui suivent :
Clauticrs Thiebault 1780. — Le R. P. Bourgeois,
mort le 20 8bre 1780. — P. Mengin, 1er nov. 1785. —
P. Goûte, décédé le 1er février 1785. — R. P. V.
Prelo, 25 aoust 1785. — R. P. Sglyhlt, le 7 nov. 1790.
— Joseph Thiebault 1790.1
1. Dans la chapelle des fonts baptismaux, se trouve encore un
petit caveau où repose Mmc la baronne de Méncval. Voir la petite
notice, année 1839.
�9 —
Enfin, au fond du caveau, à droite, à peu près sous la
porte du balustre qui conduit à la sacristie, se trouve une
grande quantité d’ossements et de crânes jetés pèlc-mèlc
en monceau.
Le caveau royal de N.-D. de Bon-Secours1 n’a pas la
meme largeur que le chœur de l’église ; il est construit au
milieu de ce dernier, en sorte qu’il y a un intervalle entre
le mur de fondation du chœur et la muraille mémo du
caveau. Celui-ci, au dire des personnes qui y ont péné
tré, est un carré d’environ 4 mètres de côté, formant une
seule arcade de voûte, en forme de cloître. Il est pavé de
dalles Planches et noires, comme la nef. Un petit autel,
avec ornements et chandeliers en plomb, se trouve dans le
fond, à peu près au-dessous du palier de l’autel actuel du
chœur, et devant cet autel étaient les deux cercueils en
plomb contenant les restes du Roi et de la Reine de Po
logne. Un escalier assez large, à pente très-douce, qui
commence à environ un mètre du balustre, conduit dans
•
1. Stanislas venait habiter son château de la Malgrange à l’occa
sion de chacune des fêtes de la Sainte-Vierge, car il n’en laissait
passer aucune sans communier dans l’église de N.-D. de BonSecours. Quelques jours avant l’accident qui fut cause de sa mort, le
1er février <766, veille de la fête de la Purification, le Roi, avant de
se rendre à la Malgrange, voulut entrer dans l’église. Il remarqua que
son prie-Dieu était posé au-dessus de la partie du caveau où il avait
ménagé la place de sa sépulture, et pria plus longtemps que de cou
tume. En sortant, il dit à celui qui avait l’honneur de l’accompagner :
<i Savez-vous ce qui m’a si longtemps retenu aujourd’hui dans l’é
glise ? Je pensais que, dans très-peu de temps, je serais trois pieds
plus bas que je n’étais t>. Le 4 février, le Roi retourna à Lunéville ;
le 5, eut lieu l’accident du feu qui prit à ses vêtements ; le 23, il ren
dit son âme à Dieu. Les funérailles furent célébrées à N.-D. de BonSecours, en grande pompe, le 4 mars suivant.
�— 10 —
le caveau, qui a une ouverture cintrée fermée par une
porte en fer.
Lorsqu’on 1814, on fit courir le bruit que le général
Sokolnicki avait emporté les restes de Stanislas1, la mu
nicipalité de Nancy fil descendre dans le caveau, pour y
constater la présence du corps du roi, et, pour empêcher
que de pareilles suppositions d’enlèvement pussent se
reproduire, elle ordonna d’élever un mur devant la porte
de fer ; on combla le tout et on établit le dallage qui sub
siste encore aujourd’hui.
A une époque antérieure2, l'autorité avait déjà dû faire
procéder à la reconnaissance des restes des personnages
inhumés dans le caveau royal de N.-D. de Bon-Secours,
1. Nous parlerons plus loin de ce prétendu enlèvement du corps
du Roi de Pologne.
2. ji Des mains sacrilèges (1793) l’arrachent, dit M. Blau, à son
cercueil de plomb, dont les débris doivent se convertir en balles
meurtrières, et le relèguent au fond d’une voûte obscure, où il gît
abandonné. De vils émissaires, qui se paraient du nom de Marseillais,
envahissent notre cité...... et courent à l’église dépositaire des victi
mes signalées à leur vengeance. Mais le gardien de l’édifice sacré, feu
M. Michel, marbrier, les avait prévenus. Jaloux de sauver d’une des
truction imminente les mausolées remis à sa vigilance, il se hâte de
les dépouiller de tous les attributs de la royauté et d’armer la main de
Stanislas d’un drapeau tricolore. Puis, se présentant avec calme à ces
vandales, il leur ouvre les portes du temple et les introduit devant les
tombes dont ils avaient juré la ruine. Il affirme hardiment qu’elles
renferment de bons patriotes......
» Cependant... son mausolée (de Stanislas) et celui de son épouse,
transportés dans un musée de sculpture, demeurent confondus avec
les statues livrées à l’élude des artistes... » (P. G et 7 de la Notice
historique sur Stanislas-le-Bicnfaisant, par M. Blau, inspecteur de
l’Académie de Nancy, membre de la Société royale des sciences, let
tres et arts de la même ville. Nancy, chez Vidai t et Jullien, libraires,
au Pont-Mouja, 1831.)
�— 11 —
et elle avait pris soin de faire dresser des procès-verbaux
authentiques des opérations prescrites par elle, dans un
but qui témoigne du respect qui s’attachait à la mémoire
du dernier de nos souverains.
Ces documents officiels1 n’ont pas encore été mis au
jour, bien qu’ils renferment diverses particularités inté
ressantes ; aussi nous ont-ils paru mériter d être publiés,
autant pour faire connaître ces particularités, que pour
rétablir certains faits dans toute leur exactitude.
Reconnaissance du corps de Stanislas, etc.
1805.
Cejourd’hui seize ventôse an onze (7 mars 1805) de
la République française, dix heures du matin,
Nous Joseph-François-IIubert Thierry, adjoint à la
mairie de Nancy, instruit par le citoyen Krantz père, fer
blantier en cette ville, que les ouvriers du citoyen Mourot, brasseur au faubourg de la Constitution2, adjudica
taire au ci-devant district de Nancy, du chœur de l’église
des cx-chanoinesscs de Bouxiércs, qui avait été construit
à la suite de la chapelle de Bonsecours, en fouillant dans
la partie du caveau qui faisait une dépendance de son
adjudication, avaient trouvé ccs corps inhumés ; me suis
transporté, ensuite de l’invitation du maire, sur les lieux,
pour en faire la reconnaissance, et, après avoir fait placer
un factionnaire pour empêcher rentrée du caveau, j’ai
1. Ils se trouvent, en originaux et en copies, aux Archives de la
ville de Nancy et dans celles du département
2. Le faubourg Saint Pierre.
�— 12 —
remarqué, d’après renseignements pris, que ce caveau se
trouvait pour les cinq sixièmes, à peu près sous le chœur
de l’église de Bonsecours, et l’autre sixième sous le chœur
de l’église des cx-chanoincsses de Bouxières, qui avait
été adjugé audit Mourot1; que Stanislas, roi de Pologne,
avait fait construire ce caveau pour y recevoir son tom
beau, le cœur de la reine de France, sa fille, épouse de
Louis XV, et les tombeaux du duc et de la duchesse Ossolinski, scs parents ; que l’on communiquait autrefois à
ce caveau par un escalier qui était dans le chœur de l’é
glise de Bonsecours, et qui se trouvait scellé en ce mo
ment ; que l’ouverture qui se présentait à l’extérieur
avait été pratiquée, par ledit Mourot, dans la partie com
prise dans la dépendance des lerrcins qui lui avaient été
adjugés par le ci-devant district de Nancy ; étant des
cendu dans le caveau, au moyen d’une échelle et dans la
partie adjugée audit Mourot, aurions reconnu que le pavé
en pierres de taille était ehlevé, et qu’on avait creusé
d’environ un demi-pied dans l’endroit où se trouvaient
les corps. Ayant pris des renseignements pour connaître
la personne qui les avait inhumés, on nous a dit que le
1. Léopold Jforoi avait également acquis les bâtiments des Mini
mes et l’église, celte dernière pour la somme de trois millions cinq
ccnt cinquante-deux mille francs, dont un dixième seulement
payable en numéraire. Quel motif avait pu l’engager à faire uuc acqui
sition si onéreuse ? nous l’ignorons ; ce qui s’est parfaitement con
servé dans la mémoire des anciens habitants du faubourg, c’est que,
quand Morot voulut commencer la démolition de l’église, les premiers
témoins de cet acte de vandalisme allèrent jeter le cri d’alarme daus
la ville et y excitèrent une espèce de soulèvement populaire. Eu pré
sence de ces manifestations, le district envoya, dit on, deux officiers
municipaux pour rassurer le peuple cl lui déclarer que la vente de
1 église serait résiliée, d’autant plus que l’acquéreur n’avait pu effec
tuer son premier paiement.
'
�15 —
citoyen Husscnet, charcutier au faubourg de la Constitu
tion, n° 145, nous donnerait toute indication à cet égard ;
aussitôt nous aurions fait appeler ce particulier, qui nous
a déclaré reconnaître ces corps pour être ceux de Stanis
las, roi de Pologne, et de son épouse, du duc et de la
duchesse Ossolinski, qu’il avait fait inhumer dans la
même fosse en l'an deux, par ordre du ci-devant district
de Nancy ; qu’à cette époque, il n’y existait plus que les
ossements du duc et de la duchesse et de l’épouse de
Stanislas ; mais que le corps de ce roi était encore dans
son entier ; que les tombes en plomb et chêne qui ren
fermaient ces ossements et ce corps, ainsi que les bijoux
précieux qui y étaient, de même que la boëte d’argent
qui contenait le cœur de la reine de France, avaient dû
être enlevés lors de l’inhumation par la même autorité.
Aussitôt avons fait lever le corps de Stanislas, qui nous
a été indique être dessus, et avons remarqué, en pré
sence d’un grand nombre de personnes, que la tête
était détachée du corps1, entièrement décharnée et en
deux parties, que le buste était en entier, que les bras,
les cuisses, jambes et pieds étaient tombés en dissolution,
de manière qu’il n’existait plus que des ossements; avons
fait aussi enlever les autres têtes, qui étaient également
décharnées, ainsi que les ossements qui étaient dessous
ce corps, et avons fait fouiller jusqu’à prés de quatre
pieds de profondeur, où il ne s’y est plus trouvé aucuns
1. Scion le 'dire de personnes honorables et bien informées, la
tète de Stanislas aurait été violemment détachée du tronc, lors de la
violation du caveau royal de N.-D. de Bon-Secours en 1793, par un
ouvrier, lequel, animé de l’esprit haineux de ce temps déplorable, se
serait servi de sa bêche en disant : u En voilà encore un qui n’a pas
été guillotiné ! »
�— 14 —
vestiges de corps ou d’ossements; avons fait laver le
corps de Stanislas, qui était encore rempli d’aromates,
ramassé avec soin toutes les têtes et ossements, et les
avons fait recueillir dans un cercueil en chêne d’environ
deux métrés de longueur, et avons fait déposer le cer
cueil, après avoir fait clouer le couvercle dans une partie
du caveau au-dessous du chœur de l’église de Bonsecours,
à côté de l’escalier, après avoir pris la précaution de le
faire élever aux deux extrémités, pour sa conservation,
sur des pierres, à la hauteur de 10 centimètres, audessus du pavé dudit caveau ; avons ensuite fait cons
truire un petit mur d’élévation jusqu’à la voûte, pour
enfermer ce cercueil, et fait poser une pierre dans le mi
lieu, avec cette inscription gravée : Tombeau de Sta
nislas Leczinski, roi de Pologne, duc de Lorraine,
mort à Lunéville le 25 février 1766 ; de Catherine
Opalinska, son épouse, morte en 1747 ; du cœur de
Marie Leczinska, leur fille, reine de France, épouse
de Louis XV, morte en 1768 ; du duc et de la du
chesse Ossolinski, morts tous deux en 1756.
J’ai cru devoir prendre cette mesure, qui paraissait
être dans l’opinion des assistants, pour transmettre à la
postérité le souvenir d’un prince qui a comblé celte ville
et la ci-devant province de Lorraine de ses bienfaits.
11 nous a été présenté une espèce de médaille qui avait
été trouvée en levant les ossements, et, après l’avoir lait
examiner, il a été reconnu qu’elle était attachée à un pe
tit cordon en soie et cheveux, que le cercle était en argent
doré, entouré de cailloux du Rhin, le derrière était garni
en cheveux tressés, dans le milieu s’est trouvé un petit
morceau de bois que l’on présume être de la vraie croix ;
il était couvert d’un verre, qui parait être de cristal. Je
�— la —
nie suis nanti de celle médaille, en me réservant de la
remettre à la mairie, pour en faire, par le citoyen préfet,
la destination qu’il croira convenable.
Avons requis le citoyen Mourot, conformément au
procès-verbal de son adjudication, d’élever au plutôt le
mur séparatif de sa propriété d’avec le caveau dépendant
de l’église de Bonsecours.
De tout quoi j’ai dressé le présent procès-verbal, au
bureau de la mairie, sur les six heures de relevée, les
jour, mois et an avant dits, et ai signé.
Thierry, adjoint.
Mander.
Liberté. Egalité.
Nancy, le 17 ventosean onze de la République française.
Le Maire de la ville de Nancy au citoyen Préfet du dé
partement de la Meurthe,
Citoyen Préfet,
L’ancien gouvernement ayant autorisé la translation du
chapitre des ci-devant chanoincsses de Bouvières à Bonsecours, on avait cru convenable de construire à la suite
de la chapelle de Bonsecours le chœur de leur église ; la
révolution ayant dérangé le projet de translation, les bâ
timents qui avaient été construits, ainsi que les terreins
en dépendants, ont été vendus comme domaine national,
mais on a réservé, dans le contrat de vente, que l’ouver
ture qui avait été faite dans la chapelle de l’église de
Bonsecours, serait fermée par un mur que l’adjudicataire
serait tenu d’élever. 11 résultait de celte clause que le
sixième, à peu près, du caveau que Stanislas avait fait
�16 —
construire sous le chœur de l’église, s’était trouvé com
pris dans la dépendance du terrain vendu. C’est dans
celte partie que l’ouverture du caveau a été faite par l’ad
judicataire, qui, voulant faire tourner à son profit la pierre
de taille qui y était, s’est aperçu qu’il y avait des corps
inhumés.
Ayant été averti, le 15 courant, à cinq heures du soir,
de ce fait, qui avait attiré un grand nombre de personnes,
j’ai pris à l’instant toutes mesures de police pour empê
cher l’accès du caveau, et prévenir par là tout esprit de
fanatisme ou de malveillance.
Je me suis rendu, le lendemain 16, sur les lieux, et ai
reconnu, d’après les renseignements qui m’ont été trans
mis, que c’étaient les dépouilles de Stanislas, roi de Po
logne1, du duc et de la duchesse Ossolinski. J’ai fait ras
sembler ccs dépouilles, ainsi que tous les ossements, et
les ai fait recueillir avec soin dans un cercueil de chêne,
que j’ai fait faire, et qui a été déposé dans la partie se
trouvant au-dessous du chœur de l’église réservée de la
vente.
J’ai donné des ordres pour qu’on élevât un petit mur
de clôture, et ai fait placer dans le milieu de ce mur une
pierre de deux pieds carrés avec une inscription qui put
rappeler à la postérité le souvenir d’un prince qui a com
blé cette ville et la ci-devant province de Lorraine de ses
bienfaits. Outre que cette reconnaissance était duc à sa
mémoire, j’ai cru devoir, dans cette circonstance, secon
der l’opinion de toutes les personnes qui étaient pré
sentes, et qui m’ont engagé à prendre cette mesure pour
1. On oublie sans doute la Reine de Pologne, dont il a été question
ci-dessus.
�— 47
conserver le tombeau de ce prince et les restes de sa
famille.
Plusieurs citoyens avaient paru désirer que le cercueil
fût porte à l’église de Bonsecours pour faire faire des ob
sèques ; mais je leur ai observé que les corps n’étant pas
dans le cas d’étre transportés dans un local, mais seule
ment d’une place du caveau à une autre, je ne pourrais
céder à leur demande, attendu que toutes les cérémonies
religieuses avaient été observées dans le temps, lors du
dépôt des corps au caveau.
Je pense, citoyen Préfet, que vous adopterez toutes les
mesures que j’ai prises, persuadé de vos intentions à
perpétuer le souvenir des personnages importants qui ont
illustré leur pays, soit par leurs actions, soit par leurs
talents et leurs lumières, soit enfin par des actes de bien
faisance.
Il m’a été rapporté, sur les lieux, que les cercueils en
plomb qui servaient de tombeaux à ces corps, avaient été
enlevés en l’an deux, par le ci-devant district de Nancy,
et fondus pour cire convertis en balles ; que la boëte d’or
ou d’argent qui contenait le cœur de la reine de France,
épouse de Louis XV, ainsi que les objets précieux qui
étaient aussi renfermés dans les tombes, avaient égale
ment été enlevés par la même autorité.
Il m’a seulement été représenté une médaille qu’on a
trouvée et qui était attachée à un cordon en cheveux ; je
vais la faire examiner et vous en rendrai ensuite compte,
pour savoir la destination que vous désirez lui donner.
Tel est le récit exact des faits qui se sont passés.
Salut et respect.
Lallemand, maire.
t
•
w*
�48 — .
Nancy, le 49 ventôse, 11e année de la République fran
çaise.
Le Préfet du département de la Meurlhe au maire de
la commune de Nancy.
Citoyen,
J’ai reçu votre lettre du 47 du courant, par laquelle
vous me rendez compte que l’adjudicataire des terreins
contigus à l’église de Bonsecours, en faisant creuser pour
élever un mur de séparation avec la même église, avait
découvert le caveau dans lequel sont déposés les corps
du roi Stanislas et des duc et duchesse d’Ossolinski.
Je ne puis qu’approuver les mesures que vous avez
prises pour réunir et conserver d’une manière décente,
dans la partie du caveau qui règne dans le chœur de l’é
glise, les restes d’un prince dont le souvenir doit être si
cher à la ci-devant province de Lorraine, et plus particu
lièrement encore à la ville de Nancy qui offre tant de mo
numents de sa bienfaisance et de son amour éclairé pour
les arts.
Quant à la médaille trouvée avec les corps, mon inten
tion est qu’elle soit, ainsi que le cordon de cheveux au
quel elle était attachée, replacée dans le cercueil, comme
les seuls objets qui soient échappés à la spoliation odieuse
qu’on a exercée en l’an 2 dans ce même tombeau, que
tant de considérations eussent dû faire respecter.
Vous voudrez bien me donner l’assurance de l’exécu
tion de cette dernière disposition.
Je vous salue,
Marquis.
�— 49 —
Nancy, le 20 ventôse, l’an onze de la République fran
çaise.
Le maire de la ville de Nancy au citoyen Préfet du dé
partement de la Meurthe.
Citoyen Préfet,
J’ai l’honneur de vous adresser copie du procès-verbal
de reconnaissance et levée des restes de Stanislas, roi de
Pologne ; de la reine, son épouse, du duc et de la du
chesse Ossolinski, dressé par le citoyen Thierry, adjoint.
Je viens de recevoir l’honneur de votre lettre, en date
du jour d’hier, par laquelle vous m’annoncez que vous
approuvez toutes les mesures de police qui ont été prises
pour réunir et conserver les restes de ce prince et de sa
famille ; vous m’invitez, néanmoins, à replacer dans le
cercueil la petite médaille qui a été trouvée parmi les
ossements ; je vais la faire déposer à l’instant dans le cer
cueil et en ferai dresser procès-verbal.
Salut et respect,
Lallemand, maire.
Nancy, le 20 ventôse an 11.
Le Préfet de la Meurthe au Grand-Juge et Ministre de
la justice.
Citoyen Grand-Juge,
Je crois devoir vous informer d’un événement qui a
fait ici quelque sensation et qui, dès lors, pourrait parve
nir à votre connaissance avec des détails plus ou moins
inexacts.
Je veux parler de l’ouverture du caveau dans lequel
étaient déposés le corps de Stanislas-le-Bienfaisant, roi
de Pologne, etc., et ceux du duc et de la duchesse Ossolitiski.
�— 20 —
J’ai, en conséquence, l’honneur de vous adresser copie
du compte que le Maire m’a rendu de ce fait.
Ce compte vous fera connaître ce qui a donné lieu à
l’ouverture du caveau et les mesures que la mairie a
prises pour conserver d’une manière décente les restes
d’un prince dont la mémoire doit être si chère à la cidevant province de Lorraine et particulièrement à la ville
de Nancy.
Vous remarquerez aussi qu’on a trouvé avec les corps
une médaille attachée à un cordon en cheveux. J’ai donné
au maire l’ordre de rétablir dans le cercueil cette médaille
qui se trouve aujourd’hui le seul objet échappé à la spo
liation odieuse qu’on a exercée en l’an 2, dans ce tom
beau, que tant de considérations eussent dû faire res
pecter.
Salut et respect,
Marquis.
Ccjourd’hui vingt-un ventôse, an onze de la Répu
blique française, quatre heures de relevée,
Nous Joseph-François-Hubert Tierry, adjoint à la mai
rie de Nancy, ensuite de l’invitation du Maire et pour
1 exécution de la lettre du Préfet du département de la
Meurthc, du 19 courant, portant que la médaille trouvée
avec les restes de Stanislas, de son épouse, du duc et de
la duchesse Ossolinski, ainsi que le cordon en soie et
cheveux, auquel elle était attachée,.serait replacée dans
le cercueil qui avait reçu ces corps ; nous sommes trans
porté, assisté du citoyen Marc, architecte de la commune,
dans le caveau existant au-dessous du chœur de l’église
de Bonsecours, et là avons fait desceller une partie du
mur de clôture que nous avions fait élever pour enfermer
�— 21
ce cercueil, afin que personne ne pût y toucher ; avons
ensuite fait faire l’ouverture de ce cercueil, en présence
de beaucoup de personnes, cl y avons placé une petite
boite de plomb contenant ladite médaille et le cordon ;
avons ensuite fait rétablir le couvercle dudit cercueil de
la manière la plus solide, et avons fait reboucher l'ouver
ture pratiquée dans le mur de clôture.
De tout quoi, avons dressé le présent procès verbal, à
notre retour à la mairie, sur les cinq heures de relevée,
les jour, mois et an ci-dessus et avons signé.
Thierry, adjoint.
Mandel.
Nancy, le 25 ventose, l’an onze de la République fran
çaise.
Le maire de la ville de Nancy au citoyen Préfet du dé
partement de la Meurthe.
Citoyen Préfet,
J’ai l’honneur de vous adresser copie d’un procèsverbal constatant le replacement, dans le cercueil de Sta
nislas. de la médaille trouvée avec les corps, en exécution
de votre lettre du 19 courant.
Salut et respect,
Lallemant, maire.
Paris, le 7 germinal, l’an 11 de la République.
Le Grand-Juge, Ministre de la justice, au Préfet de la
Meurthe.
J’ai reçu, citoyen Préfet, avec la lettre que vous m’a
vez écrite, le 20 du mois dernier, la copie qui y était
jointe de celle que vous avait adressée le maire de Nancy,
sur l’ouverture du caveau de l’église de Bonsecours, où
�— 22 —
se sont trouvés les restes des dépouilles du roi Stanislas,
duc de Lorraine. J’approuve toutes les mesures qui ont
été prises.
Je vous salue.
Regnier.
Le jour de la réparation commençait enfin à se lever.
Le 25 août de la mémo année 1805 (an XI de la Répu
blique), dans une séance solennelle de F Académie, M.
Blau eut le courage d’émettre publiquement le vœu que
le mausolée de Stanislas fût rendu à l’église de N.-D. de
Bon-Secours, et sa motion, accueillie avec enthousiasme,
reçut trois salves d’applaudissements.
Bientôt on se mit à l’œuvre ; des quêtes pieuses surent
créer des ressources et faire disparaître toutcs' les traces
de la profanation1.
Lorsque, en 1806, les mausolées, déposés, depuis
1795, dans l’ancienne chapelle de la Visitation, aujour
d’hui chapelle du Lycée, reprirent le chemin de N.-D. de
Bon-Secours, les voitures de transport étaient précédées
de la musique, et ce fut un jour d’allégresse et de fêle
publique pour toute la ville. Les travaux de réintégration
des deux mausolées et des deux cartouches de Marie
Lcszczinska et du duc Ossolinski furent terminés en
18072.
1. Le compte des recettes et dépenses de l’église porte, à la. date
du 25 juin 1804 : u Paié au nommé Ferri et son ouvrier pour avoir
chargé et déchargé les autels de marbre qu’on a conduit à Bonsecours
six livres quinze sols, etc. » La reconstruction des autels, en 1804 et
1805, a coûté mille francs.
2. Par une lettre du 17 janvier de celte année (1807), adressée au
Préfet de la Meurlhe, le Ministre de l’intérieur avait autorisé les
�— 23 —
« Les choses se trouvaient dans cet état satisfaisant,
dit M. Blau, lorsque des désastres, aussi extraordinaires
que nos victoires, opèrent, en 1814, une révolution pro
digieuse et amènent à Nancy les cadres de l’armée polo
naise commandes par le général Sokolnicki......Lachapelle
de Bonsccours est préparée pour une cérémonie funèbre.
Tous assistent, dans un religieux silence, au service so
lennel, qu’accompagnait une musique lugubre, etfquc cé
lébrait M. d’Osmond, évêque de Nancy. »
111.
4814.
Les documents qui suivent* sont relatifs au soi-disant
enlèvement des restes de Stanislas par le général Sokol
nicki, conduisant les débris de l’armée polonaise, qui
voulut consacrer le souvenir de son passage à Nancy par
l’inscription qui se lit sur une table de marbre noir fixée
au mur de la nef de l’église de N.-D. de Bon-Secours,
à droite en entrant.
Pendant le temps qu’il séjourna dans notre ville, le
général prit soin de recueillir tout ce qui concernait le
souverain à la famille duquel il appartenait. II fit faire
un modèle, en fer blanc, du cercueil du Roi, tel qu’il était
au caveau de N.-D. de Bon-Secours ; on lui donna un
carreau de marbre noir du foyer de l’appartement où
Stanislas s’était brûlé, un lambeau de sa robe de chamfabriciens de t’oraloire de Bon-Secours à replacer à leurs frais, dans
celte église, les mausolées de Stanislas et de la Reine.
I. Ils sont exclusivement empruntés aux Archives delà ville de
Nancy, moins la correspondance du Moniteur, signée Sauvo.
�—
bre, portant l’empreinte de la flamme, un morceau du
sceptre de son mausolée et un étendard de sa garde. Mais
le général désirait surtout emporter avec lui quelque
chose des précieux restes du corps royal.
Une dame, qui demeurait près de l’église, et qui avait
consacré une partie de sa fortune à la restauration du
chœur et des mausolées, M,nc de Bourgogne, pour satis
faire aux vœux si légitimes du général, obtint d’un ma
çon, l’un de ses voisins, nommé Léopold Lamarche, une
portion d’os que celui-ci disait provenir de la mâchoire
inférieure de Stanislas, et qu’il avait recueillie lorsque,
à la violation des tombeaux, fut donné le coup de bêche
dont nous avons parlé1. Le tout fut religieusement ren
fermé dans une caisse, pour être déposé dans un monu
ment que le général se proposait d’élever parmi les sé
pultures royales de son pays.
Le 5 août suivant, le général fit célébrer un service
solennel pour le repos de l’àme de Stanislas, à la cathé
drale de Poscn, dans la grande Pologne. Le lendemain,
il envoya, sur cette cérémonie, un article où il parlait de
la possession d'une partie de la dépouille mortelle du
Roi. Le Moniteur inséra l’article le 6 octobre 1814 et
omit, à 1 impression, comme l’avait fait le journal de Posen, les mots une partie de, que portait, ainsi qu’il fut
ensuite constaté, la lettre originale du général ; d’où les
erreurs dont cette omission a été la source.
La ville de Nancy ne pouvait laisser s’accréditer une
pareille nouvelle, si injurieuse à son honneur et si con
traire «à la vérité, De là les protestations énergiques du
Corps municipal, consignées dans les délibérations qu’on
va lire.
1. V. la note de la page 13.
�— 25 —
Cejourd’huy 29 août mil huit cent quatorze.
Le Corps municipal de la ville de Nancy extraordinai
rement convoqué, il a été donné lecture, notamment, de
l’article Pologne du Journal des Débals1, du 26 août
1814, ainsi conçu :
« Posen, 6 août.
» Le général de division Sok'olnicki a fait transporter
» ici de Nanci la dépouille mortelle du Roi de Pologne
» Stanislas Lecszinsky, qui fut depuis duc de Lorraine et
» de Bar. Une partie de ces restes a été déposée hier avec
» solennité dans la cathédrale de cette ville, en présence
» des autorités civiles et militaires et d’un grand nombre
» d’habitants. L’autre partie sera envoyée, à Cracovic
» pour y être placée à côté des tombeaux de nos rois
» (Stanislas Lecszinsky avait été woyxvode de Posen
» avant son avènement au trône). »
Le Corps municipal ne peut se persuader que M. le
général polonais Sokolnicki aurait pu pénétrer dans les
caveaux où reposent les dépouilles mortelles de S. M. le
roy Stanislas le Bienfaisant, dont la mémoire ne peut
cesser d’étre chère aux Lorrains, jaloux de conserver un
dépôt aussi précieux, confié à la reconnaissance publique.
Voulant cependant s’assurer si quelques tentatives n’a
vaient pas été faites avant, pendant et après le séjour à
Nancy de M. le général Sokolnicki, le Corps municipal
s’est de suite tiansporté en l’église de Bonsecours, ac
compagné de M. Mique, père, architecte de la ville, oû,
après avoir visité l’intérieur et l’extérieur de ladite église,
1. L’article du Journal des Débats était emprunté au Moniteur
universel ; aussi est-ce avec celte dernière feuille que la mairie de
Nancy a établi la correspondance dont il est question plus loin.
�— 26 —
il s’est convaincu qu’aucune effraction, changement, n’a
vaient clé faits pour pénétrer dans les souterrains.
Mais, désirant constater plus spécialement l’existence
de ce dépôt, afin de convaincre M. le général Sokolnicki
de son erreur, pour ne pas dire plus, le Corps municipal
nomme M. Mandel, jeune, officier municipal, qui, au
mois de ventôse de l’an XI, est parvenu à recueillir ces
précieuses dépouilles, pour, conjointement avec M. Drouot
et M. Vidil, fils ainé, officiers municipaux, procéder à
celte reconnaissance et vérification intérieure desdits ca
veaux, en dresser procès-verbal qui sera déposé au se
crétariat de la mairie, être pris tel parti il sera jugé con
venable.
Fait et délibéré les an, mois et jour susdits.
29 et 50 août 1814.
Nous Sébastien-François Mandel, François-Hyacinthe
Drouot et Jean-Pierre-Romain Vidil, fils ainé, tous trois
officiers municipaux et commissaires délégués par le
Corps municipal de la ville de Nancy, à l’effet de consta
ter le dépôt des corps et dépouilles mortelles de S. M. le
roi Stanislas Lccszinsky, étant en l’église de Bonsccours,
avons invité M. Mique, père, architecte, de faire ouvrir
le caveau, dont l’entrée est dans le chœur de l’église de
Bonsccours, devant la grille ; ce qui a été exécuté avec
précaution.
Nous commissaires susdits, munis du procès-verbal
du 16 ventôse an XI et pièces jointes, sommes descendus
dans le grand caveau, aussi avec M. Simonin, père, chi
rurgien en chef de Nancy.
Nous avons remarqué, à droite de l’escalier, l’autre
�— 27 —
polit caveau, que nous avons reconnu intact, sans aucun
indice qu’il y ait été fait aucun changement depuis cette
époque, 16 ventôse an XI, où il a été construit.
Cédant au désir spontané de visiter ce petit caveau,
autant pour constater la présence des dépouilles précieuses
qui y reposent, que pour s’assurer de l’état dans lequel
elles se trouvent, et si le cercueil en chêne avait encore
assez de solidité,
Nous avons fait faire une ouverture du côté dudit es
calier, et immédiatement après avons observé avec soin
qu’on n’a pu toucher ce cercueil, bien entier, dont la tête
est placée à l’occident, le pied à l’orient.
Nous nous sommes assurés que le cercueil n’avait plus
sa première solidité, parce qu’il a été renfermé dans ce
petit caveau, dont la clôture est absolue, jusques la voûte,
et où l’air n’a pu pénétrer.
M. Simonin, père, chirurgien, après avoir ouvert une
partie du cercueil, a reconnu que ces dépouilles mortelles
réunies n’avaient pas été vues, ni touchées depuis leur
dépôt ; ce dont nous avons pareillement été convaincus
encore par les chancissures légères qui les couvrent.
Nous avons de suite autorisé M. Mique, architecte, de
faire faire un cercueil de plomb pour les renfermer avec
toutes les précautions convenables, nous réservant d’as
sister à celte mutation.
Nous commissaires susdits avons, sans désemparer,
fait refermer ce petit caveau provisoirement par une porte
de chêne bien pattée, sur laquelle nous avons apposé les
scellés nécessaires pour en interdire l’accès jusqu’après
la confection prompte de ce cercueil de plomb.
Nous avons invité les assistants de sortir du grand ca
veau, sur l'ouverture duquel nous avons fait ensuite re
�— 28 —
placer provisoirement les pierres et établi deux gardiens
sédentaires.
De là nous nous sommes rendus près de M. le général
comte d’OUonc, commandant du département, qui, sur
notre exposé et notre invitation, a donné les ordres né
cessaires pour le placement d’un corps de garde près
Bonsecours, et d’une sentinelle à l’ouverture du grand
caveau, ayant pour consigne d’en interdire l’entrée ; ce
qui a été exécuté.
De tout quoi avons dressé le présent procès-verbal les
2!) et 50 août 1814.
Vidil fils aîné.
Simonin.
Drouot.
Mandel.
L.-F. Mique.
Cejourd’hui trois septembre 1814, sept heures du
matin.
Le Corps municipal assemblé, après avoir concerté
avec Monseigneur l’évèque de Nancy les mesures à pren
dre pour la célébration du service funèbre à faire aujour
d’hui en l’église de Bonsecours, à la mémoire de Stanislas
le Bienfaisant, à raison du déplacement de ses dépouilles
mortelles du petit caveau rappelé dans le procès-verbal
du IG ventôse an XI, pour les rétablir dans le grand ca
veau, où elles étaient primitivement sous la même église
de Bonsecours.
Le Corps municipal s’est rendu là à l’effet d’assister
avec Messieurs les commissaires délégués et rappellés ez
procès-verbaux des 29 et 30 août derniers, au même pla
cement de ces dépouilles mortelles de Stanislas, de la
reine son épouse, du cœur de leur lille Marie Lecksinska,
reine de France, du duc et de la duchesse Ossolinski,
�— 29 —
dans le nouveau cercueil de plomb préparé à cet effet,
attendu la vétusté du cercueil de chêne renfermé en l’an
XI dans ce petit caveau, inaccessible à l’air.
En conséquence, M. Mandel, jeune, ancien magistrat,
qui a efficacement concouru à recueillir les dépouilles
mortelles; MM. Drouot et Vidil, officiers municipaux
actuels, ont, en présence d’un grand nombre d’assistants,
de M. Mique, architecte, de M. Bcrnel, curé de SaintPierre, reconnu que les scellés apposés sur l’ouverture
du caveau, étaient sains et entiers ; ils ont été levés par
M. Mandel, jeune.
Le cercueil en chêne renfermant ces dépouilles mor
telles a été trouvé entier, mais d’un déplacement difficile
à raison de sa presque dissolution, résultante du lieu se
cret où il était placé, quoiqu’il lui ait été donné quelques
pouces d’élévation au-dessus du sol.
Toutes les précautions jugées convenables ont été
prises pour le sortir de ce petit caveau. Tout ce que ren
fermait ce cercueil de chêne a été trouvé intact et ainsi
comme cela est détaillé dans le procès-verbal du 46 ven
tôse an XI.
Seulement, ces dépouilles mortelles avaient pris une
teinte noire et au premier tact faciles à se diviser, et ce
pendant transportables d’un cercueil à l’autre, avec quel
ques précautions.
Aussitôt, et sans aucun retard, elles ont été replacées
dans le même ordre qu’elles étaient et arrangées de même
dans le cercueil de plomb, par M. Simonin, chirurgien
en chef de l’hôpital militaire, et de deux de ses élèves1.
Le corps de Stanislas, mieux conservé, plus entier,
1. MM. J.-B. Simonin et Charles Richy.
�— 50 —
depuis le col jusqu’aux hanches, a été placé en tète du
cercueil, dans la partie la plus large. Sa tête, décharnée,
séparée du corps, est à sa droite ; elle est divisée en deux
parties. La tète de la reine son épouse est du côté gau
che, en dessous du cœur du roy.
Celui de Marie Lecksinska, leur fille, a été placé à côté
de la tète de sa mère.
Les ossements, ainsi que ceux du duc et de la duchesse
Ossolinski, comme leurs têtes, sont dans la même partie
inférieure de ce cercueil.
On y a joint tous les fragments de linceul comme
partie de la robe de Stanislas, lors de son inhumation,
ainsi que partie du cordon bleu ; mais ces fragments se
sont trouvés très-endommagés, tant par leur séjour dans
le petit caveau, et principalement pour avoir été enfouis
dans une fosse pratiquée dans ce caveau, lors de la vio
lation indécente qu’on a commise sur ces tombeaux au
commencement de la Révolution.
Toutes ces dépouilles mortelles, ainsy disposées avec
autant de méthode qu’il a été possible, il a été répandu
sur leur surface des aromates en quantité suffisante.
On a fait de nouvelles recherches dans les débris du
cercueil de chêne ; on y a trouvé (à ce qu’il a paru) la
tresse en cheveux rappelée dans le procès-verbal dudit
jour 16 ventôse an XL Celte tresse a été renfermée dans
»
du papier, cacheté, scellé et déposé sur le côté gauche
de Stanislas.
Après quoi le couvercle du cercueil en plomb a été
scellé, soudé par les ouvriers à ce appellés ; le cercueil a
été placé au milieu du grand caveau, avec les précautions
usitées et sur une élévation de 20 pouces au moins, la
tête au septentrion, en face du principal autel.
�— '51
Sur ce cercueil ont été appliquées des lames de plomb
portant les inscriptions ci-après, d’un côté en langue fran
çaise, et de l’autre en latin.
« Tombeaux de Stanislas Lecsinski, roy de Pologne,
» duc de Lorraine et de Bar, décédé le 25 février 4766.
» De Catherine Opalinska, son épouse, morte en 1747.
» Du cœur de Marie Lecsinska, leur fille, reine do
France, décédée en 1768.
» Du duc et de la duchesse Osolinski, morts en 1756.
» Ces dépouilles mortelles ont été recueillies avec soin,
» suivant le procès-verbal du 16 ventôse an XI.
» Elles ont été déposées de nouveau dans ce tombeau,
» comme l’attestent les procès-verbaux des mois d’août
» et septembre 1814,
» Par le Corps municipal de Nancy, le 5 septembre
» 1814. »
« Hic jacent »
» Stanislaus Leszczinski, Rex Poloniæ, dux Lotharin» giæ et Barri, die 25a februarii anno 1766, defunctus.
» Catharina Opalinska, uxor ejus, anno 1747 defuncta.
» Quas reliquias diligenter collectas, ut comprobat pu-.
» blicum scriplum, die 16a venlosi an XI confectum (7a
» die Martii anno 1805).
» lterum in hoc tumulo sepultas esse testantur publica
» scripta, mensium Augusti et septembris anni 1814.
» Hoc monumentum dicavére die 5a septembris anno
» 1814 Nanceii municipales magistraUis. »
/
Les délégués du Corps municipal ont jugé convenable :
Io De faire placer sur ce cercueil les attributs de la
royauté ;
�— 32 —
2° De faire faire une porte de fer en barre à rentrée du
grand caveau, au bas de l’escalier ;
5° Un fort grillage au seul jour qui est à l’orient ;
4° Enfin, un autre grillage à la niche à gauche, près de
ce jour, dans laquelle avait été déposé (dans le temps) le
cœur de la reine de France, fille de Stanislas. M. Mique
a été chargé d’ordonner ces travaux.
11 a été apposé des scellés sur le cercueil en plomb,
d’autres scellés sur la clôture extérieure du caveau ; jus
qu'après la confection de ces travaux, il a été placé des
gardiens des scellés.
Dix heures étant sonnées, le Corps municipal et scs
délégués ont assisté au service funèbre, chanté en pré
sence d’un grand concours d’habitants de Nancy et des
environs.
De tout quoi il a été dressé le présent procès-verbal,
déposé au secrétariat de la mairie, ledit jour trois sep
tembre mil huit cent quatorze.
Cejourd’huy dix-sept septembre mil huit cent quatorze.
« Nous officiers et conseillers de l’Hôtel-dc-Ville de
Nancy, délégués par le Corps municipal, accompagnes
de M. Mique, architecte, de M. Bernel, curé de S'-Picrre,
Nous sommes transportés en l’église et caveau de
Bonsecours, à l’effet d’assister aux travaux ordonnés et
détaillés au procès-verbal du 5 de ce mois.
Après avoir examiné les scellés apposés sur la clôture
extérieure dudit caveau, ils ont été trouvés sains cl en
tiers et levés par M. Mande!, le jeune, l’un de nous.
Sommes ensuite descendus dans le caveau ; avons pa
reillement remarqué que les scellés dont était environné
�— 55
le cercueil de plomb, où reposent les dépouilles mortelles
de Stanislas et de sa famille étaient également sains et
entiers, sans aucun bris, altération ni effraction quel
conque.
Les ouvriers ont, en notre présence et sous la direction
de M. Miquc, fixé, scellé et soudé sur la tête du cercueil
en plomb : 1° un coussin avec ses ornements, sur lequel
ont été également assurés ; 2° un sceptre ; 5° un main
de justice, le tout surmonté d’une couronne royale, du
mémo métal.
Ensu'te M. Bernel, curé de Saint-Pierre, nous a re
présenté un cœur en plomb, renfermant celui de Ilenry
de Lorraine, né le 7 may 1602, et mort le 20 avril 1611,
En nous observant que, le 11 juin dernier, on l’avait
provisoirement placé dans l’église, sur le mauzolée de
Stanislas, et cependant avec toutes les sûretés néces
saires, jusqu’à ce qu’il serait possible de le déposer dans
un caveau ; que la relation en avait été faite ledit jour,
11 juin dernier, sur le registre mortuaire de la paroisse
Saint-Pierre de cette ville.
Que ce cœur avait été trouve sous le maitre-autel des
pères Minimes de Nancy, sous une pierre de taille, qui
nous a aussi été représentée cl remise, sur laquelle avons
remarqué le millésime 1611, au bas d’un cœur tracé sur
sa surface ; que M. Michel-Hubert Oudinot a acheté et
recueilli ce cœur et cette boëte.
Nous avons remarqué que cette boëte de plomb porte
pour inscription, d’un côté :
Henrico primogeniti
Excell. Francisci a Lotliar.
Marc h i o n i s Ha ttonis-Castri
Comit. Vadem. et Salm.
tenellum cor.
�De l’autre côté :
Obiil œ latís suœ
Anno 9, 11 kal. may.
4644.
Mondit sieur curé nous a invités à placer ce cœur dans
le caveau ; ce qui a eu lieu au même instant, dans la
niche où avait été déposé celui de Marie Lccszinska, après
avoir fait enchâsser la pierre ci-dessus, au-dessus de la
quelle il est suspendu à l’aide d’un anneau fixé à la partie
supérieure.
A celte niche est placé un grillage en fer, fermant à
clef, dont nous nous sommes saisis, pour être déposée
au secrétariat de l’Hôtel-de-ville.
A la partie extérieure de cette grille, avons, sur une
plaque de plomb, fait graver la même inscription que
celle ci-dessus.
Les ouvriers ont fixé les battants de la porte de fer en
barre, au bas de l’escalier, arrêté et scellé un grand bras
de fer.
Nous avons définitivement clos ledit caveau par ces
portes de fer, fermant, tant à l’aide de ce bras que d’une
forte serrure à clef, qui, réunie à la première ci-dessus
rappelée, ont été déposées audit secrétariat de la mairie.
Le tout après qu’en notre présence les grosses pierres
formant clef de voûte, au-dessus dudit escalier ont été
remises à leur place, ainsi que les marbres qui ornent le
chœur de Bonsecours.
Fait à Nancy, les an, mois et jour susdits, et ont signé
avec nous commissaires délégués, MM. Mique et Bernel.
Mandel.
�— 55 —
Du 42 octobre 4814.
Le Corps municipal de Nancy, extraordinairement as
semblé, et instruit par la voie des journaux, à l’art. Posen, que le général Sokolnicki prétend avoir remporté
de ladite ville de Nancy la dépouille mortelle de Stanislas
le Bienfaisant, roi de Pologne, duc de Lorraine et de
Bar, croit qu’il est important de détruire un fait controuvé, à l’appui duquel il est impossible de présenter
aucun acte authentique.
Chargé par ses attributions de veiller à la garde des
cendres de Stanislas, il ne s’est jamais dessaisi en faveur
de M. Sokolnicki d’un dépôt si cher et si précieux ; il ne
le pouvait pas, et, quand même il n’en eût pas été res
ponsable, la vénération et le respect qui existent à jamais
dans tous les cœurs pour la mémoire d’un prince bien
faiteur des Lorrains, lui eût interdit une démarche en
quelque sorte impie.
Inquiété cependant par l’assurance que M. Sokolnicki
montre dans sa conduite, il s’empressa de visiter en
corps, avec des gens de l’art et en présence d’un grand
nombre de personnes, l’état des lieux où reposent les
cendres de Stanislas ; il fut trouvé tel qu’il avait été cons
taté en 4805, époque où elles avaient été recueillies et
déposées d’une manière authentique dans le caveau de
l’église de Bonsecours.
Après le dernier procès-verbal qu’exigeaient ces bruits
injurieux, semés par l’erreur, le Corps municipal de
Nancy proteste avec vérité contre le fait avancé et soutenu
par M. Sokolnicki.
Il déclare que jamais il ne lui a été abandonné la dé
pouille mortelle de Stanislas, qu’elle n’est pas entre ses
mains, et que les habitants de cette ville ont toujours le
�bonheur de la posséder et d’aller tous les jours lui porter
le tribut de leur reconnaissance et verser des pleurs d’atlendrissemcnt sur la tombe qui la renferme.
Arrête, en conséquence, que la présente délibération
sera adressée à MM. les rédacteurs du Moniteur, du
Journal des Débats, de la Quotidienne et de tous au
tres qui auraient fait ou feraient mention des faits énoncés
en la présente, avec invitation d’en insérer les dispositions
dans un des premiers numéros.
Si fondées qu’elles fussent, les réclamations du Corps
municipal ne furent pas acceptées sur-le-champ par les
journaux de Paris, notamment par le Moniteur, et il
s’engagea, entre le Maire de Nancy et son représentant
à Paris, M. Giroust, avocat, d’une part, et M. Sauvo,
censeur royal, rédacteur en chef de cette feuille, d’autre
part, une correspondance de polémique1, dont nous allons
donner la substance.
Voici d’abord le premier article du Momietir (nn du
G octobre 1814), qui a donné lieu à l’erreur relevée par
la Municipalité de Nancy :
« Pologne.
» Posen, le 8 août.
» Le 5 de ce mois, a eu lieu, dans l’église cathédrale de
1. M. l’abbé Marchai possède, dans sa collection lorraine, cette
correspondance originale de M. Sauvo avec la mairie de Nancy. Il se
rait trop long de transcrire en entier un pareil dossier, et nous nous
contentons de citer ce qui est le plus important. Signalons ici,
pour mémoire, que, dans une lettre, adressée, de Paris, u 18 octobre
1814 h, à M. le Maire de Nancy, et signée u Pour M. Giroust, ab
sent, l’abbé de Champlois i>, se trouve le post scriplum suivant :
n P. S. Je sors des bureaux de l’Université, il n’y a encore rien de
nouveau concernant les facultés en droit et de médecine. »
�— 57
notre ville, la cérémonie funèbre de Stanislas Leszczinski,
roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, dont la dé
pouille mortelle fut inhumée à côté des deux autres rois
de Pologne, Boleslas Chrobry et Mieczyslow. Cette ac
quisition inappréciable, ainsi que celle d’un drapeau en
voyé par la ville de Dantzig au roi Stanislas, à Lunéville,
pour le régiment de sa garde, sont des souvenirs qui se
ront liés ineffaçablement dans les coeurs des Polonais. Ils
reconnaîtront les services signalés que Son Excellence le
général de division Sokolnicki a déjà rendus en divers
temps à sa patrie ; ses talents militaires, son intégrité,
l’estime des ennemis mêmes qu’il a eu à combattre ne
peuvent qu’honorer notre pays. Lorsque l’existence de la
Pologne sera assurée, le général se réserve de déposer,
sur l’autel de la patrie, le drapeau représentant un aigle
qui, du milieu d’un nuage épais, s’élève jusqu’au soleil,
avec cette inscription latine : Turbine, discusso. par,
summis. ferre, serenum1.
1. Dans une notice sur les drapeaux de N.-D. de Bon-Secours,
insérée dans les journaux de Nancy le 26 juin 1866, on lit :
n Quant au petit drapeau dressé près du mausolée de Stanislas,
n c’est le guidon du régiment des Gardes du Roi de Pologne. II est,
en petit, la représentation exacte du grand drapeau envoyé par la
» ville de Dantzig au même régiment, ou plutôt à Stanislas, à Lunéi! ville. On sait que, après le service solennel célébré à Notre-Dame
n de Bon-Secours pour le Roi et la Reine de Pologne, le 11 juin 1814,
» la ville de Nancy fut forcée, par ordre de l’autorité supérieure,
h d’abandonner le grand drapeau au général Sokolnicki, qui était
« passé par notre ville pour rendre hommage à la mémoire de
n Stanislas et rentrait dans sa patrie avec les cadres de l’armée
h polonaise.
u L’étendard du guidon est en soie brodée à la main. Il est bordé
» d’arabesques qui, aux angles, enroulent, d’un côté, l’écu de clievau lier, avec casque, cuirasse, etc. ; de l’autre, les initiales enlacées
’> S L P L R {Stanislas. Leszczinski. Poloniœ. Lotharingiœ.
�— 38 —
» G’est un trophée acquis sur l’estime des Lorrains
envers les Polonais, et une preuve de leur considération
particulière pour Son Excellence le général Sokolnicki,
à qui ces objets précieux ont été remis solennellement
par les autorités de Nancy, lors de son dernier passage. »
Après plusieurs lettres d’observations, échangées entre
le Maire de Nancy et M. Sauvo, qui disait être instam
ment prié, de la part de plusieurs officiers polonais, de
ne rien changer à la version de l’article qui précède, le
rédacteur en chef adressa enfin au Maire, le 18 octobre,
les explications suivantes :
« Monsieur le Maire,
» Je viens de faire les recherches et les vérifications
dont j’ai eu l’honneur de vous entretenir par ma lettre
d’hier.
» L’article Posen, inséré au n° du Moniteur du 6 de
ce mois, et les deux autres datés de la même ville, qui
ont paru en même temps, m’ont été présentés par des
officiers polonais. J’en ai trouvé la date fort arriérée, et,
sans les avoir refusés, je ne les publiais pas, lorsque la
sœur du général Sokolnicki a fait auprès de moi une dé
marche pressante, et m’a vivement sollicité de publier
ces articles ; ils l’ont été.
h Bex.}, surmontées d’une couronne royale. Le fond de l’étendard est
»» une peinture, également brodée en soie de diverses couleurs. Sur
h le terrain, accidenté de montagnes, se trouve, au premier plan, un
n grand arbre dont la moitié des branches est brisée par la tempête.
h Dans les airs s’élève un aigle couronné, aux ailes déployées,
n qui sort d’un nuage épais et qui dirige son regard et son vol vers
n le soleil brillant et rayonnant au sommet. L’exergue, qui encadre
n la partie supérieure du tableau, porte ces mots : turbine . discusso.
n par . summis . ferre . serenum. Daigne le ciel donner le calme
n après la tempête, n
�— 59 —
» Mais je viens de vérifier qu’il a été commis wne
faule d'impression très-essentielle. Elle justifie, jusqu’à
un certain point, le général Sokolnicki, et elle me parait
apporter beaucoup de changement à l’état de la ques
tion.
» Sur la note manuscrite qui m’a été remise par les
officiers polonais et par la sœur du général, il y avait :
une partie de la dépouille mortelle; ces mots, une
partie, ont été omis à l’impression, il n’est resté que
ceux-ci : la dépouille mortelle; ce qui entraîne l’idée
d’un enlèvement total. Je n’ai point remarqué cette faute,
et je n’ai pu la rectifier le lendemain par un erratum; la
chose n’a fait aucune sensation ici, mais elle a dû en faire
beaucoup à Nancy, et le Corps municipal a dû prendre
son arrêté ; on ne peut trop applaudir au sentiment qui
l’a dicté.
» Mais, après l’explication que je viens de vous don
ner, Monsieur le Maire, cet arrêté peut-il être maintenu
dans la rigueur de scs dispositions et de sa rédaction
contre le général Sokolnicki ? Il est probable que je vais
recevoir de lui une lettre dajis laquelle il relèvera l’erreur
commise, qui a dû être aperçue surtout par lui comme
par vous, Monsieur le Maire, parce que la chose vous in
téresse également.
» Il va m’écrire, dis-je, que les mots : dépouille mor
telle donnent trop d’extension à sa pensée, et qu’il n’a
recueilli qu’wne partie de cette dépouille.
Et ici se présente une autre question, quelle est cette
partie? Le Corps municipal ou toute autre autorité en
ont-ils permis l'enlèvement ou fait la remise au gé
néral? Cette remise a-t-elle eu lieu en même temps que
celle du drapeau dont sa note parle également. 11 y est
�— 40 —
dit que ces objets précieux ont été remis authentique
ment au général Sokolnicki par les autorités de
Nancy lors de son dernier passage; quels sont donc
ces objets précieux? En quoi consistait la partie de la
dépouille importée en Pologne? Quelle est l’autorité qui
en a fait la remise au général Sokolnicki ?
» Vous voyez, Monsieur le Maire, qu’avant de publier
l’arrêté que vous m’avez fait l’honneur de me faire re
mettre par M. Giroust, il convient que le Corps munici
pal que vous présidez prenne connaissance de la présente
lettre, et remette cette affaire dans l’ordre de ses délibé
rations.
» Si le général Sokolnicki n’a, en effet, emporté qu’une
partie de la dépouille mortelle de Stanislas, avec autori
sation des magistrats, sa note est sans reproche, elle est
régulière, et le Moniteur doit réparer son erreur en in
sérant une rectification où l’erreur sera clairement énon
cée, où les intérêts de Nancy seront complètement con
servés et où il sera dit que la ville de Nancy est toujours
en possession des restes précieux du roi dont elle chérit
la mémoire.
»
» Je vous prie à cet égard, Monsieur le Maire, de
compter sur mes soins et sur mon exactitude.
» J’attendrai, Monsieur le Maire, que vous ayez la
bonté de me répondre à ce sujet.
» Je vous prie d’agréer, etc.
» Sauvo. »
Dans une minute de réponse à M. Sauvo, en date du
22 octobre, le Maire déclare que le Conseil municipal ne
peut se déterminer à modifier sa délibération ; qu’une
simple note iïerratum, proposée dans une lettre précé-
�41 —
dente, ne suffirait point à démentir un fait controuvé,
et qu’on ne peut laisser croire à la Pologne et à la
France entière que le Corps municipal aurait pu concé
der au général Sokolnicki la moindre portion d’un dépôt
aussi précieux. Qu’importe, après tout, ajoute le Maire,
dans la même réponse, que le général ait pu se procurer
quelques lambeaux de vêtement de Stanislas. J’ai bien
appris qu’un individu de celte ville, prétendant en possé
der un morceau, avait consenti à le partager ou à l’a
bandonner au général polonais, mais il reste toujours à
savoir jusqu’à quel point on peut ajouter foi à une pa
reille assertion; rien ne prouve que M. Sokolnicki pos
sède réellement quelques débris des vêtements ou osse
ments de la dépouille mortelle de Stanislas, le Corps
municipal ne lui ayant jamais fait aucune concession à
cet égard.
Quant au drapeau dont il est fait mention, nous gar
derons le silence, parce que nous sommes assurés qu’il a
été effectivement abandonné à ce général par une autorité
supérieure*.
Le 2 novembre suivant, M. Sauvo écrivait au Maire :
« Monsieur le Maire,
» L’extrême abondance des matériaux officiels m’a
empêché, jusqu’à ce jour, de donner connaissance de
l’arrêté du Corps municipal de Nancy, mais je ne l’ai
point oublié et je satisferai au désir du Corps municipal
et au vôtre, au premier moment que la chose me sera
possible.
» J’ai l’honneur, etc.
» Sauvo. »
1. Probablement par ordre du comte d’Artois, depuis Charles X.
�—
Nonobstant cette promesse formelle, le Moniteur n’in
séra pas la délibération entière du Conseil municipal ;
mais, à l’occasion du passage de Monsieur, comte d’Ar
tois, il se contenta d’ajouter, dans son n° du 18 novem
bre, les lignes suivantes au récit de l’événement dont il
parle :
« Nous saisissons cette occasion favorable de men
tionner un acte du Corps municipal de Nancy relatif aux
restes du roi Stanislas dont cette ville est demeurée l’ho
norable et fidèle dépositaire. On a lu dans plusieurs jour
naux étrangers et français un article Posen qui tendrait
à faire croire que la ville de Nancy se serait dessaisie de
ce dépôt précieux, qu’un officier polonais aurait remporté
dans sa patrie. Le Corps municipal de Nancy, par arrêté
du 11 octobre dernier, a démenti cette assertion ; il a
déclaré que la vénération et le respect qui existent à ja
mais dans tous les cœurs pour la mémoire d’un prince
bienfaiteur de la Lorraine eussent suffi, indépendamment
de sa responsabilité, pour lui interdire toute démarche
de celte nature ; que l’état des lieux où reposent les cen
dres de Stanislas a été de nouveau vérifié ; qu’il a été
trouvé tel qu’il avait été constaté en 18061, époque où
ces cendres avaient été recueillies et déposées (replacées)
d’une manière authentique dans le caveau de l’église de
Bon-Secours ; que les habitants de cette ville ont tou
jours le bonheur de les posséder et d’aller tous les jours
lui porter le tribut de leur reconnaissance et de leur res
pect religieux. »
1. C’est en 1806 qu’ont été replacés à Bon-Secours les mausolées
du Roi et de la Reine de Pologne; mais il n’y a eu, à cette époque, au
cune reconnaissance de leurs tombeaux ; elle a eu lieu en 1803 et en
1814, comme on l’a vu ci-dessus.
�— 43
Tel est, d’après des documents authentiques, l’exposé
des faits. Il en résulte que le Conseil municipal de Nancy
a montré, dans cette affaire, la plus louable sollicitude
pour sauvegarder l’honneur de la cité et la disculper du
reproche d’ingratitude qu’elle eût mérité. Mais, lors
qu’une erreur s’est propagée, la vérité a de la peine à
reprendre ses droits. Plusieurs Polonais ont persisté à
croire que le corps de Stanislas n’était plus dans notre
ville, mais qu’il avait été transporté à Poscn, à Varsovie
et de là à Saint-Pétersbourg. Ainsi, en 4857, on écrivait
de Lemberg, au czas de Cracovie, que les restes mortels
du roi Stanislas Leszczinski venaient d’être enterrés à
Saint-Pétersbourg. Voici comment le journal et la cor
respondance Ilavas prétendaient expliquer ce fait, qui
leur paraissait à eux-mêmes étrange :
« Lorsque les légions polonaises retournèrent dans leur
pays après la paix de Paris, elles emportèrent de Nancy
les ossements du roi Stanislas pour les déposer dans le
caveau des rois de Pologne. Le cercueil fut déposé au
local de la Société des Amis des Sciences à Varsovie ;
mais l’exécution du projet traîna en longueur, sans doute
parce qu’on attendait un moment plus favorable. Arrivè
rent les années 1850 et 1851, les collections des Amis des
Sciences furent transférées à Saint-Pétersbourg et avec
elles la caisse qui contenait le cercueil du Roi. Ce n’est
que cette année-ci, en déballant les livres, les manuscrits
et autres objets que renfermaient les autres caisses, qu’on
s’aperçut du contenu de celle-là, et qu’on déposa les
restes de Stanislas Leczinski à côté de ceux d’Auguste
Poniatowski. »
Evidemment le prétendu cercueil déposé au local de la
Société des Amis des Sciences de Varsovie ne peut être
�— 44
autre que la caisse où le général Sokolnicki avait en
fermé, lors de son passage à Nancy, les objets que nous
avons mentionnés, et qui ne sont point les restes mortels
de Stanislas. Du reste, les Polonais, qui ont.fait placer
dans l’église de N.-D. de Bon-Secours une inscription1
commémorative de la cérémonie de 1814, ne pensaient
guère emporter et posséder ces restes, puisqu’ils leur
disaient, en pleurant, un éternel adieu.
Henri LEPAGE.
1. En voici la traduction :
A DIEU TRÈS-BON TRÈS-GRAND.
■m
Les débris de l’armée polonaise, ayant cherché par le monde, avec
l’aide des Français, une patrie qu’ils ont méritée par leur persévé
rance et par leur courage, rassemblés par la bienveillance d’ALEXANDRE
le pacificateur, regagnant leurs pénales, sous la conduite de Michel
Sokolnicki, aux cendres de Stanislas Leszcinski père bienfaisant,
bisaïeul du roi très-chrétien, et à cette nation hospitalière, disent en
pleurant un éternel adieu.
Le xi juin 1814.
1
�Sc. par Sébastien Adam.
MAUSOLÉE DE CATHERINE OPALINSKA
REINE DE POLOGNE
Duchesse
de
Lorraine
et
de
Bar.
�D.
0.
M.
A DIEU
TRÈS-BON TRÈS-GRAND.
Hic jacet, Regina coeloRUM AD PEDES,
Ici
repose, aux pieds de la
Reine
des cieux,
Regibus orta atavis avia
Regum Catharina Opalinska, Regina Poloni.®,
Magna Ducissa Lithuanle,
Ducissa Lotharingi.e et
barri , pietate in Deum,
misericordia in pauperes,
morum integritate, et re
gii celsitudine animi supra modum mirabilis, va
ria in fortuna semper eadem, spiritu magno quo
prospera tulit et adversa
vidit ultima, die 19 martii, annosalutis mdccxlvii,
cetatis suce lxvii.
La fille et la mère des rois,
Catherine Opalinska , reine
de Pologne, grande duchesse
de Lithuanie, duchesse de
Lorraine et de Bar, émi
nemment remarquable par sa
piété envers Dieu, sa charité
pour les pauvres, la pureté
de ses mœurs, l’élévation de
son caractère royal, toujours
égale dans l’une et l’autre
fortune ; avec la même gran
deur d’âme qu’elle supporta
la prospérité et l’adversité,
elle vit ses derniers moments,
le 19 mars, l’an de grâce
1747, de son âge 67.
Dulcissimce Conjugi
Stanislaus I. Rex Poi.
Magnus Dux Lith. Dux
Loth. et Barri luctùs sui
et publici monumentum
bene inerenti piè posuit.
Stanislas I, roi de Polo
gne, grand duc de Lithuanie,
duc de Lorraine et de Bar,
a, dans sa piété, élevé ce mo
nument de sa douleur et de
celle de son peuple à qui en
était si digne, son épouse
bien-aimée.
�PREMIÈRE CONSTRUCTION A NANCY d’üNE CHAPELLE EN
L’HONNEUR DE NOTRE-DAME DE BON-SECOURS.
L’église Notre-Dame de Bon-Secours a pour fondateur
RENÉ 11, Roi de Sicile et de Jérusalem, Duc de Lorraine
et de Bar.
Les princes de Lorraine se sont toujours distingués
par leur dévotion envers la sainte Vierge. RENÉ, lors de
la bataille de Nancy1 (1477), se plaça d’une manière
1. La bataille de Nancy, qui a donné naissance à la chapelle de
Notre-Dame de Bon-Secours, est fameuse dans l’histoire, à raison,
�— 48 —
spéciale, lui et ses Etats, sous la protection de la Mère
de Dieu, et, pour le combat, fit marcher en tète de
ses troupes un étendard de satin blanc, sur lequel était
surtout, de ses conséquences. La défaite et la mort de Charles-leTéméraire affermirent, eu effet, la couronne sur la tète du Duc de
Lorraine, et Louis XI, roi de France se trouvait également délivré
du plus redoutable de scs ennenrs. Rappelons le fait, en quelques
mots.
Nancy était assiégé et serré de près par le Duc de Bourgogne, dont
l’injuste ambition ne connaissait plus de bornes. L’excellent Duc de
Lorraine, René II, menacé de la perte de tous ses Etats, veut tenter
un effort suprême. Il raliie a sa cause les Suisses, qu’il avait luimême secourus contre Charles, à la bataille de Morat, et réunissant
toutes ses troupes, il arrive à Saiul-Nicolas-du-Port à deux lieues de
sa capitale, qui l’attend cl compte sur lui. Là, il ne perd point de
temps et prend ses dispositions pour fondre sur l’ennemi et délivrer
sa bonne Ville le lendemain même.
C’était le dimanche, 5 janvier 1477, veille de la fêle des Rois. Dès
le malin, plusieurs messes sont célébrées et chantées en différents
endroits du bourg ; toute l’armée y assiste, puis se met immédiate
ment en marche. Parvenu, vers dix heures, sur la petite hauteur qui
domine le ruisseau d’Heillecourl et le village de Jarville, hauteur ap
pelée aujourd’hui Renémont, le Prince libérateur trace son plan d’at
taque. De son côté, le Duc de Bourgogne, appuyant sa gauche contre
la rivière de Meurlhc et devant le Rupt de Jarville, établit son centre
de bataille et son artillerie sur l’emplacement où s’élève aujourd’hui
Notre-Dame de Bon-Secours. Les ordres étant distribués, l’armée
lorraine, 18 à 20,000 hommes, traverse le premier ruisseau qui
la sépare de l’ennemi, u tous les malchaussés, dit la chronique de
Lorraine, par dessus puisirent pleins leurs souliers, » et va
se porter sur le plateau de la Malgrange qui était alors une ferme.
Là, dit la même chronique de Lorraine, un prêtre Allemand, revêtu
d’un surplis et d’une élole, monte sur un petit tertre pour être mieux
vu et entendu, et tenant entre ses mains une hostie consacrée, il
exhorte les soldats à la confiance, les excite au repentir de leurs fau
tes, et invoque le Dieu des batailles, vengeur du bon droit. Tous
alors, pour témoigner de leurs dispositions chrétiennes, se précipitent
à genoux, et traçant une croix sur la terre blanchie par la- neige, ils
la baisent, et se relèvent pleins de courage et d’espérance. D’après
�— 49 —
peinte une Annonciation. En reconnaissance de la vic
toire qu’il avait remportée sur Charles-le-Téméraire,
les ordres de René, on devait tourner l’ennemi, tout en simulant une
attaque de front, le séparer de l’armée de siège et le surprendre tout à
la fois à dos et en flanc. Charles, avec les 6 ou 8,000 hommes dont il
pouvait seulement disposer en dehors des troupes de siège, avait
voulu, contre l’avis de son conseil, se porter en avant ; il comptait
sur son artillerie, sur les avantages de sa position et sur la valeur bien
connue de ses troupes. Cependant les mouvements de l’armée lor
raine se combinent et s’exécutent rapidement, on s'échelonne le long
du bois de Saurupt, appelé, depuis, bois de Brichambaut, et une
demi-heure ne s’est pas écoulée que, le signal d’attaque étant donné,
la mêlée commence et se poursuit avec acharnement sur le territoire de
Nabécor, au lieu occupé aujourd’hui par le pensionnat des Dames du
Sacré-Cœur. Les chefs des deux partis firent des prodiges d’intrépidité
et d’audace. Charles, après avoir rétabli plusieurs fois le combat, ne put
éviter d’être enveloppé, et voyant la déroute entière de ses soldats,
prit la fuite pour se soustraire à une mort imminente, u Luy, dit
Commines, qui n’avait oncqnes veue la peur au visage, » voulut re
joindre le camp de Bourgogne placé à la Commanderie de Saint-Jean
du Viel-Aitre ; mais en traversant la partie occidentale de l’étang, il
laissa son cheval s’enfoncer dans le marais, et périt misérablement,
percé de plusieurs coups de lance. Le jour commençait abaisser;
René rentrait victorieux dans sa capitale. Pour arc de triomphe et
comme témoignagne de leur fidélité à toute épreuve, les bourgeois de
Nancy dressèrent un trophée singulier avec les os des vils animaux
dont ils s’étaient nourris pendant le siège. Quelques jours après,
René, aussi généreux dans le succès que terrible au combat, allait
jeter de l’eau bénite sur le corps de son infortuné cousin, à qui il fît
ensuite de magnifiques funérailles. —Les détails de celle bataille mémo
rable ont été traités de la manière la plus intéressante par le capitaine
Ferdinand de Lacombe, dans une brochure intitulée Le siège et la
bataille de Nancy, éditée en 1860.
En action de grâces de la victoire, et pour en perpétuer le souve
nir, René avait ordonné, que chaque année, le 5 janvier, se ferait,
dans sa capitale, une procession solennelle suivie d’un Te Deum,
auquel assistaient le souverain et tous les ordres de l’Etat. Dans
cette procession étaient étalés tous les trophées de la victoire ; les
armes du Duc de Bourgogne étaient portées par les plus grands sei-
�Duc de Bourgogne, il érigea une chapelle sous l’invoca
tion de Noslre-Dame de Bon-Secours, et fit don de la
statue qu’on vénère encore aujourd’hui.
Celte statue, presque de grandeur naturelle, est une
vierge auxiliatrice, étendant son manteau protecteur sur
vingt personnages agenouillés, qui élèvent vers elle des
mains suppliantes. Les dix personnages, formant le
groupe de gauche, représentent l’ordre laïc, princes,
magistrats et peuple ; le groupe de droite représente
l’ordre ecclésiastique, cardinaux, évêques, religieux de
différents ordres et même un Pape, qui, peut-être, dans
la pensée du fondateur, était Léon IX, de la famille des
ducs héréditaires de Lorraine, lequel signait Léon, évê
que de Toul et Pape.
La statue commandée par René 11 au sculpteur Mansuy Gauvain, imagier menuisier de Son Altesse, a été
peinte aux frais de Philippe de Gueldres, épouse de ce
prince.
Les Ducs successeurs de René avaient coutume de
placer dans leur palais un tableau de Notre-Dame de
Bon-Secours et faisaient peindre leur propre famille
sous le manteau de la Vierge.
gneurs de la cour : l’épée par M. de Beauvau et le casque par M. de
Gerbéviller.
Quand fut détruite l’église de la collégiale Saint-Georges, où se
célébrait la cérémonie, un grand nombre de Lorrains, disent les
mémoires pour servir à l’histoire de Lorraine, allaient à la messe
à Notre-Dame de Bon-Secours, chapelle érigée par René II sur
le lieu même où les Bourguignons avaient combattu et où ils
étaient enterrés.
�i
SECONDE CONSTRUCTION AJOUTÉE A LA CHAPELLE.
L'affluence toujours croissante des pèlerins, qu’attirait
la réputation des grâces obtenues par ¡’intercession de
Notre-Dame de Bon-Secours, rendit bientôt nécessaire
l’agrandissement de la première chapelle, et, en 1650, le
duc Charles IV1 ajouta à celle-ci une nef de 60 pieds de
longueur.
Déjà, depuis quelques années, le pèlerinage était des
servi par la Congrégation des R. P. Minimes, qui, instal
lés par le Duc Henri II, entendaient les confessions, célé
braient la sainte Messe et acquittaient les fondations déjà
établies soit en faveur du culte, soit en faveur des pauvres.
Ce qui faisait la beauté de ces deux premiers sanc1. u Les grands, fréquents et admirables miracles qui se font en la
Chapelle de Nostre Dame... ladite Chapelle estant trop petite et trop
eslroite, la plupart d’yceux (pèlerins), demeure hors à la porte....
Avons loué et approuvé l’aggrandissement de ladite... afin d'y estre
Dieu beny et servy et sadite Mère honorée, invoquée et révérée... et
ponr attirer les grâces et bénédictions de Dieu snr nous, sur nos
pays et particulièrement sur nostredite ville de Nancy.... «Tiré des
lettres patentes du Duc Charles IV, en date du 29 juin 1629. Voir
Annuaire de la Meurthe, 1852, par H. Lepage, p. 110 et 111.
�tuaires, c’étaient les nombreux cx-voto qui en tapissaient
les murs, ainsi que six drapeaux1 suspendus à la voûte,
trophées des victoires remportées, sur les ennemis du
nom chrétien, par les ducs de Lorraine et dont ceux-ci
faisaient hommage à Notre-Dame de Bon-Secours.
Durant les nombreuses calamités qui affligèrent le
pays sous Charles IV, la ville de Nancy, désolée par la
guerre, la famine et la peste, se consacra, par un vœu2
solennel, à Notre-Dame de Bon-Secours, afin d’obtenir
la cessation du fléau, et recommander à son intercession
puissante ceux qui avaient succombé. Ce vœu fut con
firmé en 1742, à l’érection de la nouvelle église, et le
texte en est gravé sur le marbre qui se trouve placé
contre le pilastrefvis-à-vis la chaire.
1. Quatre de ces drapeaux existent encore aujourd’hui. Ils ont été
pris sur les Turcs, dans les dernières croisades des xvnc et xvm®
siècles, aux journées de Saint-Golhard, 1663, de Mohatz, 1687, de
Péterwaradin, 1716, et de Méradia, 1738.
2. Vœu à la Vierge des Vierges...... O puissante Mère de Dieu !
Moi, ville de Nancy, pour accomplir mon vœu, j’ai fait élever ce mo
nument éternel de ma reconnaissauce envers vous, pour les bienfaits
dont vous m’avez comblée. Ayant depuis longtemps ressenti les effets
de votre puissante protection, je m’étais engagée à votre service ;
mais depuis ces derniers jours, j’ai voulu, comme je le devais,
m’y consacrer encore plus fortement par un vœu solennel ; afin
que quand la justice divine, que rien ne peut arrêter, fait tomber
du ciel sur nous, pour se venger de nos crimes, le terrible fléau de
la peste, vous en arrêtiez le cours, et qu’après avoir apaisé votre di
vin fils (vous seule usez ordinairement en ce cas des droits que vous
donne sur lui la qualité de sa mère), vous désarmiez son bras vengeur.
Pour cela, je ferai monter chaque semaine, à votre autel, un mi
nistre pour vous supplier d’agréer les vœux de mes citoyens, et qui,
le lendemain de votre glorieuse Assomption dans le ciel, priera,
dans un service funèbre, pour ceux que la contagion aura effacés de la
liste de mes habitants.
O Vierge sainte, qui pouvez faire cesser tous les maux, daignez
écouler ma prière, et recevoir favorablement mon vœu.
(Trad. de Lionnais, Hist. de JVancy.)
�TROISIÈME CONSTRUCTION. — ÉGLISE ACTUELLE DE
NOTRE-DAME DE BON—SECOURS.
1758. Cependant l’église et le .couvent de Bon-Secours
étaient des monuments peu dignes de la célébrité Mu pè
lerinage et de la magnificence d'une ville telle que Nancy ;
ils tombaient d’ailleurs de vétusté*. Stanislas releva le
couvent et voulut rebâtir l’église dans une forme et avec
une splendeur qui répondissent à sa piété. Les artistes
1. Les arrangements de la paix de <736 déterminèrent le mariage
de François lit (dernier duc de Lorraine et de Bar, de la famille'des
Habsbourg), avec Marie-Thérèse d'Autriche, fille et héritière de Pern-
�lorrains les plus distingués, les Adam, les Provençal, les
Lamour furent appelés à enrichir le nouveau sanctuaire
de leurs plus belles œuvres de sculpture, de peinture et
de serrurerie, sous la direction de l’architecte Ileré1. En
1741, l’église fut consacrée avec une grande solennité,
en présence du Roi et de la Reine de Pologne, de la cour,
de la magistrature et de la noblesse lorraine.
L’église Notre-Dame de Bon-Secours est bâtie dans le
style de la Renaissance italienne, comme la chapelle du
palais de Versailles, avec une galerie intérieure au pour
tour. Ses murs sont entièrement couverts de stucs, de
peintures et de sculptures dorées. La voûte, restaurée
depuis quelques années, a été peinte par Joseph Gilles,
dit Provençal. La frise de l’entablement, au-dessous de
la galerie, est ornée d’emblèmes sculptés qui symbolisent
les Litanies de la sainte Vierge. Prés du sanctuaire, à
l’un des pilastres qui soutiennent l’entablement, est agra
fée une élégante chaire à prêcher ; les huit autres pilas
tres sont décorés de statues polychrômées2.
pereur Charles VI. D’un autre côté, Stanislas Ier, roi de Pologne et
grand-duc de Lithuanie, donnait la main de sa fille Marie Lesczinska
au roi Louis XV, et recevait, lui, si digne de succéder aux René, aux
Antoine, aux Charles III, aux Charles IV et aux Léopold, le gouver
nement du duché de Lorraine, lequel devait ensuite être uni à la
France. *
1. Par la reconstruction de Notre-Dame de Bon-Secours, Stanislas
accomplissait, du reste, un vœu qu’il avait fait, et il choisit le chœur
de la nouvelle église pour être le lieu de sa sépulture. Pendant les
29 ans que le Roi gouverna la Lorraine, il ne manqua jamais, quelle
que fût la nécessité des affaires, de venir, à Notre-Dame de BonSecours, assister aux offices divins et recevoir la sainte communion,
les jours de fête de la sainte Vierge. (Voir la note de la page 9.)
2. Ces statues, plus grandes que nature, et d’un travail remar
quable, sont : aux pieds-droits de l’arcade triomphale : saint Joseph,
�— 55 —
Au cote gauche de la chaire se trouve l'inscription
commémorative de l'offrande faite à Notre Dame, par le
Due Charles V, d'un drapeau qu'il avait arraché des
mains d'un musulman à la bataille de Saint-Gothard : en
face. le vœu de la ville de Nancy ; puis les inscriptions
rappelant le passage des Polonais en 1814 et 1853.
Dans le sanctuaire, on remarque, en outre de la
statue vénérée de la Vierge, le mausolée1 de la Reine
de Pologne ( 1745 ), chef-d'œuvre de Nicolas-Sébas
tien Adam : le mausolée5 du Roi (1766), sculpté par
partant Fenfant Jésus sur son bras, et saint Jean Népomucène, mar
tyr de la confession (1330), patron de la Bohème et en grande vé
nération dans la Pologne ; dans la nef, sainte Reine, patronne de la
Boursosne : saint Gaétan, héros de la chanté, en Italie, au xvne
siècle ; saint François-Xavier, apôtre des Indes et du Japon ; saint
Antoine de Padoue, de l’ordre des Frères-Mineurs ; saint François
de Paule, fondateur des Minimes : et saint Michel-Archange, terras
sant le serpent infernal et pesant les âmes au Jugement dernier, em
blèmes sous lesquels il est représenté à l'entrée de la plupart des an
ciennes basiliques.
1. La pyramide du mausolée de Catherine Opalinska, reine de
Pologne, duchesse de Lorraine et de Bar, est surmontée de ses armes,
qui sont comme celles du Roi son époux, les armes ordinaires des
rois de Pologne, dues de Lithuanie, avec l’écusson de Notre-Dame
de Bon-Secours placé sur le tout, c’est à-dire, d'azur, au vaisseau vo
guant, d’argent. (Voir la fin de la notice.)
2. Les armes du Roi Stanislas, duc de Lorraine et de Bar, sur
montent aussi ¡a pyramide de son tombeau. Elles se composent
(comme il était d’usage, pour les Rois ses prédécesseurs), des quar
tiers de Pologne et de Lithuanie, et sur le tout, l’écusson des armes
de sa familie. Ainsi l'écu est : écartelé au 1er et 4e, de gueules, à
l’aigle éployé d’argent, becqué, langué, membré et couronné d’or,
qui est de Pologne ; au 2e et 3e, de gueules, au cavalier d'argent,
tenant de la main droite une épée de même, et de la gauche un
bouclier d’azur charge d’une croix patriarchale d’or, qui est du grand
�— 56
Vassé et Lecomte ; enfin les deux petits monuments,
renfermant, l’un, le cœur de Marie Lesczinska, fille de
Stanislas et épouse de Louis XV, l’autre, les restes du
Duc d’Ossolinski.
Le pèlerinage fut de plus en plus florissant jusqu’à
l’époque de la Révolution de 4789. Lorsque, dans les
jours de fête, ou dans les intervalles de la cessation des
travaux de la campagne, il se joignait à l’affluence ordi
naire le concours simultané de quelques paroisses de la
Montagne, (ce qu’on appelait vulgairement la descente des
Vosges), alors les auberges du faubourg Saint-Pierre
devenaient insuffisantes au logement de la foule, et, pour
le repos de la nuit, on étendait de la paille devant l’église
et entre les contreforts collatéraux.
Aux plus mauvais jours de la Terreur, le recours à
duché de Lithuanie ; sur le tout,
d’or, au rencontre de buffle de sa
ble, bouclé de même, qui est de
Lesczinski.
Quelquefois on rencontre l’écu de
Stanislas, écartelé de Pologne, de Li
thuanie, de Lorraine et de Bar, et sur
le tout l’écusson de Sa Maison. En
ce cas, il est : écartelé, au 1er, de
gueules, à l’aigle éployé, d’argent,
... couronné d’or; au 2e, de gueules,
au cavalier d’argent, armé d’une épée, de même et portant un bou
clier d’azur chargé d’une croix palriarchale d’or ; au 3e, d’or, à
la bande de gueules, chargée de 3 alérions d’argent ; au 4e d'azur,
semé de croix recroisetées, au pied liché d’or, et deux Bars adossés
de même ; sur le tout, d’or, au rencontre de buffle de sable, bouclé
de même.
�— 57 —
l’intercession de Notre-Dame était encore populaire et
empressé, puisque, en 1795. une nouvelle édition de la
neuvainc à Notre-Dame de Bon-Secours s'imprimait à
Nancy.
Maïs ni la vénération publique attachée au pieux sanc
tuaire, ni le respect des chefs-d’œuvre d’art qu'il conte
nait, ne pouvaient suffire à le sauver des coups et delà rage
des démolisseurs. Condamné, à raison des souvenirs de
royauté qu’il rappelait, l'édifice fut vendu ; les sépultures
de Stanislas et de son épouse furent violées et pillées.
Déjà on avait arraché les grilles intérieures ; une des sta
tues avait été abattue, les autres mutilées, l'œuvre géné
rale de destruction avait commencé pendant une nuit,
lorsque le cri d'alarme fut jeté dans la ville dès le malin
et excita un soulèvement populaire en faveur de Bon-Se
cours. En présence de cette manifestation, le district
envoya deux officiers municipaux pour rassurer le peuple
et lui déclarer que. puisque telle était sa volonté, le con
trat de vente serait résilié et l'église conservée. (Voir
page 12.
Aussitôt que l'aurore de meilleurs jours se leva pour
la France, les pertes du sanctuaire se rouvrirent aux fiois
du peuple qui venait demander à Dieu, par l’intercession
de h sainte Vierge, le pardon et la paix.
Après le Concordat, (1805J, le conseil municipal et la
magi^rMnre de Nancy vinrent, comme fl a été dit
précédemment, reconnaître les dépouillés royales du
eaveau. — MM. les curés de la paroisse Saint-Pierre,
qui étaient alors administrateurs de Notre-Dame de
Bon-Secours, déployèrent, avec le concours de Ma
dame de Bourgogne, d'honorable mémoire, le plus grand
zélé pour réparer les dégradations et rétablir I édifice dans
un eut aussi convenable que possible.
�— 58
En 1814, Monsieur, comte d’Artois, depuis, Charles X,
— en 1828, Madame la Dauphine, fille de Louis XVI, —
et en 1851, le Roi Louis-Philippe, sont venus, en visite
solennelle, prier dans l’église Notre-Dame de BonSecours.
En 1841, fut établie, près de l’église et sous le titre
ecclésiastique de Collégiale de Notre-Dame de Bon-Se
cours, la maison de retraite des prêtres du diocèse, les
quels, ayant rang de chanoines honoraires, devaient des
servir le pèlerinage.
En 1844, Notre-Dame de Bon-Secours, tout en conser
vant les avantages précédents, fut érigée en église parois
siale ; mesure importante qui assurait à l’édifice une
existence légale et des moyens de conservation. Dès lors,
on put entreprendre sérieusement la restauration d’un
monument également cher à la religion, aux arts et à
l’histoire, et lui rendre, à l’aide des pieuses largesses des
fidèles, une partie de son ancienne splendeur.
1854. Le 50 juillet, une foule considérable et pieuse se
presse dans l’intérieur et aux abords de Notre-Dame de
Bon-Secours, pour demander à Dieu par l’intercession
de Marie, secours des chrétiens^ la cessation du choléra,
dans des prières publiques présidées par Msr Mcnjaud,
évêque de Nancy et de Toul.
En 4859, M. le Baron de Méneval, alors ministre plé
nipotentiaire de France près la cour de Bavière1, ayant
perdu son épouse après quelques jours de maladie, vou
lut, en mémoire de l’affection de la défunte pour le sanc1. Entré depuis dans les ordres sacrés.
�uaire de Notre-Dame de Bon-Secours, se charger de
¡’ornementation complète de la chapelle des fonts baptis
maux, et il y plaça un monument funèbre sculpté par
Jouffroy, membre de l’institut.
1862. Les murs de la nef s’enrichissent d’un chemin
le croix en émail et bronzes dorés, du plus gracieux
effet.
1865. Par un Bref du 27 mai 1864, le Souverain-Pon
tife Pie IX avait décidé qu’une couronne, dont sa Sainteté
Elle-même faisait présent, serait placée solennellement
sur la tête de la statue vénérée de Notre-Dame de BonSecours de Nancy. Lorsque la réédification du chœur de
l’Eglise sur ses premiers fondements1 fut terminée, et
après l’entier achèvement de la niche de la Vierge, la cé
rémonie du couronnement fut célébrée avec le plus grand
éclat par S. Em. le cardinal archevêque de Besançon,
assisté de N N. SS. les évêques de Nancy et de Metz. Les
décorations de verdure et d’emblèmes qui pavoisaient
toutes les maisons du faubourg Saint-Pierre, dix arcs
de triomphe d’une élégance majestueuse, un immense
1. Le chevet du chœur de l’église de Bon-Secours avait été dé
moli quelques années avant la Révolution, pour bâtir, à sa place et en
prolongement, la chapelle des Dames chanoinesses, transférées de
Bouxières à Nancy, puis le projet de prolongement fut abandonné. Ce
fut seulement en 1806 que l’on reconstruisit, en simples moellons, et
dans de moindres proportions, ce qui avait été renversé. Cettepartie du
chœur, grâces au don du terrain et à des avances d’argent faits par
MM. Saladin, voisins de l’église, a été agrandie et réédifiée, de
puis quelques années, en pierres de taille comme elle était ancien
nement. La niche de la Vierge et l’ornementation générale de l’ab
side sont dues à M. Jules Laurent, architecte, statuaire, qui, sous la
direction de M. Morey, architecte de la Ville, a déployé dans les tra
vaux autant de zèle que de talent.
�concours de prêtres et de fidèles, ont fait de cette céré
monie et de la procession qui l’a précédée, une des
plus belles manifestations religieuses qu’on ait vues de
notre temps.
1866. Du 23 février, anniversaire centenaire de la mort
de Stanislas le Bienfaisant, au 4 mars, époque où ses res
tes ont été déposés dans le caveau royal, une affluence
considérable est venue prier devant le tombeau du Roi.
Tout le chœur et une grande partie de la nef étaient revê
tus de tentures noires et violettes, ornées de nombreux
écussons aux armes du roi de Pologne. Le 4 mars, l’édilité nancéienne, l’élite de la population, le collège de
la Malgrange, un grand nombre de Polonais, assistaient
à un service très-solennel, présidé par M-r Lavigeric, et
témoignaient ainsi du pieux souvenir, que les qualités et
les bienfaits du dernier duc de Lorraine avaient gravé
dans tous les cœurs.
La même année 4866, à l’occasion des fêtes commémo
ratives1 de l’annexion de la Lorraine à la France, le por1. La sonnerie de Notre-Dame de Bon-Secours avait été complé
tée pour l’époque de ces fêles. La cloche qui a eu pour parrain et
marraine (7 septembre 1741) le Roi et la Reine de Pologne, et qui
pèse environ trois cents kilogr., ayaut été heureusement conservée
pendant la Révolution, deux autres plus petites y avaient été ajoutées
en 1810 (données par MM. Bernel et de Bourgogne). Neuf cloches
nouvelles, s’harmonisant avec le ton des premières, ont été fournies,
dans ces dernières années, par M. Perrin-Martin, fondeur à Robécourt
(Vosges) ; la plus forte sonne le mi-bémol et pèse mille quarante kilo
grammes ; la plus petite ne pèse que quarante-cinq kilogrammes.
Celle-ci, fondue seulement en 1867, porte pour toute inscription :
Pie IX, Pape; Napoléon III, Empereur; J.-A. Foulon, Evêque; Podevin, Préfet; A. Buquet, Maire de Nancy; Gouy de Bcllock, Maire de
Jarville; Saladin, Président du Conseil de fabrique; Morel, Curé;
Genet, Trésorier; Lebon, Chanoine; Marquis de Vaugiraud ; Ilenrion,
Secrétaire; Gucrquin, Vicaire. Un clavier de 12 notes est disposé pour
les carillons.
�— 61
tail et Vintérieur de l’Eglise étaient décorés d’oriflammes
et de guirlandes de fleurs. C’est le 17 juillet que S. M.
l'impératrice Eugénie, accompagnée de Son Altesse le
Prince Impérial, est venue faire son pèlerinage à la Vierge
vénérée des Lorrains.
L’année suivante, le 22 octobre 1867, Bon-Secours
recevait également dans son enceinte d’augustes visiteurs,
Sa Majesté l’Empereur François-Joseph d’Autriche, ac
compagnée des deux Archiducs ses frères.
Avant l’hiver de la même année 1867, MM. Ledru et
de Bournonville ont appliqué avec succès à l’église
Notre-Dame de Bon-Secours leur système de calorifère.
Ainsi, avec des frais relativement minimes, une seule
bouche de chaleur, ouverte derrière le rideau du sanc
tuaire, chauffe les sept mille mètres cubes d’air que me
sure l’église. Le foyer du calorifère, construit contre le
chœur, est couvert par un petit bâtiment en pierres de
taille, qui donne en meme temps un local pour le place
ment des ex-voto.
En ce moment, janvier 1869, M. Çuviller, fils, cons
truit, â la tribune de Notre-Dame de Bon-Secours, un
orgue de 16 pieds, entièrement neuf. La soufflerie, établie
dans un étage supérieur, est à différentes pressions et
à deux réservoirs ; elle donne deux mille litres d’air.
L’orgue a 40 jeux complets, savoir : 12 jeux au grand
orgue, 10 au positif, 11 au récit avec boite d’expression,
et 7 à la pédale.
Enfin, dans le cours de 1869, doivent être posés les
deux grands vitraux, donnés, pour le chœur de Notre-
�— 62 —
Dame de Bon-Secours, par LL. MM. l’Empereur et l’im
pératrice. Ces vitraux, accordés à la recommandation de
M. l’abbé de Méneval et en souvenir du pèlerinage de
S. M. l’impératrice Eugénie et de S. A. le Prince Impé
rial, ont été confiés par l’initiative de S. M. l’impéra
trice1, au talent de M. Maréchal, de Metz, et sont aujour
d’hui en voie d’exécution. Comme, de temps immémo
rial, à Nancy, les jeunes époux, immédiatement après la
cérémonie de leur mariage, viennent à Bon-Secours prier
la sainte Vierge de protéger leur union ; comme, d’un
autre côté, les enfans de la ville et des campagnes envi
ronnantes viennent aussi, le lendemain de leur première
communion, se consacrer à Notre-Dame de Bon-Secours,
les sujets des deux vitraux ont été choisis comme mé
morial de ces pieux et antiques usages, et ils repré
sentent, l’un, le mariage de la sainte Vierge, l’autre,
la Présentation de Jésus au Temple.
Ainsi, chaque année apporte son hommage de vénéra
tion et son tribut d’offrandes à un sanctuaire qui, au point
de vue des arts et des souvenirs nationaux, comme au
point de vue de la dévotion envers la sainte Vierge, est
une gloire de la Lorraine.
1. Aussitôt que M. le Bon Buquet, Maire de Nancy et Député, eut
appris la faveur Impériale, il s’empressa d’aller remercier S. M. l’im
pératrice. Sa Majesté, voyant arriver M. Buquet, le prévint et lui dit :
u Eh bien, M. Buquet, je viens d’accorder des vitraux à votre église
de Notre-Dame de Bon-Secours.—Je le sais, Madame, répondit
M. le Baron, et je venais en témoigner ma reconnaissance à Votre
Majesté. — Je désire, reprit l'impératrice, que le travail en soit
confié à M. Maréchal. — Madame, répondit M. Buquet, les désirs de
Votre Majesté sont des ordres ; que Votre Majesté me permette
d’ajouter que rien ne pouvait nous être plus agréable que le choix de
l’artiste désigné par Elle. »
�C’est René II qui a blasonné sous l’écusson de Lorraine les huit
quartiers des alliances de Sa Maison, et qui a ainsi fixé les armes
pleines de Lorraine.
parti de trois et coupé d’un, qui font
8 quartiers : 4 royaumes et 4 duchés ;
au l‘r, burrelé d’argent et de gueules
de 8 pièces, qui est de Hongrie ; —
au 2e, semé de France, au lambel de
gueules, qui est de Naples Sicile ; —
au 3e, d’argent, à la croix potencée
d’or et cantonnée de 4 croiseltes de
même, qui est de Jérusalem ; — au
4e, d’or à 4 pals de gueules, qui est
d’Arragon ; — au 5e, semé de France
à la bordure de gueules, qui est d’Aojou ; — au 6e, d’azur au lion
contourné d’or, armé, lampassé et couronné de gueules, qui est de
Gueldres ; — au 7e, d’or, au lion de sable, arme et lampassé de
gueules, qui est de Juliers ; - au 8«, d’azur, semé de croix recroiselées au pied fiché d’or et deux bars adosses de meme, qui est de
Bar ; sur le tout, d’or, à la bande de gueules, chargée de 3 alenons
d’argent, qui est de Lorraine.
Après sa victoire sur le duc de Bourgogce, René récompensa di
gnement les capitaines et les soldats qui avaient si vaillamment com
battu pour lui. Les villages de Laneuveville, Villers, Laxou et la
contrée du Vermois, - six villages - furent exempts de tailles
pour douze ans.
,
Quant à sa bonne ville de Nancy, non seulement il fil bâtir près de
son enceinte la chapelle de Notre-Dame de Bon-Secours, témoin de
sa valeur, mais il confirma ses privilèges, augmenta scs exemptions
.Uiivm des lettres d’affranchissement à ses bourgeois, et donna a la
�fidélité constante des habitants, permit à la ville de surmonter ses
armes de l’écusson même de Lorraine.
Ainsi les armes de Nancy sont :
d’argent, au chardon ligé, arraché et
verdoyant, arrangé de deux feuilles
piquantes au naturel, à la fleur purpu
rine, et en chef, d’or, à la bande de
gueules, chargées de 3 alérions d’ar
gent.
Comme nous l’avons dit dans la note de la page 55, les armes de
l’église Notre-Dame de Bon-Secours sont :
d’azur, au vaisseau voguant, d'argent.
Ces dernières armes sont attribuées
en effet à l’église Notre-Dame de BonSecours, parce qu’elles symbolisent la
bataille navale de Lépaute, après la
quelle l’invocation Auxilium Christianorum, ora pro nobis, secours
des chrétiens, ou Notre-Dame de
Bon-Secours, priez pour nous, a
été ajoutée aux litanies de la sainte
Vierge par le Pape saint Pie V, en
1571. On ne sait pas si les paroles en étaient inscrites sur quelque
monument dans l’ancienne chapelle de Bon-Secours ; mais, dès 1742,
elles étaient gravées au couronnement qui surmonte le tableau du
vœu de Nancy, et elles sont devenues l’invocation habituelle des
fidèles qui viennent prier dans l’église de Notre-Dame de Bon-Secours.
Notre Dame de Bon-Secours, priez pour nous.
Nancy. — lmp. de A. Lepage, Grande-Rue (Ville-Vieille), 14.
�
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Pamphlet
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Les caveaux de Notre-Dame de Bon-Secours proces-verbaux de 1803 & 1814 relatifs a la conservations des restes mortels de Stanislas, suivis d'une petit notice sur l'eglise
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lepage, Henri
Description
An account of the resource
Place of publication: Nancy
Collation: 64 p. : ill. ; 21 cm.
Notes: From the library of Dr Moncure Conway. Includes bibliographical references.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
A. Lepage
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1868
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
G5567
Subject
The topic of the resource
Poland
History
Rights
Information about rights held in and over the resource
<a href="http://creativecommons.org/publicdomain/mark/1.0/"><img src="http://i.creativecommons.org/p/mark/1.0/88x31.png" alt="Public Domain Mark" /></a><span> </span><br /><span>This work (Les caveaux de Notre-Dame de Bon-Secours proces-verbaux de 1803 & 1814 relatifs a la conservations des restes mortels de Stanislas, suivis d'une petit notice sur l'eglise), identified by </span><a href="https://conwayhallcollections.omeka.net/items/show/www.conwayhall.org.uk"><span>Humanist Library and Archives</span></a><span>, is free of known copyright restrictions.</span>
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French
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