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LES CATACOMBES DE ROME.
En mdme temps que l’exhumation de PompM faisait sortir
des cendres du Vdsuve certains colds intimes de la vie an
tique, l’exploration des catacombes dvoquait, du sous-sol
de la Rome papale, un tableau de la chretientd primitive,
de ses usages, de ses arts et de ses croyances. Le rare voyageur qui, il y a un demi-sibcle, parcourait rapidement, un
rat de cave h la main, les couloirs souterrains avoisinant le
caveau de sainte Cdcile, sous la conduite d’un custode plus
ou moins prolixe, pouvaitbien, avec quelques reminiscences
de Chateaubriand ou de Delille, se representer soit une des
scenes les plus emouvantes des Martyrs, soit les angoisses
classiques du « jeune amant des arts » , egard
Sous ces routes nombreuses
Qui croisent cn tous sens lours routes tdndbreuses.
Ou bien, si le visiteur avait une tournure d’esprit plus religieuse que litteraire, il pouvait se retracer, avec une sainte
emotion, les sangiants episodes du martyrologe romain et se
faire subrepticementen dosser a prix d’or, par son guide infidfele, quelque phalange d’un confesseur de la foi ou, mieux
encore, un de ces petits vases a parfums qu’on a pris longtemps pour des ampoules placdes pihs des tombes pour conserver le sang des victimes. Mais combien il dtait loin de
soupconner les veritables tr6sors que ce mysterieux labyrinthe devait bientot fournir a l’histoire de 1’art, ainsi qu’a
l’histoire du christianisme!
C’est aux freres Rossi que revient l’honneur non seulement d’avoir donne h 1’exploration des catacombes une im-
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REVUE DE BELGIQUE
pulsion s^rieuse, mais encore d’y avoir introduit la geule •
methode capable d’utiliser pour la science les rdsultats des
fouilles. Rompant avec les precedes arbitraires de leurs pred6cesseurs, ils avaient compris, dbs la premiere moitifi de ce
sifecle, que, pour tirer parti des documents historiques offerts
par la Rome souterraine, il fallait les £tudier sur place et
commencer par l’dtude des cimeti&res eux-m^mes. Ils s’appliqukrent done & ddcrire les diverses cryptes dans l’dtatou elles
se trouvaient, h 6tablir respectivement les rapports chronologiques de leurs Stages et de leurs galeries, h rechercher la
facon dont elles s’etaient form^es et .le but auquel elles
r^pondaient; puis ils tentferent une restauration iddale des
lieux, & l’aide des renseignements trouves dans l’6tude des
inscriptions, des details architectoniques, du style des fresques et de la nature de leurs sujets — sans n^gliger las
donn^es paralleles de l’histoire ou de la tradition.
Le r^sultat de ces travaux se trouve consigne dans l’important ouvrage Roma sotterranea qui, public par M. J.-B. de
Rossi, de 1864 a 1867, a 6t6 pour l’archeolog’ie contemporaine une veritable revelation et a, en quelque sorte, funds
la science des catacombes. Toutefois, si cet ouvrage offre *
jusqu’ici un guide complet pour les questions de fait, il laisse ouvert ce que M. de Rossi appelait lui-m6me«l’immense
champ des syntheses partielies».
C’est une de ces syntheses — et non la moins important®,
« la synthase chronologique », — qu’entreprend M. TMophile Roller dans son bel ouvrage : les Catacombs dfe
Rome, histoire de I’art et des croyances religieuses pendant
les premiers siecles du cliristianisme\ Ces deux gros vo
lumes in-4°, imprimis avec luxe par la maison D. Jouaust, de
Paris, ne renferment pas moins de 100 planches qui reproduisent par Heliogravure les principaux monuments —
inscriptions, sculptures, peintures — fournis a l’auteur par
les catacombes, ainsi que par les collections d’antiqulMs
1 Les Catacombes de Rome, histoire de l’art et des croyances religieuses pendant les premiers siecles du cliristianisme, par Th. Roller,
2 vol. Paris, v0 A. Morel et C‘c, 1879 et 1881.
�LES CATACOMBES DE ROME
229
chretiennes. Nous en avons lu consciencieusement les
695 pages, en regrettant d’arriver si vite au bout. Bien
que, en effet, l’ouvrage soit £crit au point de vue scientifique, avec la competence qu’assure ii l’auteur dix anuses
de recherches archdologiques a Rome, il n’en est pas
meins d’une lecture ais£e et attachante, gr&ce & l’attrait du
sujetet aussi hla facon dont M. Roller l’a present'd.— Avec
les planches qui l’accompagnent, c’est une oeuvre de vulga
risation autant que de science.
Sans doute, M. Roller n’est pas le seul, ni mdme le
premier qui ait cherchd a utiliser les fouilles des catacombes
pour l’histoire de l’art ou de la religion. Mais la plupart des
auteurs qui Font precede dans cette voie n’ont pas toujours
reuss i a se defendre de preoccupations dogmatiques ou confessionnelles qui altdrent necessairement la valeur de leurs
conclusions. Les pires ennemis de la science historique sont
ceux qui en abordent les probRmes avec Farriere-pensee d’y
chercher la confirmation d’une thhse religieuse ou antireligieuse. M. Roller a su dviter ce double dcueil, et ce n’est
pas le moindre mdrite de son ouvrage.
I
On entend par catacombes l’ensemble des cryptes dissexnindes autour de la Rome antique, sur un rayon de plusieurs inilles. Les premiers chrdtiens les ddsignaient par
le nom de cimetidres (xoip^pcov, dormitorium, dortoir) —
allusion a Fidde que la mort dtait un sommeil. — Devant la
quantity de travail reprdsentee par ces labyrinthes, dont le
ddveloppement total a dtd dvalud a pres de 800 kilometres,
on s’est long-temps refuse a croire qu’ils fussent l’ceuvre des
Chretiens, et on les a considdrds jusqu’d nos jours comme
d’anciennes carridres, oil les sectateurs de la religion nouvelle auraient cherche un refug-e pour leurs families et pour
leur culte au temps des persecutions. Toutes ces hypotheses
sont d^nitivement dcartdes aujourd’hui. Si ces galeries
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REVUE DE BELGIQUE
dtroites et enchev&trdes ont aid6 quelques chretiens d de
router la poursuite de leurs ennemis, elles n’ont jamais pu
servir d’habitation permanente & des individus, moins encore ‘
a des multitudes; si l’on y a celdbre d’autres ceremonies
que les rites funfebres en memoire des morts, c’est accidentellement et, pour ainsi dire, en petit comitd, pendant les
dernidres persecutions. Leur unique destination etait de
garder le corps des ddfunts en attendant le jour de la resur
rection generate, et c’est dans ce dessein qu’elles ont dte creu~
sdes tout enti&res par les generations chretiennes du ier au
v° si^cle. Le caract&re mdme de la roche qu’elles traversent
— tuf volcanique, granulaire ou terreux— exclut, du reste,
l’idde qu’elles eussent pu fournir les matdriaux de la ville
eternelle.
Presque tous les cimetieres avaient une entree monumen
tale qui devaitles designer de loin aux regards des passants.
Dans ces conditions, on se demande comment leur existence
peut s’expliquer en face d’une administration aussi puissante et aussi hostile an nouveau culte que l’administration imperiale. C’est que les catacombes, comme a dit le
doyen Stanley, sont « un monument de tolerance plutdt
que de persecution » . Il faut observer que, jusqu’au in° sibcle, les persecutions eurent un caractfere fort intermittent, et
que, seuls, les pred^cesseurs immediats de Constantin y
mirent assez de vigilance et, en quelque sorte, de methode
pour atteindre les chr^tiens j usque dans leurs cimetibres. En
second lieu, on doit tenir cornpte du respect que les Romains
professaient pour les sepultures, et des privileges quils y
avaient attaches, sans distinction de culte. On a attribud
aux chretiens d’avoir introduit dans nos moeurs l’odieux
usage d’enterrer les morts, au lieu de les brfiler. Mais, meme
en plein paganisme, la cremation n’dtait peut-Atre pas aussi
generate qu’on se plait & le dire. Peut-Atre que dejci chez
les Grecs le bficher fut l’exception, sauf en temps de guerre
ou d’dpidAmie. A Rome mAme, les cultes orientaux
juifs,
phAniciens, adorateurs de Mithra et de Sabazius — poss£daient de vrais cimetieres souterrains qui avaient obtenu la
�LES CATACOMBES DE ROME
231
reconnaissance officielle, et on salt que, tout au moins
jusqu’a Domitien, le christianisme passa pour une secte
juive. D’autre part, on avait pris l’habitude de jeter les cadavres des eselaves dans des puits (puteoli), oil on les laissait
pourrir, et, a l’autre extrdmite de l’echelle soeiale, certaines
families, telles que les Scipion, avaient de temps immemo
rial pratique 1’usage des inhumations. Le nombre de ces
families s’accrut rapidement sous l’empire; chacune, naturellement, voulut avoir sa crypte, et c’est m£me dans ces
catacombes privees quesemble devoir etre cherchee l’origine
des cimetibres chretiens. La loi romaine consacrait l’inalienabilite non settlement de la sepulture, mais encore de
ses dependances, — jardins ou constructions, — depuisle mo
nument proprement dit jusqu’d la salle des banquets fundbreset a lalogedu gardien. Le fondateur pouvait en rdserver
l’usage non seulement a ses descendants, mais encore it ses
clients, k ses affranchis et & leurs descendants, & toute categorie de personnes determine, par consequent, a ceux qui
partageaient son culte L
Aussi long-temps que le christianisme ne fut pas declare
culte illicite, c’est-a-dire jusqu’a Trajan, les chretiens
purent done profiter de cette legislation pour enterrer leurs
morts sous le convert des concessions privees. L’extdrieur
restait un tombeau de famille ; les dependances souterraines
formaient le cimetiere chretien. Poursuivant leur travail de
termites, les fossoyeurs —■ qui constituaient un ordre dans
la hidrarchie de 1’Eglise primitive — ouvraient, a hauteur
d’homme, dans les couches tufacees du sous-sol, de longs et
dtroits couloirs (ambulacra), vraies galeries de mine, dans
les parois desquelles ils taillaient des rangees parallbles de
cavitbs rectangulaires (loculi), plus longues que profondes,
1 Les chrAtiens profitArent de cette legislation pour s’isoler des patens
dans la mort comme ils s’enisolaient dAja dans la vie, au risque de renforcer l’accusation qu’on leur langait, de professer la haine du genre liumain.
Ainsi, on a trouve une inscription du ne siecle, ou un testateur rAserve
sa sApulture a tous ceux « ad religionem pertinentes meam «, et une epitaphe extraite du cimetiere de Domitilla porte ces mots significatifs:
„ Sibi et suis fidentibus in Domino. «
�232
REVUE DE BELGIQUE
assez semblables aux couchettes de nos navires et destinees
& recevoir les corps des fideles. Quand le loculus avail obtenu
son funhbre ddpdt, on le fermait avec des tuiles cimenMes
par du mortier ou avec une plaque de marbre (tabula^, sur
laquelle on placait une inscription ou un symbole. Le modMe
de cette sdpulture dtait, du reste, fourni aux premiers chr4~
tiens par le passage de 1’dvangMiste Matthieu relatif & l’ensevelissement du Christ : « Ainsi Joseph prit le corps,
«l’enveloppa d’un linceul net et le mit dans un sdpulcre nenf
« qu’il avait taillA dans le roc, et, aprhs avoir roule une
« grande pierre a l’entree du sdpulcre, il s’en alia. »
Une obscurity profonde rdgnait dans ces cryptes, sauf
oil des ouvertures, mdnagees pour donner acchs a l’air plus
encore qu’h la lumihre, laissaient filtrer une sorte de demi*
jour, h l’entrecroisement des galeries. Quelquefois on ouvrait,
dans l’dpaisseur de la roche, un caveau (cubicuhim) rdservd,
soit aux membres d’une m6me famille, soit.h des personnagei
de distinction. Les tombes y quittaient leur forme habituelie
de tiroirs pour prendre celle de coffrcs, c’est-a-dire qu’elles se
fermaient par en haut. Au-dessus du couvercle, qui formal!
entablement, dtait pratiquee une excavation semi-circulaire'
IcLTColosiim'}. Cette sorte de niche, ainsi que le plafond du
caveau, etaient gendralcment ddcores d’emblemes et de
fresques. Ch et lh on trouvait des salles pourvues de bancs
pour supporter des sarcophages.
Quand le creusement des galeries avait atteint les limites
horizontales de la zone concddde, les fossoyeurs taillaient un
escalier ou un couloir en pente douce jusqu’h un niveau infdrieur ou ils ouvraient un nouveau reseau. M. Michel de
Rossi a calculh que, dans une concession de 125 pieds carrds,
on pouvait creuser 800 metres de galeries a trois stages, ee
qui pouvait suffire a environ 1,200 cadavres.Or, il y a, dans
certains cimetihres, des exemples de cinq stages superpo- sds : le premier presque a fleur de sol ; le dernier a
25 metres de profondeur.
Le plus ancien des cimetieres privds consacres h l’enseve-,
lissement des chrdtiens semble £tre celui de Domitilla, une
�LES" CATACOMBES DE ROME
233
dame noble qui appartenait a une branche des Flaviens et
quis selon l’historien Dion, fat poursuivie avec son mari,
sous Domitien, pour ce crime d’athdisrne si frdquemment
imputd aux chr6tiens. On peut mentionner ^galement la
-Cfypte de Lucine, que M. Rossi suppose avoir peut-etre 6t6
fondle par cette Pomponia Graecina, qui, sous le rfegne de
Claude, se retira du monde et fut accusee, suivant Tacite, de
i.E^tre livree & une superstition dtrangere.
II
Detail singulier, le me siecle, qui fut par excellence le
sifecle des persecutions, fut aussi celui ou se ddveloppferent
les premiers cimetihres collectifs, possddds en propre par
IJSglise. Des la fin du ne siecle, celle-ci avait trouvd,
dans le regime legal des associations, un moyen infaillible
d© s’assurer la jouissance et 1’administration de ses necro
psies. Le gouvernement imperial, gdneralement assez hos
tile au droit de reunion, surtout quand il s’agissait d’associations militaires ou religieuses, s’dtait cependant rel&che de
ses rigueurs en faveur des societds fun6raires qui avaient
pour objet de procurer & leurs membres une sepulture
decente et qui se multipli&rent aussitdt dans la capitate, ainsi
Cpi’en province. Ces societds se mettaient souvent sous
le patronage d’un dieu: Jupiter, Hercule, Diane. On poss&de
les statuts d’une de ces confreries, les cultores Dianae et
Aniinoi. Or, une ancienne inscription designe les chrdtiens
sous le nom de cultores Verlot. —Leurs membres pouvaient s’assembler rdgulierement, une fois par mois, pour verser leurs
Cotisations; elles pouvaient, en outre, tenir des reunions
extfaordinaires pour cdlebrer les fun^railles des associ6s et
organiser des banquets funeraires, qui, chez les premiers
chrttiens, durent bientot prendre le caractfere de l’Agape et
de la Cene. Ce furent naturellement les dvAques a qui revint
fadministration des biens communs, y compris le cimeti&re,— non pas, bien entendu, comme repr£sentants ofiiciels
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REVUE DE BELGIQUE
de 1 Eglise, mais comme presidents de 1 association,
collegii.
Le plusrenomme de ces cimetieres est celui de Callixte, oil
M. J.-B. de Rossi a eu la bonne fortune de decouvrir, g-r&ce
& sa perseverance et a son flair d’archeologue, le caveau des
eveques romains du tii9 sihcle, depuis Zephyrin jusqu’a
Miltiade. Ce futd’abord un cimetihre priv6, appartenant, d£s
le ne siede, k une branche chretienne des Caecilii. C’est sous
Septime Severe qu’il parait avoir passe officiellement aux
mains de l’Eglise. Nulle part on ne peut mieux reconstituer
l’histoire exterieure de la communaute chretienne pendant
le iii° sihcle et le commencement du ivs. Au debut, les
sepultures cliretiennes ne prennent pas la peine de se
cacher : leurs proportions sont vastes et rdgulieres. Ensuite
arrive lApoque des grandes persecutions ; on mure une par
tie des issues; on en ouvre d’autres sur des carrihres aban
donees; on multiplie les couloirs pour ddrouter 1’assaillant;
on s enfonce de plus en plus profondement dans les entrailles
du sol. Mais, au moindre repit, la confiance renalt; on
reprend les travaux de degagement et de decoration, jusqu au jour ou les edits de Diocietien eclatent comme un
coup cle foudre. Les cimetihres sont confisquds, leur accfes
interdit aux chretiens. Ce sont les temps difficiles ou
Sixte II est surpris et massacre dans la crypte oil il celebrait
Foffice. On ne preserve qu’en les comblant les caveaux
les plus precieux et les tombes des principaux martyrs.
Mais les heures du paganisme sont comptees et avec
Constantin 1’Eglise peut s’affirmerau grand jour. Abandonnant, pour la basilique profane, les obscurs caveaux oh elle
cdiebrait la memoire de ses martyrs, elle accommode cet edi
fice civil aux formes, aux usages, aux rites dont elle a
contracte l’habitude pendant son existence souterraine.
L autel, place dans l’abside, rappelle les formes du sarco-^
phage sur lequel la communion se celebrait dans les cubiculi,
et on pousse l’imitation jusqu’a y enfermer des reliques.
Bien plus, on le surmonte d’un
Az/convert qui reproduit,
en petite dimension, les edicules eievds en plein air a proxi-
�LES CATACOMBES DE ROME
235
mitd- des principals tombes. Il n’est pas jusqu’aux cierges,
dont on se servait pour dclairer la nuit des cryptes, qui ne se
maintiennent dans les ceremonies en pleinsoleil. Labasilique
elle-meme prend le nom d’un martyr et l’apparence gendrale
d’un cenotaphe, flanqud d’un baptistdre, en attendant qu’elle
a-ffecte, par 1’adjonction des transepts, la disposition d’une
Croix.
Dds cette dpoque, on commence & se faire enterrer dans
les cimetidres d ciel ouvert. A partir du ve sidcle, les cata
combes ne sont plus qu’un lieu de pdlerinage, entretenu et
ornd par les papes du temps. M. de Rossi a parfois rencontrd
dans les griffonnages ou graffiti, dont les pelerins avaient
alors 1’habitude de couvrir lesparois des ambulacres et des
caveaux, de precieuses indications pour retrouver l’emplacement d’unetombe celebre et,par suite, determiner l’dge d’une
g'alerie. Mais quand, au commencement du ixe sidcle, le
pape Pascal I0T eut fait transporter au Panthdon presque tous
les corps qu’on put reconstituer, les catacombes tomberent
dans un abandon et meme un oubli qui durdrent plus de
cinq siecles. De 1593 a 1629, un archeologue maltais, Bosio,
y entreprit des explorations avec une patience et un succds
qui nous le montrent comme le vrai precurseur de MM. de
Rossi. Ses successeurs du xvue et du xviii9 sidcle ne semblent avoir marchd sur ses traces que pour enrichir les reliquaires et les collections, ddtruisant ce qu’ils ne pouvaient
emporter et opdrant avec si peu de mdthode que mdme
leurs decouvertes les plus importantes restdrent presque
sans resultats pour la science des origines chrdtiennes ou
pour l’histoire des catacombes elles-mdmes. Tout restait
a faire dans cette voie, quand M. J.-B. de Rossi commenca,
avec son frdre, la tache qu’il poursuit encore aujourd’hui.
Le savant archdologue romain a lui-mdme entrepris une
classification chronologique des principaux documents fournis par les catacombes. Mais cette classification, ill’assied a
peu prds exclusivement sur la topographic, tandis que
M. Roller fait intervenir davantage les indications fournies
par l’histoire de l’art antique, aux divers ages de son deve-
�236
REVUE DE BELGIQUE
loppement.Voici, da reste, comment il explitjue ses proc$d4s
au chapitre XI du premier volume :
De meme qu’un amateur quelque peu compdtent ne confond pas un
tableau du xvi° siecle avec une oeuvre du xvine, de meme un ceil quelque
peu exorce saisit au premier abord certains caractdres qui ne pormcttcnt
pas de confondre une sculpture classique avec les informes productions des
ages de decadence. Avec un peu plus d’cxpdrience on saisit les gradations.
Aujourd hui un homme de gout devine les dcoles de sculpture et de peinture; de mdme un historien des monuments antiques reconnait vile b quell©
classe d oeuvres il a affaire, de quel pays elles sont, et parfois & quclles
influences dies sont dues.
On sait de meme comment on conslruisait en cliaque siecle. La comparaison des monuments permet de deviner non pas seulement b quelle
classe d architectes on les doit, mais quand vivaient les masons qui les ont
travailles. L’agcncement des parties, le joint des briques, la nature ou la
multiplicity des marbres el autres matdriaux, le mortier employd, la com
position des slues ct revdtements,’ tout sert d’indice et rien ne doit elre
ndgligd. S’agit-il d’dpigraphie, on a les dates consulates; jusqu'au
vie stccle, les jours des mois sont indiquds par les ealendes et les noms;
depuis on commeuQa a se servir de la numeration progressive. La nature
des abrdviations, 1’indication des qualitds, dignitds, professions des defunis
changent avec les temps. Le style, les symboles, la nomenclature, la
paldographie ont varid de siecle en sidcle, de locality b locality. Chaque
age et chaque milieu a eu sa maniere de s’exprimer comme de penser; la
forme des lettres n’a pas toujours dtd la meme, et l’on pout recdnnaUre
pour ainsi dire la main de chaque groupe d’individus.
Les empreintes laissdes par les masons dans le morlier frais, leurs
inscriptions, aussi bion que les griffonnages des visiteurs (graphites) sont
diffdrcnls d une ypoque ci l’autre : les signes dont ils se servaient, les
symboles qu’il esquissaient, les exclamations ou pridres qu’ils profdraient,
tout porte un caraclere propre et la note de certains temps. Les potters,
les briquetiers ont marqud leurs vases ou leurs tuiles de leur cachet, Svec
leurs noms, leurs initiales, leurs signes de reconnaissance; eux aussi
avaienl lours sentences et leurs manieres de parler. Le double ou triple
emploi du marbre dejA utilisd dans les monuments patens ou chrdtieng, la
rencontre de monnaies, de mydaillons, d’objets divers, de vases varies par
leurs formes et leur substance; les -yvyiations de moeurs spdciales, connties
d’ailleurs : voilh quelques-uns des points de repdre qui aident les iuvestigateurs attentifs ct patients h se rcconnailre. L’archdologie est science
minulieusc; elle ntarche avec lenleur el circonspection, mais elle ne va pas '
en aveugle. Cel aper^u peut suffire au public pour se rendre comple grosso
modo des moyens employds pour classer les monuments que nous aliens’
dtudier.
�les catacombes de
Rome
237
III
L’histoire des arts a long-temps offert une lacune de plusieurs stocles, entre les dernieres productions du paganisme,
encore tout imptogntos de la grace classique, et les pre
mieres manifestations du christianisme, deja byzantines par
la conception et Failure. Cette lacune a dto comblee par
rexploration des catacombes. Il en est ressorti, une fois de
plus, que l’art, comme la religion, la politique ou l’histoire
natarelle, ne se transforme point par brusque revolution,
mais que, dans ses periodes de decadence aussi bien que
d’4panouissement, il procede toujours par d’insensibles
gradations.
On a cru longtemps que l’art chretien s’dtait formd tout
d’un coup, dans les basiliques appropritos aux usages de
h religion nouvelle, tel qu’il nous apparait, vers le v° siecle,
en rupture ouverte avec toutes les traditions de lart
classique. Or, les plus anciens monuments des catacombes
Itahlissent, au contraire, que le christianisme s’est assimito
leg formes et meme les conceptions artistiques du g6nie pa'ien
avant de les alttoer e.t de les proscrire. Sans doute on trouve,
fibs le ddbut, des allegories et des symboles qui peuvent tore
regardes comme des creations originales du christianisme.
Mais, en gdnbral, comme le fait observer M. Roller, « on n’a
pas eu le temps de creer une forme encore inconnue. L’esprit
jduveau se contente de vieux vaisseaux. » .Le plafond de*
cu'bic'iil'i'•) au cimetibre de Domitilla, la decoration des a/)CO“
losia aux cryptes de Lucine et de saint Janvier, tels quils
ndhs apparaissent reproduits par la photographie, rappellent
h s’y mdprendre les fresques dePompei, bien entendu « d un
Pompdi honntoement dhcord ». M6me togularite de lignes
dans les encadrements, meme aisance dans le dessin, meme
finesse de touche, mhme harmonie de couleurs, meme predo
minance de sujets pastoraux et agricoles. On y retrouve
jusqu’aux legendes de la mythologie paienne les plus aptes
i symboliser les idbes chrtoiennes : Orph to, representant le
Bon Berger qui charme les brebis avec sa lyre — Ulysse, qui,
�238
REVUE DE BELGIQUE
attache au mat de son navire, resiste aux chants des sirenes
comme le chrdtien aux seductions des sens ; — Psyche, c’esta-dire Fame humaine, pres de laquelle un ange remplace
F Amour — le Phdnix et le Paon, qui expriment l’idde d’immortalite et de resurrection. Lors mdme que l’artiste, comme
c’est le cas le plus frdquent, emprunte ses sujets a l’Ecriture,
il les exdcute suivant toutes les regies de l’art classique.
La decadence ne commence que dans la dernidre partie
du in0 sidcle. Parmi les peintures du ne, tel Daniel au
milieu des lions rappelle a M. Roller les plus beaux temps
de 1 art; tel Bon Pasteur lui montre le gdnie grec dans
tout son dclat; telle Marie avec 1’enfant le ramene a d Finspiration artistique que retrouva Raphael aux jours de la
Renaissances. Il fait remarquer que, dans cette dernidre
fresque, le nouveau-nd est nu, comme dans les peintures
modernes, contrairement d, la facon de le reprdsenter pendant
les temps intermddiaires. « Ainsi, ajoute-t-il, les deux Ages
classiques se donnent la main. »
C’est surtout a partir du ive siecle qu’abondent les scdnes
tirdes de la Bible. On a soutenu quA cette dpoque Fart chretien dtait devenu historique, de symbolique qu’il dtait exclusivement aux deux premiers sidcles. M. Roller trouve cette
distinction trop absolue. En effet, alors mdme que les sujets
dominants sont la reproduction litterale de scenes decrites
dans l’Ancien et le Nouveau Testament, ils n’en conservent
pas moins un caractere symbolique par leur portde morale et
par leur application a la vie chrdtienne. Rdciproquementon ne
peut soutenirque Fart des trois premiers sidcles fut purement
alldgorique, alors meme qu’il se montrait le plus libre et le
plus hardi dans l’interpretation des episodes tires de livres
sacrds. Les premiers chrdtiens ne songeaient guere a considdrer les rdcits bibliques comme de simples allegories; ils les
regardaient, au contraire, comme des faits concrets, dont ils5
ne rdvoquaient pas en doute la rdalitd historique. —• C’est &
la fin et non au commencement des religions revdldes qu’o«
cherche dans le symbolisme un moyen cl’interprdter rationnellement Firrationnel.
�LLS CATACOMBES DE ROME
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M. Renan a soutenu que Part chretien devait son origine
aux adeptes du gnosticisme : « L’histoire evangdlique, ditil dans son Ma/i'c-Aurele (p. 544), ne fut traitde par les pre
miers chrdtiens que partiellement et tardivement. C’est ici
surtout que l’origine gnostique de ces images se voit avec
Evidence. La vie de Jdsus que presentent les anciennes peintares chrdtiennes est exactement celle que se figuraient les
gnostiques et lesdocetes, c’est-a-dire que la Passion n’y figure
pas, « le Christ, dans cet ordre d’idees, n’ayant pu souffrir
en realite ». — On sait que les gnostiques iddalisaient la
personne de Jesus au point de nier la realitd de sa nature
humaine, et de trailer comme des apparences les dpisodes de
son existence terrestre.
Il est f&cheux que M. Renan ait publie son dernier volume
avant d’avoir pu connaitre les conclusions de M. Roller,
car le savant auteur des Origines du clwistianisme aurait
pu se convaincre, par un simple coup d’ceil sur les planches
des Catacombes de Rome, que les manifestations de 1’art chrdtien n’ont rien de gnostique. Le Jdsus qu’on y retrouve n’est
nullement le Christ-fantome du gnosticisme. Qu'il y apparaisse sous les traits du Bon Berger, cu qu’il y soit reprdsente enfant dans les bras de sa mdre et adulte dans les eaux
du Jourdain, c’est bien un dtre en chair et en os, d’une
humanitd rdelle et presque realiste. Loin de voir dans le
Christ une personne ou une dmanation divine, dont la vie et
la mort seraient de pares illusions, les artistes des Cata
combes dtaient bien plus rapprochds du point de vue encore
adoptd aujourd’hui par la fraction conservatrice de l’unitarisme qui voit en Jdsus, non Dieu lui-mdme, mais le fils de
Dieu et le Messie annoncd par les prophdtes.
On voit comment ces questions d’art aboutissent a des
questions d’exdgese religieuse. Le terrain est glissant, s’il en
fut, mais nous pouvons l’aborder sans parti pris. La critique
independante — et, l’onpeut ajouter, la critique protestante,
chez cette fraction du protestantisme qui croit & Involution
progressive des religions, — n’a pas
se prdoccuper de
savoir si la doctrine et l’organisation de l’Eglise primitive se
�240
BEVUE DE BELGIQUE
-
retrouvent aujourd’hui dans telle ou. telle sect© particulidre
du christianisme. Quand mdme il serait demontrS que les
premiers chrdtiens croyaient a la transsubstantiation, I 1’immaculee conception, & la trinite, a l’intercession deg saints
et & la primaute des papes, ce ne serait pas une raison pour
que nous y croyions k leur suite, et, quelles que soient nos
opinions philosophiques ou religieuses, elles ne dependent en
rien de la question de savoir si d’autres les ont professes
avant nous.
L’Eglise romaine soutient que tous ses dogmes, depuis la
resurrection du Christ jusqu’a 1’infaillibilite des papes, se
decouvrent plus ou moins explicitement dans le christia
nisme primitif et que les conciles se sont bornds & les definir
dans leer portee ou dans leurs consequences. Il est facile de
constater, paries reproductions photographiques jointea &
l’ouvrage deM.Roller, combien cette pretention est exagdrde.
Sans doute,on ne peut exiger du christianisme populaire que
nous revele 1’art des catacombes, une representation exacts
des croyances qui dominaient chez les docteurs et les thdologiens de la religion nouvelle. Mais il n’en est pas moins
significatif que les traits les plus caractdristiques de l’orthodoxie posterieure sont ou compldtement absents ou presents
sous un autre jour. On a fait valoir que le christianisme
avait du s’entourer de mystdre au milieu des persecutions'©!
qu’on ne peut s’attendre h retrouver sur les murs de ses
cryptes les dogmes pour lesquels il avait cred la discipline dib
secret. Cette these a mdme ete defendue, il y a une vingtaine
d’annees,par un representant distingue del’exdg-ese rationaliste, M. E. de Bunsen, qui voyait dans les Evangiles successifs de Matthieu, de Marc et de Jean, non pas un ddveloppement graduel, mais une divulgation par etapes de la
doctrine dejii reveiee aux apdtres dans sa totalite. Plus
rdcemment encore, un ecrivain francais bien connu,
M. E. Burnouf, l’a reprise a son tour pour soutenir que,
sous les dogmes et les rites du christianisme primitif, se
cachait la vieille thdorie aryenne du feu consider^ comme
principe universel du mouvement de la vie et de la pensde.
�LES CATACOMBES DE ROME
241
Notts citons ces examples pour montrer comme on peut
aller loin, avec ce systeme d’interpretation, dans le champ
des conjectures. M. Roller expose, contrairement a ce
qu’a vance M. Burnouf, que la discipline du secret s’est sur
tout affirmde au iv° siecle, alors que le temps des persecu
tions dtait passd; il montre, en outre, que ce secret dtait un
peu celui de tout le monde, puisque les auteurs sacrds de
cette dpoque ne se gdnaient pas pour ddvoiler dans leurs
COtttroverses tous les dogmes de Elfiglise. Quant aux chrd
tiens des sidcles precedents, il serait dtrange qu’on n’efit
trouvd dans leur symbolique aucune trace de ces pretendues
doctrines secrdtes, alors que c’est le propre du symbole
d’exprimer aux yeux de l’initid le sens reel du mystdre
qu’il deguise pour le profane sous une signification spe
cieuse, Bien plus, le trait saillant et le caractdre instructif
des documents coordonnds par M. Roller, c’est precisement
qu’ils nous font assister — du ue au vm0 sidcle — a la lente
elaboration et au developpement graduel des dogmes succesBxvement incorpores dans l’orthodoxie catholique.
IV
Lapremidre communaute chrdtienne, dtablie a Rome dds
le rdgne de Claude, ne semhle pas avoir laissd de traces dans
le& eatacombes. Elie se composait de judmo-chrdtiens, d’dbiomtes;peut-6tre mdme se rattachait-elle directemenUl’Eglise
de Jerusalem. Or — comme M. Renan l’a montrh dans les
— ces chrdtiens de la premiere heure n attachaient
_£QCune importance aux fundrailles et ne placaient mdme
pas d’inscriptions sur les tombes, tant ils dtaient persuadds
que la rdsurrection gendrale dtait proche. En outre, ils
devaient professer, pour les reprdsentations de figures
• homines, cette horreur toute sdmitique dont lentrde des
■gen-tils dans l’J^glise a seule pu ddbarrasser le christianisme
naissant. Il ne faut done pas s’dtonner si les premises
inscriptions authentiques fournies par les catacombes
datent seulement des anndes 107 et 111. On ny lit encore
17
T. XLII.
�242
REVUE DE BELGIQUE
qu’un nom et une date. Bien tot il s’y joindra un vceu href et
simple : Enpaixl La paix avee toil Vis enDieu! quelquefois avec la mention d’un lien de parente. A cdte de certains
noms, des epitaphes renfermant la designation de pretre
(presbyter) et de lecteur, on trouve mentionnee la femme
d’un presbytre qui repose dans une m£me tombe avec son
mari. — Les premiers symboles se montrent sous la forme
de l’ancre, qui figure l’esperance, et du poisson, dont le nom
grec,
est 1 acrosticlie de ’I-qaotx; XpwTo'<; 0eou Ttd? ZwTiqp. Les
deux emblbmes rdunis signifient done : Esperanee en JesusChrist, Fils de Dieu, Saureur.
L’image du Christ est surtout represents sous les traits du
Bon Berger — allegorie que le christianisme n’a pas inventee, puisqu’on la retrouve sur certains tombeaux paiens,
mais dont il a fait une application speciale au Christ rap
portant au bercail la brebis 6garee. — Des cette epoque, on
volt l’enfant Jesus sur les genoux de Marie : l’dtoile prophetique qui brille au-dessus de l’enfant est ddsign^e de la main
par un personnage en qui les catholiques ont vu saint
Joseph, et les protestants le prophete Michde.
LAme desMus est souvent representee sous les traits d’une
orante, c’est-ii-dire d’une femme priant, non les mains jointes,
mais, suivant l’attitude de l’epoque, les bras leves au ciel.
D’autres fois, on la figure sous la forme d’une colombe. La
plus ancienne fresque des catacombes, au dire deM. Roller,1
qui la rattache a la premiere rnoiti^ du ue si&cle, est une
representation de la vie future, d’apr&s la parabole de la
vigne, ou l’on voit des colombes becqueter les raisins d’une
vigne, peinte sur la voute « avec toute l’aisance, la maestri®
des faiseurs de la meilleure 6cole ». De petits gdnies enfantins y font la cueillette, — anges ou amours; M. Roller les
appelle des petits amours d’anges. Au caveau de saint Janvier, d’autres fresques, qu’on croit appartenir a la fin du
meme sifecle, reproduisent hgalement des scenes de vendanges et demoissons oti de petits g^nies jouent le r61e d’ou*
vriers. Si e’est bien 1& une image de la vie future, il semblerait que les premiers chr^tiens se la soient representee?
�LF.S CATACOMBES DE ROME
243
quelque peu ala facon des anciens Egyptiens, comme une
continuation de. 1’existence prdsente, mais sans les ddboires
ni les maux de la vie terrestre, au milieu d’un dternel dtd et
d’une eternelle jeunesse. M. Roller lui-mdme (t. Ier, p. 82)
ne semble pas dloignd de supposer cette interpretation,
qui n’exclut pas, du reste, la croyance & la resurrection des
corps.
Une des fresques de Domitilla, qui a donnd lieu aux
plus vives controverses, montre deux hommes, l’un assis,
1’autre a demi couchd sur un triclinium. Au centre du
tableau, un trepied supporte de petits objets assez confus,
parmi lesquels M. de Rossi a cru distinguer un poisson
entourd de ces petits pains sans levain comme en ont les
Orientaux. De 1’autre cdtd du trepied s’avance un personnage
malheureusement assez endommagd par le temps. M. Roller
suppose qu’il devait tenir originairement une coupe entre
les mains. La plupart des commentateurs ent vu dans cette
fresque une reprdsentation de la Cdne, et tout fait croire
qu’ils ont raison. Mais, de la presence de T’r/Qu? sur le
trepied, — si M. de Rossi a bien vu, — rdsulte-t-il,
comme Font soutenu certains dcrivains orthodoxes, que
les convives vont s’y assimiler le corps et le sang de
Jdsus-Christ, avec la signification thdophagique que l’Eglise
devait plus tard attacher a la pratique de la communion? Il
est probable qu’il s’agissait d’une assimilation au sens figure,
comme on l’entend encore aujourdhui quand on parle de se
nourrir (des enseignements) du Maitre. M. Roller semble
penser que, dds cette dpoque, la edidbration de la Cdne
aurait eu. une portde non seulement sacramentelle, mais
encore mystique ; il insiste, toutefois^ sur ce point que lidee
de sacrifice en parait absente et que rien ne permet dy sup
poser la croyance & la presence substantielle du Christ, telle
qu’on l’admit plus tard dans les aogmes de la transubstantiation et meme de la consubstantiation.
L’existence de peintures ou l’on retrouve les personnages
fde Daniel, d’Esaie, de Jonas, de Nod, de Moise, d’Abraham,
■. mnntrent que, dbs lors, les chretiens possedaient a fondles
�244
REVUE DE BELGIQUE
livres de l’Ancien Testament. Une allusion & l’histoire de
Suzanne prouve que les apocryphes n’6taient pas ignores.
En ce qui concerne les iEvangiles, il est Evident que les
synoptiques daient connus dfes la premiere partie du ne sifccle. Quant a l’Evangile de Jean, M. Roller incline & admettre « qu’il dtait tout au moins populaire dfes le milieu du
ne siecle, et. qu’il l’dait suffisamment pour avoir aid6 & la
creation de toute une symbolique artistique » — L’assertion
est indiscutablepour ce qui concerne le me sidcle. On trouve,
en effet, dans les peintures de cette dpoque, la reproduction
exacte du repas aprfes la pSche miraculeuse, tel qu’il eat
d^crit au dernier chapitre du quatri&me Evangile, outre
diverses representations de la Samaritaine etdu paralytique.
Mais pour le n° sifecle, M. Roller est r£duit & n’appuyer sa
thfee que sur des prdsomptions, telles que l’apparition d’une
colombeau bapt^me du Christ, — l’existence d’une corbeille
de pains plac£e au-dessus de lT/9v? 1 — le fait que dans
la parabole de la vigne, au cimetifere de Domitilla, les gar
ments partent d’un seul cep, et que, dans les representations
du Bon Pasteur, « les brebis regardent a leur berger et semblent l’ecouter » . Ces details peuvent parfaitements’expliquer
par le symbolisme desEvangiles synoptiques et, en tout cas,
ils ne peuvent prevaloir contre l’argument que ni le Pasteur
d’Hermas, ni les Homelies Clementines, ni Justin Martyr
(t 166), en un mot, aucun des premiers apologistes Chre
tiens ne font encore mention du quatrieme Evang'ile. Justin
Martyr, toutefois, en popularisant la doctrine du Verbe,
avait prepare le terrain au nouvel evangeliste, dont 1’oeuvre
semble avoir et6 acceptde, aussitdt que connue, dansl’Eglise
de Rome, comme en temoignent les Merits dTrdnee dans le
dernier quart du sRcle.
On voit combien les croyances de l’Eglise diffdraient, au
ne si&cle, de ce qu’elles sont devenues dans la suite. Par
1 Le bapteme du Christ et I’i/Ou; avec la corbeille se trouvent parmi les
fresques du caveau de saint Janvier. Or, M. Roller reconnait quecellesci appartiennent a la fin plutbt qu’au commencement du il* siecle
(t. Ier, p. 97).
�LES CATACOMBES DE ROME
245
quelles Stapes a passd leur Evolution? Pour l’apprendre,
nous ifavons qu’& suivre fidelement M. Roller.
Au me siecle, on trouve des 6pitaph.es d’dvdques; mais les
dvfiqucs de Rome ne portent pas encore sur leurs tombes la
designation de pape. Les precedents symboles se develop
ment. L’i/Ou; prend la forme du dauphin — l’ami de
Thomme ; — il porte la barque de l’Eglise ; il se suspend au
trident comme a une croix. La croix elle-mdme commence
a se montrer, mais encore dissimul6e dans l’ancre, le trident
et l’armature des navires. Le symbolisme se complique et
ses differentes allegories se rattachent les unes aux autres.
Ainsi l’on voit l’eau, que la verge miraculeuse de Moise a fait
jaillir du rocher, former le fleuve spirituel oil le pdcheur
(Thommes prend les &mes au filet, ou les neophytes sont bap
tises et ou le paralytique se gudrit; elle sort du puits de
Jacob pour ddsalterer les hommes; elle devient une mer oil
flotte l’arche de Nod, dans laquelle l’humanitd a recu le baptlme des eaux. Quant & la Cdne, elle est figurde par le sacri
fice d’Abraham et la benddiction des aliments, ainsi que par
de nombreuses representations d’agapes. Enfin,les voeux en
favour des morts deviennent de vdritables pridres. On com
mence a offrir des actions de giAce pour les d6funts.
Au ive sidcle, le sentiment de communion entre les vivants
et les morts s’est encore accentud. On attend une lieureuse
influence de leur intercession, comme letemoignent ces frdquentes formules : Demande pour tel...; sols favorable
d...; ale en souvenir dans les prieres... Les pelerinages
aux tombeaux des martyrs sont entrds dans les moeurs. On
cdldbre des services commdmoratifs dans les caveaux transformes en chapelles. La table des sdpulcres est utilisde
comme autel pour pratiquer la communion, l’agneau y remplace parfois l't/Ous, on y mdle l’eau au vin et les fiddles y
assistent assis au lieu de couches.
La hierarchie eccldsiastique s’accentue. La chaise catliedrale est l’attribut de 1’dvdque. L’dpithdte d’un dvdque de
Rome, en le ddsignant comme eveque, ajoute pourtant le titre
papa; mais au sens purement affectueux. — Ce n’est plus
�246
REVUE DE BELGIQUE
seulement la personne humaine de Jesus que le sculpteur
rnontre accomplissant des miracles, mais le Christ glorifie
au Ciel aprhs l’ascension. Pierre ou Paul recoit de sa main
le livre de vie, ou bien le Christ enseigne les fideles, assis
sur la Cathedra des docteurs et parfois vetu en philosophe
paien. Les apdtres se groupent autour de Jesus, sans qu’aucun
d’eux obtienne encore la preeminence ou m£me un role spe
cial. Cependant Pierre et Paul sont souvent mis & part, sur
un pied d egalitd vis-a-vis 1 un de 1 autre. — Le nimbe apparait sur la tete du Christ avant la fin de ce siecle.
La croix se montre b l’dtat isole; mais elle se dissimule
encore sous le monogramme du Christ, ou bien elle affecte
la forme de cette croix gammee qu’on trouve deja sur des
monuments de l’lnde ancienne et oil certains auteurs ont vu
l’embleme de Varani, la piece de bois d’ou les brahmanes
faisaient sortir par friction Tdtincelle sacrO.
Au ve sihcle, la croix s’affirme nettement dans sa forme
actuelle. L’aurdole s’dtend a la thte des saints. Le rdle spiri—
tuel de Pierre est agrandi; on le considhre comme l’hdritier
de Moise et le substitut du Christ, charge de faire jaillir de
la roche 1’eau qui baptise et qui vivifie. « Tout s’altbre h la
fois : le culte, la doctrine et 1’art. » Un anthropomorphism®
grossier fait rndme apparaitre, parmi les decorations d’ua
sarcopbage, une representation de la Trinite consistant en
trois personnages barbus, assez semblables l’un a l’autre,
sauf que Dieu le Phre est assis dans une cathedra. L’artiste
les a reprdsentes au moment ou ils viennent de creer Eve’
avec une cdte du corps d’Adam.
Au vie et au vne sihcle, nous somrnes deja en plein byzantinisme. La designation de S. C. S (sanctus) accompagne
les images des saints. Le culte des reliques s’btend meme a
leur representation. Le Christ porte l’aureole a rayons
cruciformes.
Au vme et au ixe sihcle, papes et saints semblent htre stir
un pied d’egalite. Toutefois, les premiers ne sont encore
designes que comme papes romains (ppapus romanus'). Le
crucifix a fait son apparition, mais en dehors des catacombes*
�LES CATACOMBES DE ROME
247
xproprement dites. LAssomption de la Vierge trouve sa premiere expression dans la peinture murale.
Ici s’arrdte la t&che de M. Roller. L’histoire du christia
nisme va sortir des catacombes; c’est au g*rand jour, dans
les bglises et sur les monuments publics, qu’on devra suivre
ddsormais le cours de ses destinies. En m&me temps que les
formes de l’art religieux accentuent leur retour aux ebauches d une barbarie enfantine, l’esprit qui les inspire achbve
de s’alterer et de s’obscurcir. Dans les catacombes, on ne
dbcouvre que des symboles de joie et d’esp^rance; le drame
du Golgotha en est exclu ; on n y trouve, en pleine persecu
tion, d autres allusions aux souffrances des martyrs que
l’allegorie de Daniel dans la fosse aux lions et des trois Jeunes
hommes dans la fournaise; pas une image de l’enfer ou
meme du jugement dernier, sauf un bas-relief ou Ton voit le
Christ sdparant les bones des brebis; encore est-il desderniers
temps. Mais, a partir du ix° siecle, quand le christianisme
a dbsappris le chemin des catacombes, l’imagination ne
semble plus se plaire que dans les larmes et les supplices.
Le crucifix sangiant et decharnb detrone partout le Bon
Pasteur qui sourit a ses brebis. Au lieu des premisses de la
terre, on a, pour motifs de decoration, des instruments de
torture et des tbtes de morts; au lieu d’orantes, les bras
levds au ciel, des ednobites prostern^s parmi les ossements; au lieu de colombes qui voltigent dans la vigne du
Seigneur, des martyrs rendantl’ame dans d’effroyables tourments; au lieu de gdnies qui font la moisson, des demons
qui torturent les damn£s. Alors que, chez les premiers chretiens, l’idee de la resurrection prochaine semblait n’exciter
qu un sentiment d’impatience et d’allhgresse, 1’approche du
millenium vient encore accroitre ce terrorisme, qui se traduira bientdt dans les atrociths de 1’Inquisition et qui, jusqu’a la Renaissance, pfesera, comme un cauchemar, sur
toute la chretientd occidentale.
Ce n’est pas la premihre fois que le monde a assists a un
pareil assombrissement de l’horizon religieux. L’histoire de
l’ancienne Egypte offre un phenombne analogue, si l’on com
�248
REVUE BE BELGIQUE
pare le& peintures tombales du Nouvel Empire avec cellos du
Moyen ; dans une r^cente livraison de la Rme des Dew
Mondes . Gaston Boissier faisait ressortir, a propog des
tombes dtrusques decouvertes h Corneto, que les plus anciennes represented exclusivement ce qui donnait du prix &
la vie,
des banquets, des jeux, des danses, des chasses,
des Episodes d’interieur, — alors que plus tard ou prefSrera
les scenes fantastiques et lugubres, les representations du
Tartare et les images de demons & la physionomie grotesque
et repoussante. Il ne faudrait pas neanmoins generalise? cette
tendance du ddveloppement religieux, car l’histoire d’autres
cultes, tels que le paganisme et meme le judaisme, offrent
une evolution en sens tout oppose.
V
On voitclairement par cette etude, combien il esterrond de
representer les premiers chretiens comme des pliilosophes ou
des rationalistes, chercbant & mettre en pratique une morale
raisonnee et exprimant leur pur theisme par des gym
boles que leurs successeurs auraient eu le tort de prendre au
serieux. La vdrite, c’est que le christianisme du ne siecle
n’dtait ni une metaphysique ni un rituel, mais une thdorie
de la vie. Sans doute, ses adeptes croyaient au surnaturel,
mais pas plus que les libres-penseurs de leur temps. Mener
une vie pure, pratiquer la charite et ne pas sacrifier aux'
idoles, tels etaient les sig-nos ext^rieurs du chretien, les
seuls devoirs dont la violation pouvait le faire retrencher
de la communaute. Aussi n’est-il pas surprenant que le
paganisme se crht en presence d’athdes.
Ges contempteurs des dieux n’avaient ni temples, ni
sanctuaires, ni lieux sacr^s. Leur unique autel, au dire
d Orig-ene, c £tait « lame du fiddle, la conscience d’oil
s elevait la pri&re ». Point de sacrifices : leurs rites se bornaient, en dehors du bapt^me qui 6tait leur c^remonie d’ini
tiation, a deux reunions quotidiennes : l’une, avant Iq jour,
pour chanter quelques hymnes, entendre la lecture .des
�•'
LES CATACOMBES DE ROME
249
fivangiles et s’exhorter mutuellement, suivant l’expression de
Pline, « i ne commettre ni vols, ni adulttres, ni parjures » ;
Pautre, an soir, pour celtbrer une agape, qui ttait, en mtme
temps qu’un repas commtmoratif en l’honneur du Maitre, un
banquet de fraternity et de charite, — les riches devant y
apporter la pitance des pauvres. — Pas davantage d’orthodoxie : ainsi que M. Renan le constate encore pour la fin du
lle siecle, « les differences qui stparent aujourd’hui le
Gatholique. le plus orthodoxe et le protestant le plus liberal
sont peu de chose auprts des dissentiments qui existaient
alors entre deux chrttiens, qui n’en restaient pas moins en
parfaite communion l’un avec Pautre ». ^Marc-Aurele,
p. 336.)—Pas deprttres, dans le sens moderne et antique du
mot : rien que des presidents ou Anciens, librement tlus par
la communautt; c’est seulement au sitcle suivant qu’apparaitront les inspecteurs ou tvtques.
Quelque opinion religieuse qu’on professe, on ne peut se
defendre d’une sympathie spontante pour ces petits groupes
d’incompris qui, en face de la corruption romaine, jetaient
silencieusement les assises d’une societe nouvelle. Ce qui
frappe sur'tout dans leur vie, telle que nous la revelent les
monuments du ne sitcle, c’est peut-etre moins encore leur
douceur, leur simplicity et mtme la puretd de leur conduite,
que leur inalterable ton de strtnitt dans le present et de confiance dans l’avenir. « La pensde inspiratrice de l’art des
'Oatacombes, dcrit M. Roller, peut se resumer en deux mots :
une espdrance, une victoire; d’oii son caractere presque
riant. » La certitude du lendemain est le caractere domi
nant des epitaphes que M. Roller a copiees et reconstitutes
en si grand nombre. Jamais un cri de dtsespoir, pas mtme
l’expression d’un regret, bien que l’affection des survivants
delate parfois dans une tpithete tloquente : « trts cher »,
«tresdoux», « plus doux que la lumitre et la vie ». -C’est qu’on ne meurt pas dans les catacombes : on y sort du
si&ele, de saculo recessit; on s’y endort «dans la paix du Sei
gneur », on va y chercher le « raffralchissement» des ames;
on y « nalt a l’tternitt ».
�250
REVUE DE BELGIQUE
Sans doute, cette assurance du triomphedans une autre vie
ne pouvait manquer de favoriser un detachement exagdrl
des choses humaines, qui a etd de tout temps le grand dcueil
de la foi chrdtienne. Dans cet dloignement d’un monde corrompu, sous cette horreur du fiddle pour les atrocites du
cirque et les impudicitds du theatre, on peut distinguer un
premier symptome de ce qui sera plus tard ascdtisme, mdpris
des arts, dddain de la science, haine du libre-examen. Toutefois, pour etre j uste envers le christianisme naissant, il faudrait
dtre en etat de determiner quels ont dte, dans les ddveloppe*
ments ulterieurs de ce germe, la part des circonstances et
des milieux, l’influence des persecutions proIongees, le contre-coup des invasions barbares, enfin l’entrde en scene de ce
monachisme oriental qui, pendant plusieurs sidcles, fournit
au parti de l’intolerance ses janissaires et ses chefs.
On comprend que la question soit trop vaste pour dtre
abordee en ce moment. Mais, que la religion de l’avenir procdde du christianisme ou qu’elle sorte de quelque catacombe
encore ignorde dans les profondeurs de la societd moderne,
espdrons qu’en rdparant les lacunes de sa devanciere, elle
gardera ce que celle-ci avait de vrai et de juste au debut —
son esprit de charitd et d’amour, sa thdorie de la souveraiuetd
du devoir et son sentiment du serieux de la vie.
Goblet d’Alviella.
�
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Victorian Blogging
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Pamphlet
Dublin Core
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A name given to the resource
Les catacombes de Rome
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An entity primarily responsible for making the resource
d'Alviella, Goblet
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An account of the resource
Place of publication: [s.l.]
Collation: 227-250 p. ; 22 cm.
Notes: From Revue de Belgique, [187?]. From the library of Dr Moncure Conway.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
[s.n.]
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1896
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
CT62
Rights
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<a href="http://creativecommons.org/publicdomain/mark/1.0/"><img src="http://i.creativecommons.org/p/mark/1.0/88x31.png" alt="Public Domain Mark" /></a><span> </span><br /><span>This work (Les catacombes de Rome), identified by </span><a href="https://conwayhallcollections.omeka.net/items/show/www.conwayhall.org.uk"><span>Humanist Library and Archives</span></a><span>, is free of known copyright restrictions.</span>
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The nature or genre of the resource
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A language of the resource
French
Subject
The topic of the resource
Rome
Conway Tracts
Rome
Rome-History
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LE
CLERGE BELGE
EN 4881
D’APRES LES DEPOSITIONS FAITES SOUS LA FOI DU SERMENT
DANS L’ENQUETE PARLEMENTAIRE
DISCOURS
PRONONCE A LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS DANS LA SEANCE DU 22FEVRIER
PAR
le comte GOBLET D’ALVIELLA
BRUXELLES
M. WEISSENBRUCH, IMPRIMEUR-EDITEUR
45, RUE DU POINCON, 45
1881
��d’apres les depositions f aites sous la foi du serment
DANS L’ENQUETE PARLEMENTAIRE
DISCOURS
PRONONCE A LA CHAMBRE DES BEPRESENTANTS DANS LA SEANCE DU 22 FEVRIER 1881
par le comte GOBLET D’ALVIELLA
Discussion du budget de la Justice pour Vexercice 1881
{chapitre des cudtesj
■ M. Goblet d'Alviella.-—Messieurs, je regrette et jem’applaudis a la
fois de devoir prendre la parole apres l’honorable membre qui vient de
se rasseoir. Je le regrette, car la sympathie et l’estime qui entourent la
parsonnalite de l’honorable chanoine de Haerne m’embarrassent un peu
dans les accusations que j’ai a diriger contre le corps dent il porte la
robe et dont il a pris la defense dans son discours. Mais, d’autre part,
,le tableau qu’il nous a tracb du clergd, tableau que justifie et sa propre
personne et peut-etre aussi ses souvenirs de 1830, ce tableau de ce que
devrait etre ou de ce qu’a ete le clergh beige est de nature d mieux
faire sentir le, contraste de la description que j’ai d vous en faire aujOUrd’hui.
�Je ne suivrai pas l’honorable membre dans tous les ddveloppements
par lesquels il s’est efforcd de prouver que les traitements du clergd
catholique etaient une simple indemnity, Equivalent des revenus eccldsiastiques supprim6s en 1790. Je congois qu’on considere le traitement
du clergy comme une indemnity si l’on reconnait a l’Eglise catholique
le caractere de socidt6 perpetuelle et autonome, existant par elle-meme
en presence de l’Etat. Mais pour nous autres qui nous inspirons du droit
moderne, du droit constitutionnel, qui ne voyons en presence de l’Etat
que des ministres du culte, et non une dglise ou meme des 6glises, nous
devons declarer, comme l’honorable M. Thonissen l’a lui-meme quelque
peu reconnu dans son rapport, que le clerg6 catholique comme les autres
clergds, doit etre rdmun^rd en proportion du service social qu’il rend.
Or, comment mesurerons-nous Etendue de ce service social? Il y a deux
elements A prendre en consideration A cet dgard: — d’abord le nombro
des fideles que l'e clerge est appele A desservir, — ensuite la convenance
avec laquelle il remplit sa mission religieuse.
C’est l’Etat qui paye les ministres du culte; l’Etat a done le droit
d’apprecier leurs services dans les limites de son droit constitutionnel.
En thdorie, beaucoup de gens pensent, et je suis de ce nombre, qu’il
ne faudrait r^mundrer aucune espece de clerge; mais je suis le premiei’ & reeonnaitre que la Constitution de 1830 nous oblige & rdmund»
rer le clergd proportionnellement aux services qu’il rend.
Pour apprdcier ces services, je compte done m’appuyer sur des docu»
ments officiels, sur des depositions faites sous la foi du serment, sur
les aveux du clerge lui-meme, en un mot sur toutes les revelations de
l’enquete scolaire.
Cette enquete ne fait que commencer. Elie ne s’est portee que sur
certains cantons, et cependant le jour qu’elle jette sur les paroles et les
actes du clerge me semble pleinement suffisant pour justifier les amendements que nous avons eu 1’honneur de proposer au budget des cultes.
J’avais commence a relever, dans ces depositions, toutes les attaques,
toutes l,es insinuations, toutes les calomnies que, d’apres certains temoignages, des ministres du culte, dans la plupart des paroisses, auraient
dirigees non pas seulement contre les liberaux, contre les institutcurs,
contre les peres de famille qui envoient leurs enfants aux ccoles communales, mais encore contre toutes les autorites qui, d’une fagon quelconque, cooperent A l’ex6cution de la loi scolaire : depuis les adminis
trations des moindres villages jusqu’aux Chambres, aux ministres, au
Roi lui-meme, dont la personne n’a pas toujours dte respectee dans cette
triste campagne. Mais, au bout de quelques pages, je dois dire que,
devant l’abondance et surtout la qualite des materiaux, la plume m’est
tomb^e des mains de ddgout autant que de lassitude.
�— 3 —
■* . Je laisserai done le soin de poursuivre ces recherches A ceux qui
- veulent voir par eux-memes comment la majority de notre clergb professe l’amour du prochain et le respect de l’autoritb. Je me bornerai
pour le moment h montrer combien se sont trompbs les membres de la
droitequi, avec une parfaite bonne foi.je le veuxbien, —dans une excellente intention, je le veux bien encore, — mais induits en erreur par des
renseignements incomplets, et peut-etre sous l’empire de ces illusions
que favorise l’esprit de parti, sont venus prbtendro que les sacrements
btaient partout accordbs aux enfants des bcoles communales et h leurs
parents, ou du moins que le refus des sacrements A ces deux categories
btait la rare exception.
Je ne pense pas qu’apres avoir jetb les yeux sur les documents de l’en»
quote parlementaire, on puisse encore soutenir que ces refus soient l’exception, car ils constituent au contraire la regie presque invariable; c’est
l’octroi des sacrements qui est l’exception, la rare exception.
Commengons par les enfants.
Non seulement nous voyons les sacrements refuses aux Aleves des
-- deoles communales qui ont dbj^, fait leur premiere communion, mais
encore aux bleves des bcoles d’adultes et des bcoles dominicales, ou la
religion n’est pas et n’a pas btb enseignbe.
Quant h la premiere communion, on ne l’a pas refusbe directement,
mais on a tout fait pour arriver au meme but, soit en refusant de donner
l’enseignement du catbchisme aux enfants des ecoles communales, soit
en donnant cet enseignement exclusivement dans le local des bcoles
litres, soit meme en le donnant dans leglise aux heures qui contra, riaient le plus le programme de l’enseignement communal.
On vous a dbjh retracb le tableau de toutes les avanies que les min-rstres du culte prodiguent aux enfants des bcoles communales, depuis la
simple injure jusqu’aux sbvices dont les tribunaux ont du s’occuper.
Ainsi que l’honorable M. Bara l'avait dbjh affirme, l’an dernier, dans la
discussion du budget de la justice, on a vu, dans plus d’une locality, les
dlbves des bcoles communales arrachbs de leur banc au catbchisme et
forcbs de s’agenouiller sur les dalles nues, ou encore consignbs h la
porte de l’bglise et exposes A toutes les intempbries, uniquement pour
atteindre leurs parents qui les maintenaient aux bcoles offlcielles ou
peut-etre pour les dbgouter de cette frbquentation I
Ce n’est pas tout. Le clergb a trouvb un moyen plus radical encore
; d’empecher les enfants des bcoles communales de faire leur premiere
communion : il a tout simplement supprimb la premiere communion de
1’annbe derniere. C’est ce qui s’est passb a Gedinne, a Malvoisin, h
Patignies, a Fescheux, & Bolinne, — car c’est ainsi que l’Eglise applique
'
s
�ddsormais la belle parole du Christ : « Laissez venir & moi les petits
enfants. »
Quant aux parents, on a refuse l’absolution, non seulement aux peres
et aux meres des sieves, mais encore — comme & Couvin et & Focant —
aux grands-peres et aux grand’meres, aux oncles et aux tantes.
A Louette-Saint-Denis, le secretaire communal depose qu’il a ete
excommunie parce qu’ayant un enfant de 4 ans, il n’a pas voulu s’engager & le mettre a lecole catholique, le jour ou il aurait atteint lage
d’ecole, si alors l'ecole catholique existait encore.
A Fagnolles, le bourgmestre a ete excommunie avecsa femme, parce
qu’il gardait chez lui le fils d’un ami et que ce jeune homme frequentait
l’ecole communale.
A Pondrome, on a etendu le refus des sacrements a ceux qui frequentaient les families dont les enfants suivaient l’hcole communale.
A Doel, on a excommunie un douanier parce qu’il recevait de 1’instituteur des repetitions de grammaire et d’arithmetique.
M. J.-B. Nothomb a hcrit un jour qu’il n’y avait pas plus de rapport
entre l’Etat et la religion qu’entre l’Etat et la geomdtrie. Il me semble
cependant que le clerge trouve aujourd’hui certains rapports entre
l’arithmetique et la religion.
Je ne parlerai pas de la commune de Seloignes, oule cure excommuniaitle conseil communal jusqu’kla quatrieme generation, parce qu’il
s'etait avise de nommer une institutrice laique qui lui dhplaisait. Le
fait se passait sous l’ancienne loi scolaire, bien qu’il ait ete seulement
revele dans la presente enquete.
Mais dans d’autres localites, notamment A Oisy, on est alle jusqu’A
menacer les parents qui enverraient des enfants aux ecoles communales
de ne plus baptiser leurs nouveau-nhs. Il semble que ce soit la une
menace en Fair, devant la doctrine formelie de l’Eglise romaine en
matiere de bapteme.
Il y a cependant un pretre qui a accompli & peu pres ce veritable tour
de force, c’est le cure d’Oordeghem, dans le canton d’Alost.
M. Van Wambeke. — Dans le canton d’Alost?
M. Goblet d’Alviella. — Oui, monsieur Van Wambeke, dans votrc
arrondissement. Un sieur Van Impe avait ses enfants a l’ecole commu
nale. Comme il venait deluiarriver un dixieme enfant, on avait projeth
de celebrer le bapteme avec une certaine solennite. Le Roi avait envoyb
une gratification et deux personnes notables de la commune etaient
designees pour parrain et marraine.
•» La veille du bapteme, depose le docteur Dooreman, le cure accom-
�^pagn6 du sacristain vint chez Van Impe et demanda & voir l’enfant. On
le lui presenta; il tira de sa poche une petite dole pleine d’eau. La mere
. pensait qu’il voulait settlement assurer l’enfant; mais quand le lendemairi Van Impe alia demander a quelle lieure le bap terne aurait
lieu, le curt lui repondit : Ge n’est pas nhcessaire; l’enfant est dhjd
baptist. »
5 Le tour estjoli. Vous voyez que j’avais raison de le qualifier de tour
de force, ear c’est un veritable escamotage de bapteme.
Malheureusement, Messieurs, les pratiques du clergd ne sont pas toujours aussi inofiensives. Certes, il a le droit de refuser les sacrements
quand il lui plait, en toutes circonstances. Mais je ne maintiens pas
moins, en me plagant, sinon au point de vue religieux, du moins au
point de vue de l’humanith, que des refus de sacrements se sont produits
dans des circonstances ou ils constituent de vhritables actes de rtvoltante cruaute.
Jeveux parler du refus de sacrement a des agonisants, parce que leurs
enfants frtquentaient l’bcole publique. Ces cas sont si nombreux que je
dois renoncer & les citer (1).
Je ne puis cependant ne pas citer ici la-deposition du bourgmestre de
Fagnolles.
Ecoutez cette deposition :
- « La femme Mouchette, etant au lit de mort, a fait appeler le cure.
- Le cure lui a dit -. Promettez-moi de mettre vos enfants d l’ecole catholique, ou pas de sacrements! La femme, qui avait encore de l’energie,
. a dit non. Il est revenu ala charge et a cssuyc le meme refus. Enfin,
une troisieme fois, il est revenu; la femme htait affaissde et sans force.
Il lui a demande la meme promesse, l’a obtenue et lui a donne l’absolution. La femme est morte une heure apres. Je tiens le fait du mari luimeme, La seconde fois que le curt s’est presente, la femme m’a demands
si elle serait enterrte en terre sainte si elle mourait sans sacrement. Je
lui ai promis que oui, dussc-je pour cela briser la porte du cimetiere. »
Dans bien des cas, il est aish de comprendre que ces actes de cruaute
aggravent l’htat des malades, si meme ils ne hatent leur fin. Ce sont les
mddecins meme qui en dhposent. M. le docteur Fhrier, de Florenville,
cite h lui seul plusieurs faits de ce genre dans sa clientele :
« J’ai 6th appelh un jour, d’urgence, chez Stevenot, Auguste, martchalferrant & Sainte-Cecile. J’ai trouve la. maison investie par beaucoup
de personnes. Le malade avait l’air tout dgart. Les assistants htaient
(1) Rien que dans le 1" fascicule des documents, 4 Bohan p. 4, it Louette-SaintPierrep. 135, a Olloy p. 223, a Virton p. 533, a Florenville p. 631, it Beauraing. p.399,
Si Heyst p. 466, & Oostcamp p. 557, etc., etc.
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effrayds et ils m’ont dit que le curd avait arrache du malade k promesse
de retirer ses enfants de l’dcole communale en le menagant dune inert
tres rapide. Il devait, disait-il, mourir dans les quatre heures. Le malade
dtait en proie & une fievre violente, il dtait dans le ddlire et incapable de
prendre une resolution rdfldchie.
« Des scenes de ce genre faites aupres des malades sont regrettables
au point de vue medical. Je dirai, notamment, A ce propos, qu’une scene
analogue s’est passde chez l’institutrice de Chassepierre, M1Ie Dumont,
dont j’dtais le mddecin. Celle-ci dtait atteinte dune maladie mortelle, et
■ cette scene a exerce sur l’dtat de sa santd une influence ddfavorable. Ells
me l’a dit, du reste, spontandment. Le curd se promenait dans la
cbambre, frappant la table de son tricorne, lui disant qu’elle serait
enterrde dans le trou aux chiens, en un mot, il lui avait fait une seen©
de violence qui lui avait fait du mal. »
Avant d’abandonner ce sujet des refus de sacrement, je veux repro, duire une derniere ddposition ; celle-ci se passe de commentaires, car les
faits qu’elle rdvele parlent assez haut a quiconque conserve dans l’ame
quelque sentiment d’humanite et de justice.
Je ne connais pas dans l’enquete tout entiere de fait plus navrant et
plus profonddment ddplorable.
Il s’agit d’une pauvre vieille femme de 67 ans, menagere a Habay-kVieille; elle raconte comment le curd n’avait pas voulu confesser sa fill©
mourante, parce que celle-ci avait des enfants a l’dcole communale.
« La pauvre femme, disait-elle en parlant de la mourante, jgfa.it
- ' presque a bout, elle et moi. Chaque fois que la porte s’ouvrait, elle
crayait que c’etaitM. le curd. Aminuit, comme j’dtais tres fatigude, elk
me dit : « Allez vous coucher, maman. M. le curd viendra domain. ■»
J’dtais tres tourmentde. Je me suis rdveillee et je l’ai trouvee morte. J’ai
dtd saisie d’une telle douleur en la voyant ainsi morte sans confession,
que je suis tombde sans connaissance. Je suis restee dans cet dtat pen
dant une heure et a la suite de ce triste dvdnement, je suis tombde
malade. J’ai eu une hydropisie des mains que j’attribue au saisissement
qui s’est empard de moi. — Au ddbut de sa ddposition, ajoute le proeds*
verbal, le tdmoin est en proie A une grande emotion et pleure. Il dit en
terminant : Depuis cette dpoque, je ne suis plus la meme personne, je.
pense toujours d ma pauvre fllie qui est partie sans confession. J’ai
dit encore au curd : Le bon Dieu vous tiendra, vous serrera et vous
- jugera. »
Encore le refus des sacrements n’est-il qu’un des nombreux moyens
employ ds par le clerge.
Ld, ou le pere de famille se rit de l’excommunication, on s’adresse d la
mere, & la femme, qui subit plus aisdment l’influence du pretre, et pour
�arriver a ses fins, le clergd n’hSsitera pas A. jatei’ sciemment la discorde
dans les manages.
Rien que dans les quatre premiers cantons visiles par la commission
d’enqucte scolaire, je trouve ce fait rdpdtd dans vingt-cinq temoignages
rdparte dans presque toutes les communes (1).
« Il est b, ma connaissance et A la connaissance de tout le village, dit
notatanent le bourgmestre de Gros-Fays, que le curd a dtd jusqu’a de
clarer en chaire que le devoir des femmes, dont les maris seraient
rebelles a ses conseils, dtait de rdsister & leurs maris, et au besoin de les
ab&ndonner. »
D’apres M. Julien Adam, A Naomd, le curd aurait dit en chaire -. “ Et
vous, meres de famille, il faut tourmenter vos maris jusqu’A ce que vous
soyez mattresses de vos enfants, vos obsessions dussent-elles meme amener de l’humeur dans le mdnage. »
Le curd d’Eghezde, d’apres la conversation que reproduit l’dpouse
Dohet, lui aurait dit de tourmenter son mari “ jusqud pendant la nuit »
pour le determiner A retirer ses enfants de l’dcole communale.
Toutes ces ddpositions sont terriblement uniformes et c’est le cas de
dire qu’on y a l’embarras du choix ■ en voici cependant une derniere qu’il
est bon de relever :
A Fraipont, la dame Octavie Dupont raconte une ddmarche analogue
du curd. « Il m’a dit que si je voulais, je parviendrais bien & tourner mon
mari, que je n’avais qua revenir souvent A la charge. Je lui ai reprdsentd
quejene voulais pas, moi, faire mauvais mdnage. Il rdpondait que cela
ne faisait rien, qu’il fallait seulement A tout prix le tourner. Il disait qu’il
valait mieux que je misse mes enfants a l’dcole catholique et que je
laissasse mon mari boire une piece ou deux de cinq francs au cabaret;
quesije faisais cela, il se laisserait bien determiner A mettre 1’enfantA
1 ecole catholique. »
M. Bouvier. — Quelle belle morale 1
v M. Goblet d Alviella. — D’autant plus belle, — pour confirmer
1 interruption de l’honorable M. Bouvier, — qu’A cet dgard, j’ai dtd tres
surpris de lire bier, dans un des derniers numdros d’un journal que
MM. les dveques ne desavouent certainement pas, la phrase suivante -.
“ Nous, catholiques, — dit le Courrier de Bruxelles a propos de l’admission des femmes dans le service tdldgraphique — enfants de cette
civilisation que 1 Eglise a fondde et que nous voulons ddfendre, nous
avens du mariage une idde tout autre que celle dont le libdralisme se
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iOO13^’ 42’ r6'
7°’ 71' 7?’ 98, 102,105, 126, 137, 231, 257, 2731 2'9’285’ 337 ’
�plait A nous faire un grossier Ctalage. Nous croyons que l’acte sacramentel est le point de depart terrestre dune union sainte qui doitse
- continuer dans le ciel; nous voyons dans l’Cpoux la tete de l’Cpouse,
- caput mulieris, comme dit saint Paul ; et nous croyons avec l’apotre
que, dans le respect et 1 amour, 1 Spouse doit etre soumise A l’Cpoux
comme l’Eglise est soumise au Christ: s/cut Ecclesia subjecta est Christo,
ita et mulieris viris suis in omnibus. *
Il parait, Messieurs, que le clerge de nos provinces tient pour les
idees de l'honorable M. Pirmez contre celles de l’honorable M. Nothomb
et du Courrier de Bruxelles. Pour ma part, j’en fhliciterais volontiers
notre clergd catholique, sije ne savais encore qu’il y a la une simple
. application de la morale constamment enseignCe par les jesuites, qu’un
mari, qu’un pere de famille perd tous ses droits lorsqu’il dbsobeit A
l’Eglise.
Il arrive, heureusement, que dans la plupart des cas ces incitations
odieuses viennent se heurter contre l’affecti on conjugate et le bon sens
des meres de famille. Alors, puisque peres et meres Cchappent A l’influence de l’Eglise, on s’adresse, en dhsespoir de cause, aux enfinte
eux-memes pour leur enseigner qu’ils doivent obhir a l’Eglise want
d’obdir & leurs parents. Tel est, ici encore, le langage foimel qti’on
voit prefer au clerge dans la grande majorite des communes1. Permettez-moi d’en relever quelques exemples pris dans la masse.
“ Dans un catechisme qui a eu lieu il y a peu de temps, peut-etre
deux mois,—dit M. Ch. Francois, a Olloy,—le curd a recommandC aux
enfants de pleurer pour decider les parents a les envoyer a l’bcole catholique. Il leur disait qu’& Dinant et & Namur, il y avait des enfants
qui avaient fait la meme chose et dont les parents avaient fini par
cCder. »
“ A Rienne, — d’apres M. Brichet — le curb a notamment recoinmandh, en plein catCchisme, aux enfants qui l’Ccoutaient, de se laisser
battre, tuer s’il le fallait, plutot que de se laisser placer dans les Ceoles
officielles, disant qu’ainsi ils seraient agrhables & Dieu. »
Encore une deposition sur ce sujet; c’est celle de M. Dropsy, institateur it Meirx-le-Chateau :
“ Le curb leur a dit qu’ils devaient desobeir it leurs parents et fail's
I’ecole buissonniere plutot que d’aller a l’Ccole communale. Les Cleves
me l’ont ddclarh. A un autre enfant, le curb a dit : Ne pretez pas atten
tion aux lemons de votre maitre, ce sera un pretexte pour lui de vows’
renvoyer de la classe. A une autre, il a dit qu’eZ/e pouvait dtsobdir & son
pere, parce que celui-ci etait remarid cwilement en secondes noces. »
(1) Pages 11, 19, 38, 42, 06, 70, 93, 110, 129, 222,229, 208, 278, 282, 290, 295, 413 (1« fascile>.
�.
y
■
— 9 — -
Quelles belles applications du commandement du Ddcalogue:«Honore
ton pere et ta mere. »
Je sals bien ce qu’on object®, ce qu’on a objects a toutes ces deposi
tions. Malgrd la golennitd du serment sous la foi duquel elles sont pro-duitesrm^g’rt leur universality et leur concordance, malgrd la naivetd
m&nie qui en dtablit la sincbritd, nos adversaires ne manquent pas de
pi’Otendre que ce sont autant de calomnies, de parjures, d’inventions
liberates, diaboliques. Mais que peuvent-ils dire, lorsqu’il s’agit des aveux
du clergy lui-meme ou tout au moins des dypositions de certains
pretres qui, tout en se dyfendant d’avoir intentionnellement prechd la
dOsobdissance et la discorde, laissent cependant dchapper des aveux
oft la verity delate tout entiere pour quiconque se rend compte de la
situation?
Le cury de Musson est accusd dans plusieurs ddpositions d’avoir dit
aux enfants que, si les parents voulaient les envoyer a l’dcole communale, ils devaient formellement leur ddsobdir, et d’avoti ddclard aux
femmes que, si leurs maris voulaient envoyer leurs enfants a l’dcole
, coinmunale, il y avait la un cas de sdparation :
• Je nie, ddpose le curd, avoir dit que les enfants pouvaient manquer
; au respect d. leurs parents. J’ai dit, au contraire, qu’ils leur devaient le
respect, meme lorsqu’ils leur commandaient quelque chose de contraire
& la loi de l’Eglise, mais pas I’obeissance. — Je nie avoir dit que si le
marl, contrairement a la volontd de sa femme, mettait son enfant dans
nn© dcole communale, il y aurait lieu de se sdparer de son mari. Mais
j’ai citd ce texte de l’Evangile : Celui qui ne hait pas son pere, ou sa
mere, ou son enfant, ou son epouse, a cause de moi, n’est pas digne de
moi. »
Voito, certes, des distinguo que ne ddsavoueraient pas les casuistes
citds dans les Provinciates.
D’apres M. J.-B. Lemaire, de Rulles, le curd de cette commune disait
.aux meres de famille « de se dresser comme des lionnes contre leurs
maria, plutot que de leur laisser envoyer leurs enfants dans les dcoles
communales » ; il ajoutait « qu’elles devaient se battre, s’il le fallait », et
d'apres un autre tdmoin, Hippolyte Hubert, il disait « que les enfants qui
dtaient envoyds par leurs parents aux dcoles communales avaient le droit
dene plus leur obdir ». — “ J’ai dit, ddpose le curd deRulles, qu’il valait
mieux obdir h Dieu qu’aux hommes, et cela a propos de la loi sur les
denies et tfes enfants que leurs parents envoient dans les ecoles commitnales. J’ai dit que les femmes devaient faire le possible et meme I’impossible pour amener leur mari a mettre leurs enfants dans les dcoles
catfaoliques. »
Ln wry de Hachy dtait accusd, entre autres extravagances, d’avoir
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dit qu’h partir de l’age de distinction, c’est-h-dire de lage de sept ans,
un enfant ne devait plus obdir & ses parents, lorsqu’ils refusaient de l’envoyer a l’dcole catholique. « J’ai prechd, dit-il, que les enfants arrivds A
Page de distinction doivent savoir ce qu’ils font, et que si leurs parents
leur commandent une chose contraire a leur conscience, a la loi de
Dieu et de l’Eglise, ils ne clowent pas obeir. »
C’est le meme pretre qui, accusd par plusieurs tdmoins d’avoir dit que,
sile Roi signait la loi du ler juillet 1879, il serait un homme de paille
(brodjong), reconnait avoir prechd que, « si le Roi voulait agir en bon
catholique, en homme religieux, il devrait donner sa demission plutbt
que de signer la loi sur l’enseignement primaire ».
En rdalitd, c’est toujours le systeme du Syllabus, admirablement
rdsumd, d'ailleurs, dans cette meme enquete, par le curd Werrebrouck,
de Zedelghem. « Le tdmoin, constate le proces-verbal, ne croit pas avoir
dit que les seules lois a observer etaient les lois des dveques; mais, si
cela en venait la, je dirais que, si les lois humaines dtaient en opposition
avec les lois de l’Eglise, les lois de l’Eglise sont seules obligatoires.
« Chaque fois, depose, de son co th, le curd de Leuze-Longchamp, chaque .
fois que la loi de l’Eglise sera en contradiction avec la loi civile, je ddsobdirai h la loi civile. *
Ce sont la de veritables apologies du droit h l’insurrection sur lesquelles il est bon de greffer le commentaire du curd de Virginal: « J’ai
dit que c’dtait un moindre mal de tuer un homme que de voter pour
un liberal, parce que le libdralisme est une hdrdsie. »
Que prouvent toutes ces declarations, dont l’origine n’est pas suspects I
Elies prouvent une fois de plus que pour ces membres du clergd catho
lique il n’existe hors de l’Eglise ni dquite, ni justice, ni morale, ni loismeme. Et notez que je n’ai relevd ici que les imputations dont le clergd
reconnait lui-meme le fondement; et je n’ai pas parld des faits extremament graves qui, a diverses reprises, ont dtd alldguds contre des mem
bres du clergd, mais qui ne sont mentionnds que dans des depositions
isoIdes.
Les accusations que j’ai produites suffisent, du reste, pour faire de
cette enquete — au sujet de laquelle nous devons tdmoigner notre
reconnaissance d, l’honorable M. Malou, qui 1’a rdclamde le premier —
Pacte d’accusation le plus formidable qui ait jamais dtd formuld contre
le clergd salarid d’un pays lib re.
Et quelles sont les consdquences de cette monstrueuse croisade contre
nos institutions scolaires ? L’enquete nenous les rdvele que trop. Il n’est
plus une commune ou la vie privde et la vie publique ne soient profonddment troubldes. Le clergd a souffld la ddsobdissance dans l’ame des
enfants.
�— 11 —
Li ou les parents imposent leur volonth, les enfants suivent le consell de ceux qu’on leur a imprudemment representes comme les interpretes de Dieu sur la terre, ils pleurent, se regimbent, negligent leurs
devoirs, font l’eeole buissonniere, travaillent A se faire chasser de l’dcole,
bombent malades sous l’empire de la surexcitation qu’on a rdussi A leur
inspirer, et on voit desjeunes filles de dix-sept ans s’enfuir nuitamment
du toit paternel plutot que de frequenter une ecole reprouvde par leur
confesseur (1). —- LA ou les parents se montrent d’un caractere faible,
hcoutez ce qui se passe :
« Mes enfants, dit entre autres M. Jules Botte A Bievre, suivent
maij/remoz l’ecole catholique, etj’ai perdu toute autorith sureux depuis
qu’ils ont dtd retires de lecole communale. J’ai voulu, moi-meme, aller
rechercher mon fils qui est A l’ecole catholique. Il est agh de treize ans.
Il & rdpondu en termes orduriers qu’il se moquait de moi. Il a ajoutd :
« Coupez-moi en morceaux si vous le voulez, je n’obdirai qu’A ce qui est
j-xiste et raisonnable; mais pour les ecoles communales je n’irai pas. »
Mon enfant s’est alors sauvh. »
La discorde est entr.be au sein des manages jusque-lA unis. Que de
tristes Episodes, de drames intimes viennent s’htaler, comme autant de
plaies faites par le clergd, dans les pages de l’enquete !
- « Depuis ces sermons, dbposeM. Pierre Ghrard, cultivateur A Naomh,
1& discorde est entree dans le menage, ma femme ne cessant d’insister
pour que je mette mes enfants A l’bcole catholique; c’est A tel point que
j'ai pensb un moment A la renvoyer chez son pere. »
« Dans un sermon, dit le sieur Jacqmay A Hanret, le curb a dit que
les femmes devaient combattre jusqu’A la mort pour contraindre leur
mari A envoyer leurs enfants A 1’ecolc catholique. A la suite de ce ser
mon, ma femme, A mon insu, a retire ma fille de lecole communale, et
l’a envoybe A l’hcole catholique. Mon manage, ou la paix regnal t avant
ch sermon, est aujourd’hui completement trouble. Depuis tout cela, mon
enfant n’a plus aucune obdissance envers moi. »
Ailleurs encore, ce sont des femmes qui, suivant A la lettre les conseite du cure, quittent le domicile conjugal et se refusent A y retourner
teat que leur mari n’aura pas pris l’engagement d’envoyer les enfants A
l’^cole catholique.
Du foyer domestique, la discorde s’est glissee dans les relations
aoeiales. Que de fois nous voyons se reproduire cette deposition sthrhotyphe : “ La commune etait autrefois calme et paisible : le trouble et la
division y sont entres par suite des violences du clergh. » Nos tribunaux
en savent d’ailleurs quelques chose, et, si ces divisions ne sont pas allbes
(1) Voirp. 93 ia deposition de M. P.-J. Clarinval, echevin de Gedinne,
�— 12 —
plus loin, dans bien des cas ce n’est pas faute des excitations parties du
haut de la chaire.
“ La conduite du curd a suscitd le trouble dans la commune, dit entee ?
autres un tdmoin de Robermont; les enfants des deux dcoles se sont:
battus les uns contre les autres, et peu sen est fallu que les parents
eux-memes n’en vinssent aux prises. »
Tout cela parce que, a Robermont comme ailleurs, le clergd, suivant
l’expression pittoresque d’un tdmoin de Sdloignes, a cessd d’etre le curd
de la paroisse pour devenir le curd dune dcole.
\.
Ces violences ont eu encore un autre rdsultat, et ici je rentre dans la
seconde partie de mon sujet; ce resultat, c’est, dans une grande partie
du pays, le ddpeuplement partiel des dglises, et j’appelle tout particu*
lierement sur ce point l’attention de l’honorable ministre de la justice.
Pour justifier l’augmentation du clergd catholique, l’honorable M. de
Haerne nous a parld tantdt de l’augmentation correspondante de la
population pendant la pdriode de 1830 h 1880.
Ici je dois tout d’abord placer une observation gdndrale : c’est que
l’augmentation du clergd n’a nullement suivi dans les diverses locality
une marche parallele h l’accroissement de la population.
Ainsi, en ce qui concerne les agglomdrations urbaines, — c’est-h-dire
lh ou l’on ne peut invoquer, pour justifier une augmentation dispropoi*tionnde du clergd, les espaces inhabites & parcourir entre les diffdrents
points de la commune, la par consdquent ou c’est exclusivement le
chiffre de la population qui devrait ddterminer le chiffre des ministres
du culte, sans dgard pour l’dtendue du territoire, — nous pouvons
prendre comme type l’agglomdration bruxelloise, oil l’on ne dira
certes pas que le clergd est insuffisant pour les besoins religieux de la
population.
Eh bien, h Bruxelles, d’apres ce que nous disait, l’autre jour, l’honorable ministre de la j ustice, on compte 100 ministres du culte pour une
population de 400,000 habitants(l). Qu’a-t-on eu besoin des lors de porter
cette proportion — pour ne pas sortir du Brabant — dans la ville de
Hal h 1 pour 1,800 habitants, dans la ville de Louvain h 1 pour 1,300,
dans la ville de Wavre A 1 pour 1,400, — c’est-h-dire qu’h Wavre et
A Louvain un ministre du culte a trois fois moins de besogne qu’h
Bruxelles? A Louvain cependant on ne comptait que 11 ministres du
culte en 1842.
Dans certaines parties de nos campagnes, c’est mieux encore.
La Flandre liberate publiait dernierement une statistique fort curieuse, rddigde h l’aide d’dldments pris dans l’exposd de la situation
(1) Soit 1 pour 4,000 hab.
�— 13 —
■ -.
administrative de la province. On y remarque que dans l’arrondisse- ment de Gand un grand iiombre de local ires ont vu leur population
- dAcroltre depuis 1846 dans une proportion qui va de 8 A 20 p. c. Et
- 'cependant dans la meme periode le clerge catholique s’est accru de
77 nouveaux pretres salaries. A ce compte-lA, si nous ajoutons les
innombmbles convents qui se sont certainement htablis dans ces communesdA comme ailleurs, nous finirions, pour peu que la population
continue a decroitre en raison inverse du clergh shculier et rhgulier,
i par arri ver A cette situation peu enviable de certains pays bouddhistes
ou l’on trouve plus de clergh que de fideles.
Je maintiens que presque partout ou la population a augments dans
' fes proportions tithes par l’honorable M. de Haerne, le chiffre des fideles
r. n’ena pas moins diminuh depuis 1830, et je n'en veux pour preuve que
les revelations de l’enquete.
Non settlement nous voyons le clergh lui-meme refuser partout les
sacraments aux categories directement vishes par les instructions hpis■. copales, savoir les instituteurs et les institutrices qui donnent l’enseip; gnenaent religieux, les eleves des ecoles normales et les membres des
comites scolaires, mais nous voyons encore, dans la grande majority des
communes, cette phnalith s’htendre aux Cleves des hcoles communales et
A leurs parents, ainsi qu’aux membres des administrations communales
' qui font leur devoir en concourant A l'exhcution de la loi. Et ce n’est
■pas tout, car il convient d'y ajouter le nombre bien plus considerable de
- toils ceux que les violences du clergh ont systhmatiquement hloignhs de
l’Eglise.
Autrefois on ne trouvait guere dans cette cathgorie que les librespenseurs des grandes villes. Aujourd’bui, meme en pleine campagne,
nous voyons des groupes entiers de population s’hcarter d’une institution
qui fait trop de politique pour donner satisfaction A leurs besoins relii/' gieux. La commission d’enquete n’a pu visiter que quelques communes,
. ill® ne s’est pas occuphe de la frdquentation des hglises. Voyez, cepen■ dant, que de declarations spontanhes dhnongant l’htat de choses auquel
r ' je fais allusion I
Ainsi A Gros-Fays, —je choisis cette commune parce qu’elle est la
[
ou ait siegh la commission d’enquete, — le bourgmestre
dhpos® : « Autrefois il n’y avait A Gros-Fays que deux personnes qui
ne remplissaient pas leur devoir pascal. Aujourd’hui il y en a, A mon
avis, une centaine. »
- - * Depuis les violences de M. le curd Georges, dit un autre habitant
t de la meme commune, un tres grand nombre, environ cent cinquante,
. se sont abstenus d’accomplir leurs devoirs religieux. » Il faut savoir que
% x lacommune de Gros-Fays ne compte que 370 habitants.
Je releve des depositions analogues dans le canton de Gedinne, A
�— 14 —
Bievre, A Louette, a Petit-Fays, a Houdremont, & Sart-Custinne, a Patignies. Dans le canton de Couvin, & Cul-des-Sarts, & Gonrieux, & Frasnes, & Petite-Chapelle, & Fagnolles, A Bleid. Dans le canton de Beauraing, a Felenneet aFocant. Dans le canton de Florenville, 6 Chasse»
pierre, a Chiny, A Florenville, & Grand-Reny, a Faurceulx. Dans le
canton d’Etalle, & Bellefontaine, A Etalle, a Vance, a Thuillies. Dans le
canton de Louveignd, & Louveignb, A Aywaille, & Noncevaux. Dans le
canton d’Eghezde, & Hanret, etc.
A Patignies, d’apres deux dhposants dont l’un a mdrno occupb les
fonctions de chantre & l’dglise, » les trois quarts de la population ont
cesse de frequenter les sacrements. » Voila done l’Eglise romaine devenue l’Eglise de la minority.—Meme proportion & Fblenne, d’apres l’bchevin et le bourgmestre.
« Autrefois, dans notre commune, dit un bchevin de Bleid, on comptait ceux qui n’allaient pas & confesse; aujourd’hui on compte ceux qui
y vont. »
« Auparavant, dit le bourgmestre de Chiny, il y avait dans la com
mune trois ou quatre personnes qui ne faisaient pas leurs paques, au
jourd’hui, il y en a 300 ou 400. » Chiny est une commune de 1,041 ha
bitants.
A Florenville, le bourgmestre depose : « Le doyen a tres mal fait de
diviser notre paroisse, qui btait une des plus belles de la Belgique. Au
trefois, il n’y avait guere ici que deux individus qui ne faisaient pas leurs
paques ; aujourd’hui, il y en a 500 4 600. L’ancienne eglise, la petite^
serait diijd trop grande pour les besoms du culte. ”
M. Bouvier. — C’est general.
M. Goblet d’Alviella.— Florenville est une commune de 1,805 ha
bitants ; elle compte un curb et un vicaire. Si les faits sont exacts, le
devoir du gouvernement n’est-il pas tout trace ?
Je lui adresserai la meme question a propos de la commune de SaintEdger, oil le bourgmestre depose -. « Jusque dans ces derniers temps,
il n'y avait point de vicaire a Saint-Lbger ; le cure suffisa.it parfaitement
aux besoins de la commune. Au mois d’oetobre de l’annee derniere, il
nous est arrive un vicaire qui s’occupe a peu pres exclusivement de
l’ecole catholique. »
En vdrite, messieurs, est-ce pour cette besogne-la que l’Etat paye des
vicaires la oil le besoin ne s’en fait pas sentir?
M. Bara, ministre de la justice. — C’est une erreur.
M. Goblet d’Alviella. — C’est la deposition du bourgmestre de
Saint-Ldger.
�— 15 —
M. Il ARA, minirtr® de la justice. — C’est un vicaire qui n est pas payb
?".. par 1’Etat.
’M. JBotviER. —C’est un rare avis. (Hilarite.)
M. Goblkt d’Alviklla. —Du reste, le meme argument peut sappliqner & nombre de desservants qui semblent avoir des loisirs de plus
en. plus considerables pour s’occuper des bcoles catholiques.
_
• Le elergb de Binche, dbpose le bourgmestre de cette commune
li' importante, a refuse les sacrements aux parents des enfants de nos
- deoles. Cela diminuait sa besognp de phis de moitid. Aujourd’hui, une
z grande partie de notre population ne frbquente plus l’bglise, oil Ion ne
f preche plus que la revolte contre les lois. »
' “ Tous les parents des bleves des bcoles communales, dit bgalement
nn tbmoin dans la commune de Mont-Saint-Aldegonde, ne regoivent
plus l’absolution. Cela facilite d’autant la besogne de M. le curb, car
cette mesure frappe la moitie de la commune. »
Je ne vous parlerai pas de Rebecq-Rognon, ou, d’apres le bourg- mestre, on parle de huit it neuf cents personnes qui ne vont plus a
IMglise, ou pin tot qui ne regoivent plus les sacrements ; ni de Tubize
*
ou, d’apres la deposition du secretaire communal, tant de personnes se
f sont retirbes de l’bglise que la recette des chaises a diminub et que la
■ fabrique elle-meme a du rbduire le traitement du curd; ni de cette comt mune de Bellefontaine oil il y a actuellement pour une population de
1,362 habitants, deux desservants et un chapelain, bien que d’apres
Fenquete line grande partie des habitants de la commune ait cesse de
frequenter les sacrements; ni d’Aywaille, oil il y a 4 desservants pour
une population de 3,445 habitants et oil d’apres la deposition de M. Ed.
Cornesse, membre du comitb scolaire •—- j’ignore si c’est un parent de
| notre honorable collegue, — un grand nombre de personnes ne vont
plus a l’bglise, ni de Ceroux-Mousty, oil d’apres M. le notaire
Thibeau * la majority de la commune & cessb de frequenter l’bglise »,
< m enfin de Couture-Saint-Germain oil, d’apres le bourgmestre, « l’ex^Bdmjnunication a btb presque gbnbrale, la majority de la commune a
Kf; cessb de frequenter l’bglise. » Mais je dois cependant faire observer que,
I \‘ dans toute ces communes, le clerge a btb plus ou moins augmente depuis
L 1830, sinon depuis 1842.
■ Sous ce rapport, du reste, voici mieux encore, et ici les faits sont si
-z flagrants que je demande formellement h M. le ministre s’il ne pense pas
K ; qu’il y a des mesures immbdiates a prendre.
" Nivelles avait en 1842 •— les renseignements antbrieurs me manquent
—►Unolergb de cinq ministres rbtribubs pour une population de 7,884habitants, soit 1 par 1,637 habitants, — presque trois fois plus qu’a
�— 46 —
'
Bruxelles proportionnellement. — Depuis cette dpoque, la population
ne s’est accrue que de 2,000 habitants, c’est-h-dire un peu plus d’un cinquieme, et cependant dans la meme pdriode le chiffre de ses pretres rdtribuds a double; il est month de 5 a 10. Or, le plus beau de l’histoire, c’est
que, d’apres la deposition de M. Gheude, secretaire du parquet hNivelles,
il s’y est produit dans ces derniers mois un mouvement protestant et
« le nombre des personnes qui se rendent & l’dglise diminue de jour en
jour »».
Voilh done une commune ou le nombre des fideles a diminue depuis
1842 et oil cependant on a double, dans la meme periode, le nombre du
clerge.
Cette situation n’est du reste point particuliere & Nivelles; j’ai pu l’y
constater, graced, l’enquete. Maisje suis convaincu que M. le ministre,
avec les moyens d’investigation que lui fournissent ses bureaux, la retrouverait dans une grande partie du pays, qu’il s’agisse des villes ou des
campagnes.
On nous dira peut-etre : Prenez garde de blesser les populations ruv
rales qui tiennent au chiffre de leurs pretres, afin de ne pas se trouver
genees dans leurs habitudes religieuses, dans le nombre de leurs messes,
par exemple. Messieurs, tel n’est plus, on peut l’afflrmer hautement, tout
au moins dans la partie wallonne du pays, le sentiment de nos popula
tions rurales.
« A la suite des faits cites, dit un dchevin de Grand-Reny, le village
autrefois uni est aujourd’liui divisd; c’est ce qui fait que je ne comprends
pas qu’on puisse encore salarier les personnes qui travaillent contre les •
lois du pays. »
A Estinne un temoin dit « qu’une faible minority s’est seule approchde
des sacrements » et le bourgmestre ajoute : « Le curd paye annuellement 1,500 francs pour soutenir les hcoles libres. J’insiste sur ce point
parce qu’il est inutile de donner de l’argent il des personnes qui en. ont
autant, que cela et qui ne rendent plus de services. »
Non settlement ce sentiment se manifeste par tout dans nos campagnes;
mais il y a meme nombre de communes qui ont sous ce rapport donnd
au gouvernement des exemples, pour ne pas dire des logons.
A Leval-Trahegnies, canton de Binche, le bourgmestre depose :
« Lors de la discussion du budget, il a dtd proposh de retirer le traitement accordh au clergh. Cette proposition, discuthe en seance publique,
a hth vothe a l’unanimitd. La dheision, jointe au proces-verbal, est motivhe par l’opposition systhmatique du curb A, la loi. »
Dans une autre commune de ce meme canton, h Anderlues, le conseil
communal a dgalement supprimd les suppldments de traitement au curd
�47
et au vicaire, « eeuX-ci », dit la decision jointe au proces-verbal de l’enquete, « s’attachant par leurs paroles et leurs actes a ddtruire, a amoindrir et a ddnigrer les institutions communales, les lois du pays et les
actes du gouvernement. » — Mais ce qu’il y a de plus curieux dans ce
Mernier fait, et j’avoue que c'est a peine croyable, c’est, d’apres la depo
sition du bourgmestre, qua la seance du conseilcommunal oille budget,
aiilsi amende, fut vote a I’unanimite, il y avait cinq liberaux et quatre
catholiques.
Voila la solution de la difficult^ presente, fournie par le bon sens
Bellaire, un bon sens qui ne date pas d’hier. Je lisais l’autre jour dans
la Revuepolitique qu’au moyen age les bourgeois de Vezenay, ayant 6td
'sjcommunihs, se bornerent a repondre : « Puisque nous sommes excommunihs, nous devons agir en excommunihs et ne plus payer ni dimes ni
cens. »
M. Bouvier. — Ils avaient raison.
M. Gobuet d’Alviella. — Vous voyez, Messieurs, que nous avons
des logons a recevoir, meme de l’ancien regime.
r L’honorable M. Delcour nous disait triomphalement, l’autre jour, qu’il
y avail en Belgique cinq millions de catholiques. Le systeme est com
mode. Quand il s’agit de payer, oh I alors, tous catholiques. Mais quand
il s’agit de beneficier des avantages spirituels que le clerge a pour
mission d’&asurer aux fideles, oh, alors, il n’y a plus de catholiques que
eeux qui envoient leurs enfants dans les ecoles orthodoxes !
Ce systeme a deux poids et deux mesures est-il juste, est-il rationnel,
est-il conforme a la theorie qu’il faut mesurer le chiffre du clergh et le.
salaire de
chefs a l’htendue des services qu’ils sont appeles a rendre
et qu’ils rendent reellement au pays ?
Voix A DROIte : A demain! A demain !
M Goblrt d’Alviella. — Jusqu’ici, je n’ai guere citd que les rhsultatsdo l’enquete dans les pays wallons.
_ n faut reeonnaitre, en effet, qu’il y a une profonde difference dans les
depositions de l’enquete relatives aux cantons wallons et aux cantons
flamands. Dans les cantons wallons, l’esprit d’indhpendance, ou, si vous
voulez, l’esprit d’herhsie, ne perd jamais ses droits. « Si nous ne pouvons
plus nous eonfesser aux liommes, nous nous confesserons a Dieu, » dit
une brave femme a Sart-Custinne. Et elle ajoute : « ce qui est encore
meilleur. » — « Je suis excommunih, vient dhposer un vieillard de
Beh&ne, mais ma conscience est tranquille, je crois que c’est la le pre-,
mier juge. »>
Ces rhponses ne se rencontrent pas jusqu’ici dans les depositions des
populations flamandes. La, il faut bien le reconnaitre, si l’on excepte les
�— 18 —
grandes villes, ainsi que certains centres de population plus dclairds, le
silence est complet. Les dglises restent pleines et ce sont les dcoles qui
sont vides. Mais si l’orthodoxie y est victorieuse, elle y triomphe comme
I’ordre triomphait & Varsovie, apres avoir fait autour d’elle la terreur et
la solitude.
Je ne connais, pour ma part, rien de plus navrant que la situation
des quelques malheureux assez osds pour rdsister, dans les campagnes
flamandes, a cette tyrannie spirituelle.
On a parld ici de la tyrannie des commissaires spdciaux. On dira.it
vraiment qu’en denongant cette tyrannie avec tant de grand fracas, on.
a voulu donner le change sur les vrais persdcuteurs et les vraies perse
cutions. Et quand je parle de tyrannie spirituelle, ce n’est pas a dire
que le clergd se borne a employer des moyens spirituels pour assurer sa
domination. Lisez l’enquete. A chaque page, dans le pays flamand, vous
voyez reparaitre sur ses levres, a l’adresse des recalcitrants, cette phrase
odieuse : « Je vous ruinerai. »
Et ce qu’il dit, il lefait! Denonciations du haut de la chaire, appels a
l’intervention des bureaux de bienfaisance et des propridtaires, vdritables mises en quarantaine, il n’y a rien qui soit dpargnd pour fournir
a l’honorable M. Malou les elements de ces belles statistiques scolaires
qu'il a si triomphalement produites a la Chambre.
Ici, ce sont des ouvriers tonneliers forces de quitter leur commune ou
ils ne trouvent plus d’ouvrage, parce qu’ils ont un frere dans l’enseignement communal; la, c’est une malheureuse cabaretiere qui tenait uh pe
tit cabaret ou, d’apres sa deposition, elle pouvait gagner 1,500 francs
par an et qui, apres avoir vu sa clientele l’abandonner sous la pression du
clerge, est forcde de quitter la commune et tombe a charge de son fils,
instituteur dans une commune voisine.
Ailleurs, c’est un boulanger que le clergd de sa commune a ruind,
parce qu’il maintenait ses enfants a l’dcole communale et qui a dtd rdduit
a s’engager comme domestique dans sa propre commune.
Je ne m’dtendrai pas sur tous ces faits qui sont d’tine monotonic 'vrai
ment lugubre, je ne m’dtendrai pas sur les retraits de terres, les ddnonciations de baux, les pertes d’emplois, dus uniquement a l’intervenrion
du clergd; je ne m’dtendrai pas non plus sur la situation de ces malheu
reux instituteurs isolds en plein pays fanatisd.
L’heure est avancde et, du reste, la question pourra revenir lorsquenous discuterons le budget de l’instruction publique.
Je dois cependant faire cette observation :
On a beaucoup discutd, j’aurais dit ergotd si le fait ne s’dtait pas pro/
duit dans cette Chambre, sur la distinction entre rexcommunication et
�le refus des sacrements. Que signifie le mot excommunier, sinon retrancher de la communaute des fideles? Des lors, les faits que j’ai rappelds
ne sont-ils pas des excommunications, et des excommunications sous
leur pire forme, vdri tables interdictions de l’eau et du feu?
Je n’hdsite pas & le dire, si pareille situation dont je rougis pour mon
pays devait se perphtuer, il faudrait bien, coute que coute, recourir, —
et pas seulement en matiere hlectorale, — & ces mesures que plusieurs
associations liberates ont deji rhclamdes pour rdprimer les abus de la
pression spirituelle et ce que les Anglais ont appele dans leur legislation
1’intimidation cleric ale.
x Je veux cependant espdrer que la situation s’ameliorera. Oh! je ne
m’attends pas a de la moderation de la part du clerge; il est trop tard;
ce serait s’avouer battu, et quand on se pretend infaillible, on n’avoue
pas sa defaite. Cette reaction, je l’attends du bon sens et de l’dnergie de
nos populations flamandes.
Ecoutez un de ces cris prophdtiques que l’exces de la misere, aux
dpoques troublees, met quelquefois dans la bouche des opprimes et des
faibles, Il s’agit encore une fois d’une pauvre femme tracassee, persecutee, pourchassee pai' le clerge, une cabaretiere de 70 ans, qui a du
renoncer A son commerce et abandonner sa commune.
Elle raconte un dernier entretien quelle a eu avec le vicaire de sa
paroisse et comme celui-ci, suivant l’habitude de ces messieurs, recourait
A l'ultima ratio de l’envoyer tout droit en enfer, elle se redresse enfin
sous la main qui la broie et apres avoir replique : « J’ai fait mon enfer
sur terre » elle se retourne et s’derie •. « Ces gens-la nous feront douter
de notre foi! » (Sensation.)
Que le clerge prenne garde! Quand la reaction se produira, elle sera
plus forte, en raison meme des violences dont on aura souffert et alors il
regrettera, trop tard, ses exces d’aujourd’hui.
Les Flandres qui en plein moyen age repondaient aux excommunica
tions en brulant les bulles papales sur leurs places publiques, les Flandres,
qui au xvie siecle rdpondaient it l’inquisition en acclamant la rdforme, les
Flandres ne laisseront pas faire aux successeurs de Pie IX ce que les
papes les plus puissants du moyen age n’ont pu accomplir qu’avec le bras
de l’dtranger.
. Si je reclame la reduction des traitements du clerge supdrieur qui est
1 instigateur de toute cette croisade, si je rdclame, non pas la reduction
des traitements du clergd inferieur comme a sembld l’admettre tan tot
l’honorable M. de Haerne, mais la reduction du chiffre des ministres du
culte, partout ou, suivant l’expression du ministre de la justice, ils se
font de veritables agents de desordre, si je rdclame ces mesures avec
tent d insistance, c’est que j’ai la conviction de parler, non pas au nom
�de quelques libres-penseurs et de quelques dissidents, mais au nom de
centaines de mille de nos compatriotes qui sont aujourd’hui ecartes de
l’Eglise et qui ne veulent pas contribuer aux charges et aux frais d’unsj
organisation dont ils n’ont plus iji les droits ni les benefices. (Tres bien!
a gauche.')
On a parib de represailles. Il faut nous entendre sur ce mot. Si par la
on veut dire une rancune de parti, l’effet du ressentiment du parti liberaL
& raison des invectives et des attaques du clergb, notre pai-ti est audessus dune pareille tactique, et la preuve s’en trouve bien dans cefait
que, depuis de nombreuses annbes, depuis que le parti liberal existe
pour ainsi dire, le Merge nous combat avec les memes moyens, et,
cependant, comme l’honorable ministre le rappelait l’autre jour, le
parti liberal a fait plus pour le clerge infbrieur que le parti catholique
lui-meme n’a osb faire pendant ses passages au pouvoir.
C’est le parti liberal qui, h tort ou a raison, a surtout augments le
nombre des ministres du culte dans nos campagnes. C’est au parti libe
ral que le clergh infhrieur doit la principale augmentation de son traftement. C’est enfin le parti liberal qui a fait a Rome la dernier® tentative
pour assurer l’independance des desservants contre l'arbitraife episco
pal. Nous sommes done au dessus d’un pared reproche.
Mais il ne s’agit pas ici d’injures de parti a venger, il s’agit de 1’inth- ;
grite de nos institutions, il s’agit de la majesty de la loi, il s'agit des.
droits les plus saerfis de la conscience irnpuntjment violes dans plusieurs
de nos provinces, et, puisque nous ne pouvons pas empecher -directe-'
ment de pareils attentats, montrons du moins que nous ne voulons
pas en accepter la complicite, en supprimant a ceux qui s’en rendent
coupables tous les avantages, toutes les faveurs que nous ne sommes pas
absolument obliges de leur accorder en vertu de la Constitution et des
lois.
Ce n’est done pas un acte de represaille, mais un acte de reparation et
de justice, un nouveau pas dans la voie des reformes inevitables dontle ’
clerge semble prendre lui-meme a tache de precipiter l’accomplissement,
comme s’il voulait justifier l’antique adage « Quos vultperclere Jupiter
demented ». (Applaudissements prolongds a gauche.)
�
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A name given to the resource
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A collection of digitised nineteenth-century pamphlets from Conway Hall Library & Archives. This includes the Conway Tracts, Moncure Conway's personal pamphlet library; the Morris Tracts, donated to the library by Miss Morris in 1904; the National Secular Society's pamphlet library and others. The Conway Tracts were bound with additional ephemera, such as lecture programmes and handwritten notes.<br /><br />Please note that these digitised pamphlets have been edited to maximise the accuracy of the OCR, ensuring they are text searchable. If you would like to view un-edited, full-colour versions of any of our pamphlets, please email librarian@conwayhall.org.uk.<br /><br /><span><img src="http://www.heritagefund.org.uk/sites/default/files/media/attachments/TNLHLF_Colour_Logo_English_RGB_0_0.jpg" width="238" height="91" alt="TNLHLF_Colour_Logo_English_RGB_0_0.jpg" /></span>
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Original Format
The type of object, such as painting, sculpture, paper, photo, and additional data
Pamphlet
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Le clergé Belge en 1881 d'après les depositions faites sous la foi du serment, dans l'enquête parlementaire. Discours prononcé a la chambre des représentants dans la séance du 22 Février, par le comte Goblet D'Alviella
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
d'Alviella, Goblet
Description
An account of the resource
Place of Publication: Brussels
Collation: 20 p. ; 18 cm.
Notes: Includes bibliographical references. Text in French. From the library of Dr Moncure Conway.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Weissenbruch
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1881
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
CT88
Rights
Information about rights held in and over the resource
<a href="http://creativecommons.org/publicdomain/mark/1.0/"><img src="http://i.creativecommons.org/p/mark/1.0/88x31.png" alt="Public Domain Mark" /></a><span> </span><br /><span><span>This work (Le clerg</span></span>é Belge en 1881 d'après les dépositions faites sous la foi du serment dans l'enquête parlementaire)<span>, identified by </span><a href="https://conwayhallcollections.omeka.net/items/show/www.conwayhall.org.uk"><span>Humanist Library and Archives</span></a><span>, is free of known copyright restrictions.</span>
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
Type
The nature or genre of the resource
Text
Language
A language of the resource
French
Subject
The topic of the resource
Clergy
Belgium
Belgium
Clergy
Conway Tracts
Religion