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LE MAGASIN
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Paris. — Imprimerie de P.-A. BOLRDIER et Cle, 30, rue Mazarine.
�LE MAGASIN
DE LIBRAIRIE
LITTÉRATURE, HISTOIRE, PHILOSOPHIE,
VOYAGES, POÉSIE, THÉÂTRE, MÉMOIRES, ETC., ETC.
PUBLIÉ PAR CHARPENTIER, ÉDITEUR
AVEC LE CONCOURS DES PRINCIPAUX ÉCRIVAINS
TOME TROISIÈME
. PARIS
CHARPENTIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR
2 S , QUAI DE L’ÉCOLE
1859
Réserve de tous droits
��LA JEUNESSE
DE BACHAUMONT*
Si Bachaumont ne fut ni un des personnages éminents, ni un
des écrivains les plus considérables de son temps, il exerça cependant
une grande influence, au moins comme critique, sur tout ce qui est
du domaine des lettres et des arts. Son nom est resté attaché à un vaste
recueil littéraire, dont il n’a écrit que la moindre partie et dont la plus
étendue n’a été composée qu’après sa mort, mais qui conserve encore
aujourd’hui une autorité venant tout entière de ce nom de Bachaumont.
Les biographies ne donnent presque aucun renseignement sur sa famille
et sa jeunesse : les Mémoires ci-après contiennent au moins des indica
tions utiles sur ces deux points. On y trouvera , en outre, de curieux
tableaux de mœurs, des scènes étranges de la vie de ce temps, c’est-àdire des dernières années du règne de Louis XIV ; puis, comme, dans
cet écrit, tout confidentiel, Bachaumont se laisse volontiers aller à inter
rompre sa narration pour réunir des souvenirs de l’époque de son en
fance , recueillis ou complétés un peu plus tard, il s’y rencontre des
détails piquants sur quelques personnages historiques, notamment
sur le prince de Conti et la petite Cour de Meudon. Nous ne doutons
1. Quelques personnes nous blâmeront peut-être de n’avoir pas supprimé
dans ce récit certains détails un peu vifs, mais nous n’avons pas pensé en
avoir le droit. Un éditeur ne peut, sans motifs graves, altérer ou modifier la
couleur d’un récit qui marque le caractère d’une époque ou d’un person
nage, car c’est précisément dans ce caractère que l’histoire trouve les secrets
des événements qu’elle est appelée à juger.
(Note de l’Éditeur.)
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
pas que le lecteur ne regrette avec nous que Bachaumont n’ait prolongé
davantage cette causerie intime.
On s’apercevra bien que ces Mémoires n’étaient pas destinés à la
publicité, et n’ont pas même été relus par l’auteur. Ce sont des con
fidences à un ami très-intime, ce qui nous dispense de chercher à disctiiper Bachaumont d’avoir rappelé les torts de conduite d’une per
sonne qu’il devait respecter, si insoucieuse qu’elle se fût montrée
envers lui enfant. S’il en parle quelquefois avec légèreté, on verra, dans
d’autres passages cependant, que ce n’est pas sans émotion.
Sur une des premières feuilles du manuscrit est écrite la date du
1er juillet 1731. C’est évidemment celle du jour où Bachaumont a
commencé à écrire ces Mémoires. Né en 1700, mort en 1771, il était
donc alors au milieu de sa carrière.
Frédéric Lock.
PRÉAMBULE.
Un de mes amis me dit un jour : « Je sais à peu près tout ce qui
est arrivé depuis que je vous connais ; mais j’ignore presque tout
ce qui a précédé le jour de notre connaissance. Je ne m’intéresse pas
moins à l’un qu’à l’autre, ainsi je vous demande de m’en instruire.
— Le motif de votre curiosité, lui répondis-je, est trop obligeant à
mon égard pour ne m’y pas soumettre. Mais comment ma paresse et
la crainte d’abuser de votre patience me permettront-elles un récit
dont je craindrais la longueur et pour vous et pour moi? J’aime
mieux idonc vous promettre de vous l’écrire, si, par la suite, je me
trouve quelque loisir assez long pour cela; je pourrai même peutêtre vous écrire plus aisément des choses que mon extrême timidité
m’empêcherait de vous dire. » Il voulut bien se contenter de cette
excuse pour le moment et de ma promesse pour l’avenir ; il l’exigea
de moi, et, quelque temps après, m’étant trouvé à la campagne dans
un aimable loisir, l’envie de tenir ma parole et de satisfaire un ami
auquel je ne pouvais rien refuser me fit lui écrire ce qui suit :
tous
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
7
1
J’ai vécu longtemps sans savoir si je descendais d’une origine noble
ou roturière, et, de plus, sans m’en soucier. Si la vertu était toujours
compagne de la noblesse, je me reprocherais cette indifférence ; mais
tous les gens de condition ne vous ressemblent pas. Quoi qu’il en
soit, j’ai été tiré de mon ignorance sur ma naissance par un petit évé
nement que je vous raconterai dans la suite de ce récit. En attendant,
je vous dirai que mon grand-père, à ce que j’ai ouï dire plusieurs fois,
était fils du plus pauvre gentilhomme qu’il y eût peut-être dans tout
le pays chartrain, et ceux de cette espèce abondent dans cette province.
Il demeurait dans un petit village dont j’ai oublié le nom ou que je
n’ai peut-être jamais bien su. Il habitait dans une sorte de chaumière
aux environs de laquelle était situé le peu de bien qu’il possédait, qu’il
cultivait apparemment de ses propres mains, et je vous assure qu’il
avait bientôt fait. Je n’ai jamais su le nom de la femme qu’il a épou
sée, mais vous devez bien juger que, dans la situation que je viens de
vous décrire, il ne trouva pas un parti bien opulent. En récompense,
elle fut très-féconde et le fit bientôt père d’une si grande quantité
d’enfants que je n’en ai jamais bien su le nombre ; vous jugez quelle
espèce d’éducation ses facultés lui permirent de leur donner dans leur
premier âge ; aussi je crois qu’ils ne différèrent pas beaucoup de ce
qu’on appelle de simples paysans. Les postes les plus importants que
la médiocrité de leur fortune et de leur éducation présenta à leur am
bition, quand ils furent venus à un certain âge, furent des places
dans les gendarmes ou dans les gardes du roi, nec plus ultra de la
pauvre noblesse qui se trouve sans bien et sans protection. J’ai cepen
dant ouï dire à mon grand-père que quelques-uns y avaient été tués
au service en braves gens; un d’eux même parvint à être capitaine
de cavalerie et y périt, comme les autres, sans laisser de postérité.
Comme dans les nombreuses familles (même parmi les paysans un
peu aisés) on destine toujours quelque enfant à l’état ecclésiastique,
dans la flatteuse espérance d’en faire un curé de village chez lequel
le reste de la famille pourra trouver, un jour à venir, quelque res
source pour sa subsistance, on obtint pour un d’eux, je ne sais par
quel canal, une place de boursier dans un collège de Paris. Celui-là
ne manquait pas de sens ; il étudia, se fit prêtre et parvint, je ne sais
comment, à être, auprès de l’archevêque de Paris, Pérélixe, un de
�8
*
LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
ces espèces de domestiques ecclésiastiques que les prélats ont toujours
autour d’eux et qui ne diffèrent guère des valets à livrée que par la
couleur de leur habit. Comme il avait de l’esprit, il fut élevé par la
suite à l’honneur d’être un des secrétaires de Monseigneur qui, après
bien des années de service, pour le récompenser à la manière ordi
naire des grands seigneurs, c’est-à-dire sans qu’il leur en coûte rien,
lui fit tomber un canonicat de Saint-Germain l’Auxerrois qu’il alla
desservir. Il était violent, bien fait et de complexion amoureuse; il
trouva jolie la femme d’un aubergiste voisin; il lui plut; le mari le
trouva mauvais, le prit sur le fait, le tua d’un coup de couteau et
fut roué *.
1. Voici quel était le supplice de la roue. Le patient était étendu, les jambes
et les bras écartés, sur des poutres de bois disposées en croix de Saint-André,
de façon que les membres, dans leur milieu, portaient à faux dans le vide.
Ainsi fixé, le bourreau brisait, avec une barre de fer, les deux jambes, les
deux cuisses, les deux bras et les deux avant-bras. Un dernier coup fracassait
la poitrine. On détachait ensuite le patient; on lui rapprochait les bras et les
jambes, et on l’étendait sur une petite roue de carrosse élevée de terre au
moyen d’un bâton passé dans son moyeu. Le supplicié dont tous les membres
étaient rompus enroulait ainsi la roue dans sa circonférence, et restait
exposé jusqu’à sa mort qui n’arrivait pas aussitôt qu’on pourrait le penser.
Cartouche, après avoir été rompu, vécut encore sur la roue pendant vingtquatre heures.
C’est cet atrreuxsupplice que desjuges du parlement de Paris firent infliger
à un homme coupable de quoi ?... d’avoir tué dans un accès de colère bien
légitime celui qui lui ravissait sa femme. Si l’oncle de Bachaumont n’avait
fait que dépouiller l’aubergiste de son argent, comme un filou ordinaire,
le mari eût, peut-être, (nous disons peut-être!) été acquitté, mais le cha
noine ne lui volait que sa femme, que les juges estimaient infiniment moins,
sans doute.
Cet horrible et stupide jugement nous en rappelle un autre que raconte
l’avocat Barbier dans son journal :
En 1731, un riche israélite hollandais nommé Du Lis, ayant eu la preuve
^qu’une actrice de l’Opéra, mademoiselle Pélissier, qu’il entretenait avec le
plus grand luxe, avait des rapports particuliers avec Francœur, musicien et
surintendant de la musique du Roi, résolut de se venger de son rival. Il
chargea de sa vengeance un homme attaché à son service, appelé La France,
lequel s’adjoignit à cet effet deux soldats aux gardes. Tous trois, munis de
bâtons cachés sous leurs manteaux, attendirent un soir Francœur à la sortie
de l’Opéra ; mais celui-ci quitta la salle avec deux amis qui l’accompagnèrent
jusqu’à sa demeure, et le complot ne fut pas exécuté. Francœur n’en eut même
connaissance que par le procès que nous allons raconter.
Un écrivain public, qui avait eu connaissance du projet de La France, en
fit part à M. Hérault, lieutenant de police. La France et ses deux acolytes
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
9
II
Ce grand-oncle, en quittant sa place de boursier, l’avait fait tomber
au cadet de tous scs frères, jeune enfant qui pétillait d’esprit et d’en
vie de faire fortune. Celui-ci étudia avec beaucoup d’application et
devint, en peu de temps, le plus brillant écolier du college en grec
furent arrêtés et traduits au Châtelet. Les deux soldats réclamés par leurs
colonels restèrent en prison, et La France, après avoir été appliqué à la ques
tion, fut condamné à être pendu. Il appela de cette sentence à la Grand’chambre; mais, ajoute Barbier, « MM. de la Tournelle, plus amateurs apparem
ment de musique, ont trouvé la chose si grave, qu’ils ont condamné Dtf Lis et
La France à être rompus vifs, ce qui a été exécuté le 9 de ce mois (mai 1731),
en effigie pour Du Lis (il s’était sauvé en Hollande) et très-réellement pour
La France, qui pourtant, par grâce, a été étranglé. Il a joué de malheur et
souffert plus qu’un autre, parce que la corde du tourniquet a cassé. 11 a fallu
chercher une autre corde, qu’il était à moitié étranglé; mais ce hasard ne
vient point du fait des juges (sic). »
Si Francœur avait été frappé ou tué, qu’aurait-on fait de plus à La France?
Cette atrocité a un pendant dans le fait suivant qui avait eu lieu cinq ans
auparavant :
En 1726, Voltaire, qui avait déjà écrit la üenriade, Œdipe, etc., etc., qui
était par conséquent la plus grande illustration de la France à cette époque,
fut insulté grossièrement par un homme de la cour, le chevalier de Rohan ;
il répondit par la seule arme possible à qui n’était pas alors gentilhomme,
par des railleries piquantes. Le chevalier, irrité, fit bâtonner Voltaire par ses
gens, à la porte de l’hôtel de Sully où celui-ci avait dîné, et sans que le duc
de Sully s’en émût le moins du monde. Voltaire se plaignit vivement, on lui
rit au nez; il invoqua la justice, celle-ci ne bougea pas; il parla de se ven
ger, on le mit à la Bastille où il resta six mois. « Ce pauvre Voltaire, dit
l’avocat Barbier, n’avait que faire de ce ressouvenir (sic). »
Quelqu’un qui ne s’est pas nommé, bien entendu, en rapprochant les deux
faits que nous venons de citer, écrivit les vers suivants qui circulèrent dans
Paris :
Admirez combien l’on estime
Le coup d’archet plus que la rime;
Que Voltaire soit assommé,
Thémis s’en tait, la cour s’en joue !
Que Francœur ne soit qu’alarmé,
Le seul complot mène à la roue.
Les mémoires privés du temps sont remplis de faits aussi monstrueux, et,
chose triste à dire! ils sont rapportés simplement, naïvement, comme des
faits naturels, tant le sens moral, les sentiments humains, les plus simples
notions du bien et du mal, du juste et de l’injuste, étaient atrophiés dans cet
ancien régime que la Révolution française a détruit. (Voie de l’Éditeur.)
�<0
LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
et en latin. Ses études finies et ne sachant quel parti prendre pour
subsister, le peu de fortune de ses frères ne lui donnant pas beaucoup
de goût pour la profession des armes et ne s’en sentant point pour
l’état ecclésiastique, je ne sais par quel hasard l’idée lui vint de se
faire médecin. Quand il fut. question de se faire recevoir docteur en
médecine à la Faculté de Paris, qualité nécessaire pour pouvoir y
exercer cette profession, comme il faut pour cela de l’argent et qu’il
n’en avait point, il chercha à se marier afin que le bien que sa femme
lui apporterait en mariage lui servit à obtenir ce grade, nécessaire
pour en gagner. Comme il était de figure agréable, beau parleur et
fort insinuant, il trouva ce qu’il cherchait dans la fille d’un bon bour
geois de Paris assez aisé, qui crut sa fille fort honorée de devenir la
femme d’un jeune docteur en médecine, sans bien, mais avec beau
coup d’envie d’en gagner et beaucoup de talent pour cela. Elle était
fort belle; elle le fit père d’un fils et mourut. C’est ce fils qui fut mon
père, dont il me reste à vous parler avant d’en venir à moi, qui serai,
s’il vous plaît, le principal personnage de cette très-petite histoire
dans laquelle vous ne trouverez pas des faits ni des aventures bien
importantes ni bien relevées, mais, en récompense, beaucoup de
vérités et de sincérité, ce que l’on ne trouve pas toujours dans d autres
histoires d’une bien plus grande importance.
III
Ce fils donc, mon père, fut ce qu’on appelle un fils unique, un
enfant de Paris, c’est-à-dire un véritable enfant gâté, et je crains bien
d’avoir eu, en cela, quelque ressemblance avec lui. Son père le mit
au collège, d’où il ne rapporta que beaucoup d’aversion pour l’étude
et une très-violente inclination pour le jeu, qualités qu’il a toujours
conservées et cultivées avec soin, pendant toute sa vie, au préjudice
de sa fortune. C’était, à ce que j’ai ouï dire, car je ne l’ai jamais vu
(il mourut d’une hydropisie de poitrine, un an après ma naissance),
c’était, dis-je, un fort grand homme, fort bien fait, né pour avoir un
visage fort agréable, mais qui fut un peu gâté par la petite vérole qui
même lui rendit la vue très-faible, qualité que j’ai héritée de lui.
Pendant qu’il passait son temps à se rendre incapable de tout, a quoi
il réussit fort bien, son père ne songeait qu’à devenir riche, en quoi il
aurait assez réussi plus tôt, étant devenu un habile médecin, fort em
ployé et fort à la mode, si son fils ne s’était pas employé à le Voler
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
il
pour jouer et faire la débauche avec plusieurs fripons de cousins ger
mains, fort gueux et fort libertins, à qui le bon médecin avait donné
asile chez lui. Entre autres moyens dont mon père s’avisa pour volei
le sien, il en imagina un fort simple que voici : Il s’aperçut que le
bon homme rentrait fort souvent chez lui pendant le cours de la jour
née et montait prestement à un cabinet dans lequel il ne faisait qu’en
trer et sortir, après l’avoir fermé bien exactement. Son héritier l’ob
serva un jour et vit, par le trou de la serrure, que son père ne faisait
autre chose que vider ses poches pleines d’écus qu’il venait de gagner
dans ses visites et les mettre brusquement sur une table, sans prendre
le temps de les compter, et sortir au plus vite pour courir à pied en
gagner d’autres. Les médecins de ce temps-là n’avaient pas tous des
carrosses et n’étaient pas encore des espèces de petits-maîtres habillés
de velours.
Enchanté de cette découverte, mon père fit faire une fausse clef et
entra dans le cabinet. Quel Pérou ! quelle terre de promission pour
un joueur ! Il jouissait paisiblement de sa nouvelle découverte et goû
tait de plus en plus le plaisir de satisfaire ses goûts, lorsqu’il fut
troublé dans son bonheur par un de ces fripons de cousins dont je
viens de parler. Celui-là, ne sachant de quelle mine son cousin
tirait l’or qu’il lui voyait répandre, avec beaucoup d’envie, se méfia
de quelque chose, l’épia, le suivit sur la route du bienheureux cabinet
et le surprit y entrant avec sa fausse clef. 11 lui déclara qu’il allait le
dire à son père ; mais, par l’heureuse convention qu’ils firent en
semble de partager, ils s’accordèrent et se gardèrent le secret en gens
d’honneur. Avant la liaison formée avec cet associé, mon père, crai
gnant que le sien ne s’aperçût de ses excursions, se conduisait modes
tement dans ses prises ; mais ce nouvel associé étant avide et altéré,
et n’étant pas aussi prudemment conduit, le maître du cabinet s’a
perçut à la fin qu’il avait beau revenir souvent mettre de l’argent sur
sa table, le tas n’en grossissait pas, à ses yeux, à proportion. N’ayant
que peu de domestiques et affidés, voyant d’ailleurs son fils plus paré
qu’il ne convenait au fils d’un médecin, sachant bien que la dépense
qu’il faisait ne venait pas de ce qu’il lui donnait, car il savait à mer
veille qu’il ne lui donnait rien, il l’observa et surprit ces deux cor
saires piratant dans le cabinet. Ils furent grondés.comme vous pouvez
juger que peut le faire un père qui s’aperçoit que son vaurien de fils
lui vole, pour perdre au jeu, un argent qu’il a bien de la peine à
gagner. Enfin, les serrures furent changées, le fils misa Saint-Lazare,
�12
LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
le cousin envoyé au Canada. Mais ce qui est singulier et matière à
bien des réflexions, c’est que ce jeune homme, dont les commence
ments ne promettaient pas beaucoup, comme vous voyez, du côté de
la probité, changea tout d’un coup et devint honnête homme, comme
si le changement de climat en eût apporté à son naturel. Arrivé au
Canada, il passa par tous les grades militaires, se distingua beaucoup
à la guerre contre les sauvages, mérita d’être avancé et a fini par être
chevalier de Saint-Louis et lieutenant du roi de Québec, capitale de ce
nouveau royaume. Il était d’une jolie figure et fort vif; il plut à une
jeune demoiselle, belle et bien faite, fille d’un gentilhomme d’une
fort bonne noblesse de Normandie, qui avait passé en Canada plu
sieurs années auparavant et y avait amassé du bien. Le jeune Fran
çais enleva la demoiselle que ses parents ne lui voulaient pas donner
à cause de son peu de fortune, et, par là, se mit en risque d’être
pendu, ce qui n’arriva cependant pas. Les premiers moments de
colère des parents étant passés et la fille s’étant trouvée grosse, ils
aimèrent mieux la donner à un jeune homme qui promettait que de
la garder déshonorée. De ce mariage sont venus plusieurs enfants
dont quelques-uns sont dans les troupes et dans la marine du Canada
et que je ne connais point.
IV
Pendant que le Canadien devenait honnête homme, mon père, sorti
de Saint-Lazare, devenait gros joueur, ce qui le mit dans le monde.
A tout prendre, suivant ce que j’en ai ouï dire, ce n’était pas ce qu’on
appelle un homme d’esprit, mais c’était un très-bon homme, fort
doux, généreux, beau joueur, d’une humeur agréable, porté à la
■ joie, ayant une très-jolie voix et chantant bien, aimant beaucoup la
société, la bonne chère, le vin et les femmes, passant tout le temps
qu’il ne trouvait pas d’assez gros joueurs à la comédie, à l’Opéra et au
cabaret, où les honnêtes gens allaient dans ce temps-là. Les soupers
qu’on y faisait étaient, je crois, aussi amusants, pour le moins, que
ceux que l’on trouve aujourd’hui dans ce qu’on appelle communément
de bonnes maisons, où l’on ne voit très-souvent que de sots maris,
grossiers et ennuyeux, de sottes pécores de femmes, caillettes ou pré
cieuses, où l’on ne parle que de babioles ou de quadrilles et où l’on
perd son temps sans joie et sans esprit. A ces soupers de cabaret se
trouvaient souvent des joueurs et des fripons; mais souvent il s’y joi
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
13
gnait d’honnêtes libertins et de ce qu’on appelait dans ce temps-là
d’agréables débauchés, qui avaient de l’esprit et de la gaieté, que le
bon vin et la liberté de la table ne diminuaient pas. Au sortir du
spectacle où l’on s’était trouvé, on admettait à ces parties des comé
diens, des chanteurs, des musiciens et autres gens d’art auxquels on
connaissait de l’esprit ; et, dans ce temps-là, il y en avait de cette
espèce, parce qu’ils menaient cette vie avec d’honnêtes gens, ce qui
les formait au ton de la bonne compagnie, au lieu qu’aujourd’hui ils
ne vivent la plupart qu’entre eux et quelques misérables poëtes qui
les gâtent à force de les louer sur leurs talents médiocres, et cela pour
les engager à jouer leurs misérables pièces, ce qui fait que la plupart
sont fort sots et de fort mauvaise compagnie.
A ces soupers se faisaient encore ces jolis couplets de chansons et
ces jolis vers, enfants de la joie et de la liberté, que la gaieté, leur
compagne, l’amour et le vin produisaient. Tout y était élégant, badin,
simple et naïf; les personnes qui les produisaient n’étaient point
poëtes de profession, prétendus beaux esprits, métier qui entraîne
souvent avec lui le ton pédant et la triste exactitude, y croyant mettre
l’ordre et la pureté ; malheureux puristes pour eux-mêmes, qui ne
trouvent rien de bien parce que, faute d’esprit, ils appellent bien ce
qui ne l’est pas; ennuyeux à la mort pour les autres, parce que
l’esprit, pour être réjoui et désennuyé, veut être relâché et non pas
toujours tendu, si l’on peut ainsi dire. Pardon de mon écart, mais
je n’ai pu refuser ce soulagement à mon esprit souvent fatigué, et
qui l’est peut-être en ce moment, par cette triste et maigre exac
titude. C’est le moins que je puisse faire pour l’ennui qu’elle m’a
souvent causé, et je vous assure que nous ne sommes pas quittes.
V
Je reviens à mon sujet, c’est-à-dire à l’agréable vie que mon père
menait pendant ses premières années, et je vous avoue que j’y reviens
avec complaisance. Cet heureux temps n’était peut-être pas si fécond
en grands hommes que le temps qui l’avait précédé et qui avait pro
duit les Corneille, les Lafontaine, les Molière et tant d’autres. Mais
il en voyait fleurir qui, moins illustres dans le grand et dans le
sublime, étaient peut-être aussi agréables dans le genre aisé et volup
tueux. Tels étaient les Joly, les Lafond, les Regnard et les Vergier,
auteurs de ces jolies chansons et de ces heureuses parodies qui ne
�14
LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
mourront jamais. C’était avec ces aimables hommes que mon père
passait sa vie, et hors quelques lessives au jeu qui l’affligeaient quel
quefois, ses amusements valaient bien les nôtres. 11 ne mettait peutêtre pas dans cette société autant d'esprit que les autres, mais il y
mettait beaucoup de douceur et de gaîté, et, de plus, payait le souper.
Ce fut peut-être pour le consoler de quelque revers de fortune que
fut faite dans le temps cette jolie chanson, simple et naïve, qui m’a
toujours beaucoup plu, et que je veux vous dire pour que votre goût
assure le mien ; la voici :
Si tu veux, sans suite et sans bruit,
Noyer tous tes chagrins et boire à ta maîtresse,
Viens avec moi. Je connais un réduit
Inaccessible à la tristesse ;
Là, ncus serons servis
De la main d’une hôtesse
Plus belle que l’astre qui luit,
Et, mêlant au bon vin quelque peu de tendresse,
Contents du jour, nous attendrons la nuit.
Cet aimable réduit désigné dans la chanson était, dans ce temps-là,
le fameux cabaret de la Cornemuse, dont le maître s’appelait Chevet,
bon homme et fort poli, à qui ses hôtes faisaient quelquefois l’hon
neur de l’admettre à leur table, ainsi que l’hôtesse, sa femme, belle
comme le jour et sage, à ce que j’ai ouï dire.
Hélas ! dans mes premières années, je voulus, par curiosité, voir
les lieux habités autrefois par de si aimables convives. Je n’y menai
pas si bonne compagnie, elle est trop difficile à rencontrer. Je ne
trouvai plus à la Cornemuse qu’un vieil hôte presque hébété et de
médiocre vin. Cherchant à égayer et à consoler mon imagination
attristée, je crus, en buvant beaucoup à la santé de ces illustres
morts, toucher leurs âmes de quelque reconnaissance et évoquer leurs
mânes bienfaisants, mais, hélas ! je ne fis que m’enivrer, et ils ne
parurent point.
VI
Je reviens à mon père. Tandis qu’il ne songeait qu’à se réjouir, le
sien pensait à tirer un parti honorable de ce que son habileté et sa
réputation lui faisaient gagner sur le pavé de Paris. Il acheta une
charge de médecin ordinaire du roi et vint faire son quartier à la
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
15
cour. Il y plut beaucoup par son esprit agréable et insinuant; il
s’attira la bienveillance de toutes les vieilles coquettes de ce pays-là,
en leur disant des douceurs emmiellées qu’elles ne méritaient plus,
et il s’acquit la protection de tous les courtisans en leur donnant des
louanges outrées qu’ils n’avaient jamais méritées. En s’avançant, il
voulut songer à faire quelque chose de son fils et, pour cela, lui
acheter une charge. Son ambition, comme celle de plusieurs de ses
confrères qui ont trouvé des fils plus dociles, était de le faire conseiller
au parlement. Mais il avait à surmonter, pour cela, l’incapacité de
mon père pour un emploi de cette nature qu’il faut faire avec distinc
tion ou être méprisé, et surtout l’habitude que son fils avait prise de
mener une vie oisive et uniquement occupée de jeu et déplaisirs. Les
exhortations du père furent souvent réitérées et toujours infructueuses,
jusqu’à un jour où il trouva des circonstances plus favorables pour
être écouté. Mon père avait beaucoup perdu sur parole et, se trou
vant sans ressources, mon grand-père lui promit de payer ses dettes et
de lui donner de quoi en faire de nouvelles s’il voulait prendre une
charge. A ces flatteuses conditions le fils promit d’obéir. On ne devi
nerait jamais sur quelle charge il jeta les yeux, ni les motifs qui la lui
firent accepter et les raisons qu’il eut de la prendre. Parmi ces joueurs
libertins avec lesquels il se rendait incapable d’en bien exercer
aucune, il s’en trouvait un que son père, bon bourgeois de Paris,
voulait, faute de mieux, revêtir d’une charge d’auditeur des comptes.
Le fils devait beaucoup à mon père : dettes de jeu, bien entendu, car il
n’en connut jamais d’autres et activement et passivement, hors celles
des usuriers; mais comme elles étaient contractées scrupuleusement
pour jouer et non pour autre chose, je les comprends dans la même
case. L’auditeur imagina de s’acquitter avec mon père en lui pro
posant de prendre sa charge en payement et de jouer le surplus du
montant de la dette sur une carte. Cette proposition ne fut reçue
d’abord que comme une plaisanterie, mais la dernière circonstance
du marché, si fort dans le goût de celui à qui on la proposait, lui fit
faire plus d’attention à la chose. Mon père s’informa légèrement du
prix de la charge, les gros joueurs ne sont pas vétilleux, mais une
chose sur laquelle il fit les plus exactes perquisitions fut sur scs fonc
tions. Le propriétaire l’assura avec serment qu’il n’y en avait aucune.
Cette assurance détermina mon père, et il fit vatout. 11 gagna, et,
par un coup de la fortune que j’ai toujours regardé comme fort
peu heureux pour lui et pour moi, j’eus le chétif honneur ou, si
�16
LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
vous l’aimez mieux, le malheur peu considérable d’être fils d’un
auditeur.
VII
Plus aise d’avoir gagné un beau vatout que d’être officier de la cour
des comptes, mon père fut tout courant trouver le sien pour lui faire
part de la résolution où il était enfin de lui obéir. Le bonhomme fut
charmé du changement de son fils et crut que le ciel l’avait accordé
à ses prières. On lui cacha les circonstances du marché, on lui dit le
prix de la charge moins considérable qu’il n’était, et vous allez voir
pourquoi. Quoique la charge fût à mon père, puisqu’il l’avait gagnée,
on fit payer au bonhomme le prix que l’on imagina, et, de conven
tion secrète, entre les illustres contractants, la somme fut employée à
jouer, à se divertir et à payer certaines dettes usuraires que l’on n’osa
pas déclarer au papa. On crut faire tour d’homme habile en le trom
pant, sans songer que c’était se tromper soi-même ; on se crut géné
reux et économe d’avoir déclaré le prix de l’acquisition moindre qu’il
n’était ; sa modicité le fit goûter à un homme d’une humeur un peu
ménagère et qui connaissait mieux les différentes natures des fièvres
que les différents grades de la magistrature. D’ailleurs, ses amis, qu’il
consulta, lui dirent que si son fils s’appliquait et prenait goût au
métier, il pourrait devenir Maître, place assez honorable dans ce
temps-là. Mais il n’en arriva pas ainsi, comme vous allez voir. Mon
père fut reçu à la chambre, et j’ai toujours ouï dire qu’il n’eut pas à
se reprocher, dans le cours de sa vie, d’y être retourné, ce dont il
s’applaudissait beaucoup, moins cependant que de la façon singu
lière dont il y était parvenu ainsi que de l’ingénieuse fourberie qu’il
avait imaginée à cette occasion pour tromper son père et lui tirer de
l’argent. Cette heureuse manœuvre le consola, disait-il, d’avoir
endossé une robe noire le jour qu’il fut reçu et qui fut le seul. Il ne
pouvait se lasser de raconter à ses amis ce principal événement de sa
vie avec les rires les plus immodérés; mais je craindrais de vous en
causer de moins étendus si j’étendais davantage ce récit.
VIII
Tandis que mon père ne remplissait aucune fonction de sa place,
la fortune en présenta une plus honorable à mon grand-père, comme
si elle eût voulu le consoler de la modicité de celle de son fils et qje
�LA JEUNESSE DE BACIIAUMONT.
17
procurer une origine un peu plus élevée. La place de premier méde
cin de monseigneur le Dauphin, fils unique de Louis XIV , vint à
vaquer. Comme cette place était d’un revenu considérable et que
d’ailleurs elle présentait l’expectative de celle de premier médecin du
roi, quoique cette expectative parût fort éloignée, l’ambition insatiable
et inséparable de l’esprit humain en rapprochait les idées flatteuses à
l’imagination des concurrents. Aussi, vous pouvez imaginer avec
quelle vivacité elle fut briguée par tous les médecins de la cour et de
la ville en quelque réputation. Les amis que mon père s’y était faits
de la manière que je l’ai dit, et aussi son mérite, firent tomber le choix
de la cour sur lui, à la grande jalousie de ses confrères, dont l’un
d eux en avait déjà donné des témoignages, dans une lettre écrite à un
de ses amis et imprimée depuis. Je veux parler du célèbre Guy Patin,
dont l’esprit brûlé, caustique et satirique au dernier point, explique
le portrait peu avantageux qu’il fait de mon grand-père. Voici comme
il en parle dans cette lettre, au sujet de la place de premier médecin
du roi, vacante dans ce temps-là, à laquelle l’habileté de mon grandpère lui donnait déjà l’assurance de prétendre.
« Celui qui la voudrait bien avoir est un certain Guillaume B....,
âgé de cinquante-quatre ans, normand, savant, doucet, fin, rusé, et
qui n'a qu un fils qui le fait enrager. C’est un tartufe parfait, à qui
tout est bon, pourvu qu’il gagne ; mélancolique, brûlé, qui ne parle
que de vierge Marie et de conscience, et qui, par toutes voies , ne
cherche que de la pratique et de l’argent. » Mon père disait assez
plaisamment, au sujet de cette lettre, qu’il y avait une faute d’impres
sion bien considérable et qu’il fallait lire : qui n’a qu’un fils qu'il
fait enrager, et non pas qui le fait enrager. Comme l’un et l’autre
étaient aussi vrais, je crois qu’on peut adopter l’une et l’autre version.
IX
Mon père vint à la cour. On y tenait appartement, on y jouait fort
et les gros joueurs y étaient bien venus. Mon père y fut admis, et une
des premières fois qu’il y joua, il eut la témérité de faire un si gros
vatout à M. de Vendôme que celui-ci, piqué, se leva, dit qu’il ne
jouait pas si gros jeu et quitta la table. On parla de cette aventure, et
mon grand-père étant le lendemain à la toilette de la reine, entendit
qu’elle en parlait; il saisit le moment et pria celle-ci de trouver bon
qu’il eût l’honneur de lui présenter son fils, et quelle voulût bien lui
Tome III. — 9' Livraison.
2
�48
LA JEUNESSE DE BACIIAUMONT.
faire le plaisir de le réprimander, que cela seul pourrait le corriger,
ajoutant que ce serait une action digne d’elle, puisque la conduite de
son fils le faisait mourir de chagrin. La reine, qui aimait à faire de
bonnes actions et à rendre service, le lui promit. Mon père fut pré
senté et grondé par cette bonne princesse. Elle lui dit qu’il devait
mourir de honte de donner de pareils chagrins à un si bon père ; le
mien, peu accoutumé à être grondé et surtout par des personnes
d’aussi haut rang, se retira fort confus et ne parut plus à la cour. Use
contenta de jouir en ville de la réputation de gros joueur qui fut fort
augmentée par ce qui lui était arrivé à la cour, et de satisfaire sa pas
sion à Paris où il trouvait d’autres joueurs de sa condition.
Cette petite aventure m’en rappelle une autre qui lui ressem
ble en quelques circonstances et qui arriva à peu près dans le même
temps; elle se passa au jeu , entre M. le prince de Conti et Baron.
Ce comédien, à qui ses talents, sa figure et ses bonnes fortunes four
nissaient de quoi jouer, faisait l’insolent et l’important. Il jouait
fort, et, comme le jeu égalise en' quelque sorte toutes les con
ditions pendant qu’il dure4 il prenait avec tous des airs familiers.
Quand le cornet lui vint à son tour, il dit, en remuant les dés, d’un
air fort cavalier : «Masse au prince de Conti.« Le prince répondit :
«Tope à Britannicus. « Ce qui fait le plaisant du mot, c’est que Baron
venait de représenter ce rôle à la cour, et, qu’ayant pris avec le prince
des airs d’héritier de l’empire, celui-ci lui répondit comme au fils de
l’empereur. Ainsi les rangs devinrent égaux , les manières conve
nables, et l’étendue du ridicule de Baron fut mise dans tout son jour.
On ne finirait pas si l’on voulait rapporter tous les bons mots de
cet aimable prince. Je ne puis cependant m’empêcher, pendant que
je vous parle de lui, de vous en rapporter un que vous savez peutêtre déjà, et qui m’a paru fort joli. Le roi voulant donner un bal à la
jeune princesse de Savoie, destinée à être la femme de M. le duc de
Bourgogne, déclara que les fenimçs de la cour y seraient seules
admises avec des billets, et que celles de Paris n’y seraient pas
reçues, parce qu’il ne voulait à ce bal, disait-on, que d’honnêtes
femmes. « Sur ce pied-là, dit M. le prince de Conti, il pourra donner
son bal sur un guéridon. »
X
Mon père resta à Paris, à n’entendre dans ses comptes que ceux de
la bassette et du lansquenet. Mon grand-père alla demeurer à la
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
19
cour, et, à quelque temps de là, suivit Monseigneur dans scs cam
pagnes. Ce fut, je crois, pendant une de ces marches forcées, si
célèbres dans ce temps-là, qu il lui arriva la petite aventure que je
vais vous raconter, toute petite quelle est. Mais qu’ai-je autre chose
à vous présenter et à quoi d’important vous attendez-vous dans le
récit de l’histoire d’un particulier aussi peu considérable et aussi '■
isolé que je le suis? Les petits riens deviennent intéressants aux gens
d’esprit et de cœur sensible et délicat quand ils viennent de la part
de ceux qu’ils aiment et de qui rien ne leur est indifférent. J’aime à
agir sur ce pied-là avec vous parce qu’il me flatte. Par humanité,
ne me détrompez pas et écoutez avec indulgence les petits événe
ments que je vais continuer à vous raconter.
J’arrive à cette petite aventure. Mon grand-père avait un neveu
enseigne aux gardes, M. de l’Estang, jeune homme d’une fort jolie
figure, ayant du monde, de la politesse et aimant la bonne compa
gnie. Dans une de ces marches de l’armée dont je viens de parler, ce
neveu, mourant de soif et de fatigue, aperçut le carrosse de son oncle
à quelques pas de la compagnie avec laquelle il marchait. Il y court,
dans l’espérance d’y trouver quelque rafraîchissement dans les can
tines. Quelle joie il a, en mettant la tête à la portière, de voir le fond
de son carrosse plein de gros carafons : « Ah! mon oncle, s’écrie le
jeune homme, sauvez-moi la vie ! faites-moi donner quelques-unes
des bouteilles que je vois là? — Très-volontiers, mon cher neveu,
lui répond son oncle d’un ton humain et compatissant; c’est de trèsbonne eau que je viens de faire prendre à l’endroit où nous avons
couché. » A ce mot d’eau, le jeune homme, qui espérait de bon vin
de Bourgogne, bien velouté, pensa tomber en faiblesse, la voix lui
manqua et il laissa passer le carrosse de son oncle, forcé de marcher
pour ne pas embarrasser le chemin. Pour, se venger, mon cousin, à
la couchée prochaine, lui emprunta de l’argent et un très-bon cheval
qu’il ne lui rendit point. Je l’ai ouï conter, depuis, plusieurs fois, ce
petit événement, avec beaucoup de naïveté et de gentillesse. Il est
mort depuis vieux, goutteux et sans bien, ayant fait du sien, qui
était assez honnête, à peu près le même usage que mon père. Il était
parvenu à être lieutenant de grenadiers dans son régiment et cheva
lier de Saint-Louis. Il quitta le service pour vendre sa charge, afin
de payer une partie de ses créanciers.
�20
LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
XI
Je viens à un événement un peu plus considérable, surtout pour
moi, puisqu’il en amena un autre qui me fut de la plus grande
importance, comme vous le verrez par la suite. Mais comme il a rap
port à des personnes avec qui j’ai passé les premières années de
ma vie, et dont les caractères ont peut-être influé sur le mien, il
est à propos de prendre les choses d’un peu loin pour vous les faire
connaître, afin que vous m’en connaissiez mieux. C’est le seul but
de ce griffonnage.
Les campagnes de Monseigneur étant finies, mon grand-père, de
retour à la cour, se trouva dans un grand loisir qui lui donna le
temps de réfléchir qu’il avait laissé cinquante mille écus chez son
notaire sans en tirer aucun parti (ce que ledit notaire n’avait pas
négligé de faire à son avantage personnel, ainsi que ces messieurs en
usent ordinairement). 11 imagina de l’employer utilement dans l’ac
quisition de quelque bonne terre. Les personnes auxquelles il
s’adressa pour aider son incapacité dans ces sortes d’affaires ont eu
trop de part au cours de ma vie pour que je ne vous en entretienne
pas, et d’ailleurs elles le méritent assez à bien des égards.
Parmi les nombreuses connaissances que mon grand-père avait
faites à la cour, il s’était lié d’amitié avec un vieux gentilhomme, atta
ché de tout temps aux princes de la maison de Condé, et spécialement,
en ce temps-là, à la duchesse de Longueville, sœur du grand Condé,
si célèbre pendant la minorité de Louis XIV, si célébrée par le car
dinal de Retz et par tous les écrivains de ce temps-là, adorée de tous
les hommes et jalousée de toutes les femmes de la cour; princesse en
qui la beauté, l’esprit, les grâces et les agréments se disputaient éga
lement, sans qu’on sût laquelle de ses qualités l’emportait en elle. Ce
gentilhomme lui servait d’écuyer, et sa femme faisait auprès d’elle
les fonctions de dame d’honneur. Madame de Longueville avait le
droit d’en avoir une, étant princesse du sang. On sait assez que la
maison de Longueville avait en France les honneurs des princes du
sang, honneur qu’elle avait mérité par les grands services que rendit
à Charles VII le brave Dunois, dont elle tirait son origine, et qui
lui attira ces titres. Quoiqu’il ne fût que bâtard d’un duc d’OrKhns, il mérita l’honneur de succéder à la couronne qu’il avait
empêchée de passer aux Anglais (au cas que Je sang Bourbon vînt à
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
21
manquer), prérogative que nous avons vue accordée de nos jours aux
ibâtards de Louis XIV, qui ne l’ont pas à si juste titre.
XII
Je parlerai plus au long de ce vieux gentilhomme et de sa femme
dans la suite de ce récit. A présent, il me suffit de vous dire qu’ils
avaient acheté, de leurs épargnes et des libéralités des princes de
Condé, une assez jolie terre dans le Vexin. Mon grand-père qui les
connaissait, comme je viens de vous le dire, les pria de lui en cher
cher une dans leur canton, tant à cause de leur voisinage que de la
proximité de Paris et de la cour. Ils lui trouvèrent celle qu’il lui
fallait, et il l’acheta sans la voir et sans y aller que longtemps
après. Cette terre avait appartenu à MM. Rochard de Champigny, et elle fut vendue par leurs créanciers. L’habitation en est
extrêmement jolie et la situation fort agréable. Figurez-vous un joli
petit château, bâti par M. de Villeroy, en belles pierres de taille,
couvert d’ardoise, et qui, tout en n’ayant que cinq croisées de
face et deux d épaisseur, ne laisse pas de plaire par sa jolie propor
tion et son élégante construction. Ce château est entouré d’une ter
rasse flanquée aux angles de quatre petits pavillons couverts aussi en
ardoise, qui contiennent de jolies chambres, et dans l’un desquels
est une jolie chapelle très dorée, avec un plafond peint par une assez
bonne main. Cette première terrasse est environnée d’un fossé revêtu,
dont les murs sont à hauteur d’appui, couverts de banquettes de
pierre de taille. Les fossés sont d’une largeur proportionnée à leur
profondeur, et forment une agréable promenade autour du château.
On y trouve toujours de l’ombre à mesure que le soleil tourne ; ils
sont ornés d’ifs taillés en pyramides; les murs sont tapissés d’un
beau treillage peint en vert et garnis d’arbres fruitiers en palissades;
ces fossés sont entourés d’une seconde terrasse, de laquelle on jouit
de points de vue différents et tous très-agréables. D’un côté on voit la
maison, dont l’aspect est tout riant ; en se retournant on voit la cour,
qui est magnifique par son étendue et par deux grands quinconces
de beaux tilleuls qui la terminent. A droite et à gauche, les bâtiments
de la basse-cour, qui contiennent les écuries, remises, logements de
jardiniers et autres, ne présentent rien que d’agréable aux yeux,
étant tous d’une symétrie régulière et bien proportionnée. A droite
et à gauche de la maison, la vue passe par-dessus deux grands ter-
�22
LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
très de gazon copiés sur ceux du bassin de Latone, à Versailles, et elle
y est arrêtée agréablement par deux espaces de même grandeur, dont
l’un, qui est à droite en arrivant au château, contient un grand pota
ger planté régulièrement ; les allées en sont bordées d’arbres nains
en palissades et renferment des carrés de légumes qui, par leur régu
larité et leur variété, ne déplaisent point aux yeux. Les murs en sont
garnis de treillages verts et d’arbres fruitiers comme ceux des fossés
du château. Le côté gauche était plus élégant, puisqu’il renfermait à
un bout un beau bosquet formé par des charmilles et des ormes, et à
l’autre bout un beau cloître de tilleuls. Cet endroit, un des plus
agréables de la maison, a été négligé et presque détruit par celui qui
en est aujourd’hui propriétaire, plus curieux de lois et d’arrêts que
de beaux jardins ‘. Derrière le château on trouve un grand parterre
de gazon bordé à droite et à gauche par deux grands quinconces de
tilleuls pareils à ceux de la cour dont j’ai parlé. Après avoir traversé
ce parterre, on entre par une patte d’oie dans une jolie futaie qui
renferme plusieurs belles allées en étoiles, et entre autres un bosquet
d’un si bon goût qu’il mérite que je vous en fasse la description. Une
allée de la futaie vous conduit à une grande salle, de forme presque
carrée, environnée de treillages peints en vert et palissadés d’ifs qui
forment des enfoncements de différentes proportions, renfermant des
bancs de menuiserie avec des dossiers peints en vert. A un des bouts
de cette salle on trouve un escalier de gazon qui monte à une autre
salle octogone formée aussi par des treillages. Dans un des côtés de
cette salle octogone qui fait face à celui par lequel on entre, on voit
la façade d’un petit berceau en tonnelle avec un campanile qui en
termine le dôme. Cette façade représente parfaitement bien un petit
temple antique dont le frontispice est décoré de colonnes, de pilastres
et d’un grand fronton dans lequel on a mis, depuis, une inscription
dont je parlerai dans la suite. On entre sous ce berceau par une
grande arcade cintrée qui fait la porte de ce petit temple, et l’on
trouve au fond un grand banc dans un enfoncement. C’est là que
l’on peut goûter la fraîcheur la plus agréable pendant la plus grande
ardeur du soleil (ce bosquet étant environné d’arbres extrêmement
hauts et touffus), et qu’on peut être réjoui par le chant continuel des
oiseaux qui paraissent se plaire dans ce joli réduit. Sa situation char
mante, les différents usages auxquels on peut l’employer, et les dif1. M. Gilbert de Vovsin, avocat général au parlement de Paris (B.).
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
23
férentes occupations qui m’y ont retenu autrefois avec beaucoup de
plaisir, m’avaient engagé à y faire mettre l’inscription dont j’ai
parlé ; elle ne contenait que ces trois mots : Otio, musis, et amoribus.
Les agréables moments que j’ai passés dans cette jolie demeure, dans
un âge où tout est riant, et dont je vous entretiendrai par la suite,
m’en ont laissé un souvenir toujours agréable qui m’a porté insensi
blement à vous en faire une description peut-être un peu trop détail
lée, et que vous me pardonnerez en faveur des motifs. Il me semblait,
en vous parlant, me promener encore dans ce joli bois où mon ima
gination, jeune et galante en ce temps-là, ne croyait voir toujours
que des fleurs et des hamadryades favorables, et dans lequel cepen
dant je n’ai pas toujours trouvé de si aimables compagnes, comme
vous le verrez dans la suite de mon récit.
Ne croyez pas que cette habitation fût aussi ornée que je vous
la dépeins quand mon grand-père l’acheta. Une terre qui a été long
temps en décret n’est pas aussi bien tenue ; mais il y dépensa beau
coup depuis. Par des circonstances dont je vous instruirai, je n’y
dépensai pas moins par la suite, et j’ose dire que de certaines élé
gances qu’on y a vues depuis venaient de moi.
XIII
Quand mon grand-père eut fait cette acquisition, mon père y allait
souvent s’amuser avec ses amis. Il fut voir les voisins; il en trouva
peu d’aimables, ce qui ne lui arriva cependant pas dans la maison du
gentilhomme qui avait procuré à son père cette aimable acquisition.
Cette maison était composée de plusieurs personnes dont il est impor
tant que je vous fasse le portrait. Premièrement du maître1, qui sera,
je vous l’avoue, un de mes personnages favoris, et auquel je revien
drai souvent par goût et par reconnaissance. C’était, pour la figure, la
vraie image du héros de Cervantes ; même taille, même maigreur,
même sécheresse, hors le visage et la physionomie, qu’il avait extrê
mement agréables, même dans l’âge où je l’ai vu, qui était son
extrême vieillesse. Pour l’âme, c’était la droiture, la candeur, la
simplicité, la naïveté du premier âge; enfin, ce qu’on aurait pu appe
ler un preux et loyal chevalier, un homme de l’ancienne roche; des
mœurs antiques pour la probité et la vérité, et toute la politesse et la
1. M. de Billv.
�24
LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
galanterie de l’ancienne cour, où cet esprit avait régné de son temps
et où il avait passé sa vie, temps bien différent de celui qui l’a suivi,
où l’on ne voit dans la plupart des femmes que du frivole, de la co
quetterie, peut-être plus, et dans les hommes qu’un vil intérêt sans
valeur et sans la noble ambition de paraître par des qualités esti
mables et propres aux grands emplois.
La femme de cet aimable et respectable vieillard enchérissait
encore sur lui de politesse et d’agréments dans le maintien et dans
la conversation, mais elle en différait beaucoup dans l’intérieur et s’é
tait si fort accoutumée, à la cour, aux airs gracieux, insinuants et ca
ressants à l’extérieur, que je crois que la sincérité du dedans en avait
beaucoup souflert. Ce n’était pas absolument fausseté et dupli
cité mais il n’était pas impossible de démêler, à travers les dis
cours dorés et emmiellés, que la bouche n’était pas toujours un
interprète sincère des sentiments du cœur. Sans être belle, elle avait
eu de l’agrément, de fort beaux yeux, un teint de brune claire, de
beaux bras et encore de plus belles mains. Je ne l’ai vue que fort
vieille et presque aveugle, mais fort sensible encore aux louanges
qu’on ne négligeait pas, pour lui faire plaisir, de donner à ses maius,
qu’elle tenait toujours gantées avec beaucoup de complaisance pour
les conserver. Leur famille était composée de trois tilles et d'un fils.
Ce fils était page du roi et se distingua, comme je le dirai en son
lieu. L’aînée des filles avait été élevée à Port-Royal, le berceau du
jansénisme ; elle y avait reçu une excellente éducation à laquelle elle
avait apporté d’excellentes dispositions du côté de l’esprit. Elle y
apprit, entre autres choses, le latin qu’elle entendait parfaitement
bien; elle était petite, le visage assez agréable, quoique fort brun, les
mains et, à peu de chose près, l’esprit et le caractère de sa mère. Se
voyant fille de condition dans une famille nombreuse et peu riche, au
risque de rester fille ou de faire un mariage peu agréable, comme il
^arrive à bien des pauvres demoiselles, elle aima mieux se faire reli
gieuse à Maubuisson, près Pontoise, abbaye royale et janséniste dans
ce temps-là, où, depuis, elle gouverna l’abbesse, bonne princesse
allemande, tante de feu Madame.
La cadette de ses sœurs ne suivit pas son exemple; elle aima
mieux, après avoir séché d’ennui, vieille fille, épouser un malotru
de parent qu’elle avait, sans bien, et qui n’avait aucun mérite que
celui de porter le même nom que sa mère (Bridieu Ducla), nom
qu’un homme de sa famille avait autrement distingué autrefois en
�LA JEUNESSE DE BACHAUMONT.
25
défendant bravement et avec habileté, pendant longtemps, une trèsmauvaise place et dépourvue de toutes munitions 1 ; ce fut dans le
temps des guerres civiles. J’ai ouï-dire depuis, dans sa famille, que
la cour lui aurait envoyé le bâton de maréchal de France ou le cor
don bleu, s’il ne fût pas mort en défendant sa place, honneur que 1 on
accordait assez volontiers, dans ces temps critiques, à ceux qui
demeuraient fidèles dans le parti du roi, conduite assez peu imitée
où, pour se faire acheter par la cour, presque toute la noblesse pre
nait le parti des révoltés. Beaucoup ont été la dupe de ce calcul et ont
bien mérité cette punition.
1. Guise, en 1650, contre les Espagnols.
(La suite à la prochaine livraison.)
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Title
A name given to the resource
La jeunesse de bachaumont
Description
An account of the resource
Place of publication: [Paris]
Collation: 5-25 p. ; 26 cm.
Notes: From the library of Dr Moncure Conway. From Le Megasin de Librairie: literature, histoire, philosophie, voyages, .... Vol. 3.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
[s.n.]
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
[1859]
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
G5723
Subject
The topic of the resource
Literature
France
Creator
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[Unknown]
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French
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